Petite, papa travaille aux Halles « dans le ventre de Paris », le marché dédié à l’alimentaire, l’ancien Rungis. Maman officie comme secrétaire au sein d’une entreprise de robinetterie. L’enfance s’écoule heureuse dans la chaleur d’une famille aimante à Paris, dans le IIe arrondissement. Le déménagement en mars 1969 du marché à Rungis, dans le Val-de-Marne, emmène dans ses bagages la famille qui s’installe tout près, à Chevilly-Larue. « On habitait en appartement dans un immeuble. On appelait ça des cubes. »
Le rêve de prendre le large
Avec ses deux sœurs, Laurence s’épanouit dans les nombreuses activités proposées par le patronage, le centre de loisirs de l’époque. « C’était génial. J’ai fait de l’équitation, de la danse, de la gymnastique, de la musique ; je suis allée en colos. » Côté amitié, elle est comblée. Dans ces années-là, elle rencontre ses deux meilleures amies, dont une installée aujourd’hui comme elle en Mayenne.
L’adolescence arrive dans cet environnement stimulant. Seule l’école ne suscite pas en elle de passion, elle travaille assez pour voir inscrit sur ses bulletins scolaires : « Ensemble satisfaisant, peut mieux faire ». L’appréciation rassure les parents mais l’indiffère. Laurence rêve de prendre le large.
La cause des agriculteurs
Laurence Cormier est une femme engagée. Les associations dans lesquelles elle défend le monde agricole sont légion : Solidarité paysans de la Mayenne, le réseau des veilleurs dans le canton de Meslay-Grez, et Les Elles de la terre, dédiée aux femmes, qu’elle a créée avec des amies.
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Son dévouement lui a valu d’être distinguée par la Légion d’honneur en juillet 2023. La médaille lui a été remise à Laval en Mayenne le 21 mars dernier.
Tentée par le métier d’inséminatrice de chevaux
Après le BEPC (l’actuel diplôme national du brevet), elle prépare le brevet d’études professionnelles agricoles (Bepa) en internat, à Chartres, en Centre-Val de Loire. « Ce n’était pas pour devenir agricultrice mais pour être à la campagne, tout ce dont j’avais envie. » Un temps, elle est tentée par le métier d’inséminatrice de chevaux. « Ne me demandez pas pourquoi, je ne sais pas », pouffe-t-elle, amusée.
Le Bepa dure deux ans. Les stages dans les exploitations de chèvres, de brebis, de cochons l’enthousiasment. Elle touche à la comptabilité, la gestion, le secrétariat et la sténodactylographie. Et les week-ends, elle « chouille ». Comment s’en priver ? Elle adore la fête, lâche-t-elle, sourire en forme de banane à en plisser ses yeux bleu océan. « Je n’étais jamais la dernière à y aller. »
Rencontre avec un éleveur de vache laitière
Au même moment, les parents de l’une de ses grandes copines, Armelle, s’installent en Mayenne. Laurence passe ses vacances scolaires chez eux. Parmi les nouveaux amis d’Armelle, un fils d’éleveurs de vaches laitières, Édouard Cormier, lui tape dans l’œil. Ils font connaissance. Ils ont « une petite romance ». Elle a 16 ans.
Mais l’appel de l’ailleurs retentit une fois de plus : sitôt ses études terminées, elle retourne vivre à Paris le temps de tester une multitude de métiers, de voyager, de gagner en maturité et surtout de prendre conscience que son grand amour vit en Mayenne. « À 22 ans, je me suis dit : “Non, il faut que j’y retourne.” »
Elle s’exécute en 1986. Édouard ne l’attend pas. « J’ai ramé pour le reconquérir. Il ne faut pas jouer avec les sentiments d’un gars de la terre. » En 1988, ils se marient, ont quatre enfants, en adoptent un cinquième et travaillent ensemble à la ferme jusqu’à la retraite prise cette année. « Je suis toujours là. Il arrive à me supporter, donc ça va », souffle-t-elle, ravie.
Éléments biographiques
1964 Naissance à Suresnes
1980 Brevet d’études professionnelles agricoles
1986 Arrivée en Mayenne
1988 Mariage avec Édouard Cormier, éleveur de vaches laitières
2017 Lancement de l’association Les Elles de la terre dédiée aux agricultrices
2025 Remise de la Légion d’honneur récompensant le bénévolat associatif