Ici, un grand « R » tracé sur le sable suivi d’un cœur puis d’un « MSA » réalisé avec des coquillages, pour « René aime la MSA ». Là, un voilier, dans l’angle une rosace, à l’opposé une fleur rehaussée par deux inscriptions : Marpa et MFR. Ce vendredi matin, sur la plage située juste en face du village AVMA « Sweet Home » de Cabourg, dans le Calvados, la fresque esquissée par les participants du séjour intergénérationnel en dit long sur les quelques jours qu’ils viennent de passer ensemble. Idyllique ? Non. Mais touchant et élégant.

Beaucoup de tact, un zeste de bonne volonté

Élégance dans la complicité : il faut voir les élèves en bac pro services aux personnes et aux territoires (Sapat) de la MFR d’Hucqueliers, dans le Pas-de-Calais, marcher au bras des résidents des Marpa de Fauquembergues, Fillièvres, Locon et Preures. Pas de grandes palabres : l’échange se noue à travers le regard et l’attitude. L’intergénérationnel, ce n’est pas de la poudre aux yeux ! Tout le monde garde encore à l’esprit le concert en soirée de la veille qui s’est fini en karaoké improvisé, jeunes et moins jeunes à l’unisson.

Élégance encore en amont, dans la construction du projet. Il aura fallu beaucoup de tact, associé à un zeste de bonne volonté partagée autour de Cédric Briche, référent des Marpa du Nord et du Pas-de-Calais, directeur de la structure de Fauquembergues, pour mettre en route cette dynamique de « Part’âge ». « Il a fallu faire évoluer la mentalité des dirigeants des Marpa », concède Cédric, qui, en bon marathonien — ce matin, à l’approche d’une course, il carbure au régime maltodextrines et céréales chocolatées — sait relever des défis.

Les neuf Marpa du Nord et du Pas-de-Calais représentent aujourd’hui 50 emplois, 202 logements, 220 résidents et 3,5 millions d’euros de budget. La volonté de travailler la mutualisation des moyens et des compétences prend racine en septembre 2015. À l’époque, la MSA, la FNMarpa et les Marpa se réunissent autour de la table : les premiers besoins sont recensés, notamment en matière économique.

L’idée d’un diagnostic de terrain se fait jour, commandité par la MSA Nord-Pas de Calais. Il est réalisé par Cédric Briche entre février et décembre 2016 sous l’égide de MSA Services. Il est conduit dans une philosophie d’esprit mutualiste, caractéristique du développement social local à la sauce MSA. « J’ai créé un questionnaire d’entretien et fait mener des interviews auprès des présidents et des responsables pour identifier les forces et les faiblesses de notre réseau », explique Cédric.

Mutualisation : 15 000 euros par an économisés

Adrien Bocquillon et Cédric Briche sur la plage de Cabourg.

Plusieurs éléments se dégagent, comme la volonté de rompre l’isolement professionnel (lié à l’éloignement géographique entre les structures), la nécessité de pérenniser la professionnalisation des salariés des Marpa, le besoin en supports de communication régionaux et nationaux, ou encore la mise en évidence de difficultés budgétaires.

« Les responsables de Marpa ont montré leur intérêt d’avancer ensemble, en participant aux cinq réunions organisées sur le thème de la mutualisation », se félicite Adrien Bocquillon, directeur de la Marpa de Locon. Fruit de ce travail, une première expérimentation porte sur la prestation de services alimentaires. On estime à 15 000 euros par an l’économie réalisée grâce à la négociation en groupe.

En septembre 2016, la CCMSA fait part aux référents Marpa du projet de séjours intergénérationnels imaginé par l’AVMA. L’écho reçu dans le Nord et le Pas-de-Calais est très favorable, dans la lignée de la dynamique de mutualisation impulsée en local. « Nous avions réussi à sortir de la petite gloire personnelle pour adopter le discours du “on” », conclut Cédric Briche. Une saine émulation était née. Depuis, elle favorise non seulement le bon fonctionnement des structures mais également le bien-être des résidents. »
Lors du séjour, un seul credo : « Nous proposons des animations et des activités aux seniors qui choisissent ou pas d’y participer, en toute liberté. »

Une initiative qui contribue au bien-vieillir

Nulle obligation, donc, pour « mesdames Andrée et Geneviève », de monter dans les voitures du petit train pour visiter Cabourg, de voir Honfleur, d’arpenter le site de la Batterie de Merville-Franceville ou de s’adonner à la pétanque ! Elles peuvent compter sur Gwendoline, élève de MFR, pour rester à leur écoute. « On ne sait jamais ce que la personne âgée va décider, mais on s’adapte », confirme Mélanie Hennequet, scolarisée en première Sapat.

« Il n’y a que maintenant que je peux en profiter », témoigne Didier Vilette, ancien exploitant agricole à Mazinghien, dans le Nord. S’il pratique déjà la marche et le qi gong (gymnastique traditionnelle chinoise), il n’est pas mécontent de pouvoir bénéficier de l’air marin de la Normandie. Ses douleurs ? Envolées ! « Je me sens mieux depuis que je suis ici », concède-t-il. Et si c’était à refaire, pour l’accueil au village AVMA, pour le climat, pour la présence des jeunes, il dirait « oui » sans hésiter. Une belle conclusion pour une initiative qui contribue activement au bien-vieillir.


TÉMOIGNAGE

Damien Loiseau, directeur de Sweet Home.

« Si nous ne participons pas pleinement à cette initiative, qui le fera ?
Notre métier exige de constantes adaptations, ce qui ajoute du sens à ce qu’on fait. Ce sont nos origines, notre histoire [En 1948, la MSA de l’Eure achète le domaine pour en faire un centre de villégiature destiné aux enfants et aux personnes âgées] qui font encore la différence entre notre association de vacances et une autre.
Nous faisons du tourisme social.
Nous tissons des liens avec les Marpa, les MFR, Générations mouvement…
Nous contribuons à redynamiser les liens intergénérationnels, en nous préservant d’être estampillés “ghetto social”. »

Photos : © Franck Rozé/le Bimsa.