« Les enfants insistaient pour que je m’accorde une pause. J’en étais arrivée à un stade où je n’avais plus envie de cuisiner. Ma soupape, c’était le jardin mais je n’avais plus envie de jardiner non plus. Ce n’était pas bon signe. » Marie-Thérèse évoque un quotidien prenant ; elle prend soin de son époux, victime de plusieurs accidents vasculaires cérébraux il y a quelques années, ce qui requiert une vigilance constante. « Notre vie a basculé. Nous qui faisions beaucoup d’activités : vélo, piscine, marche…, nous avons dû y renoncer. »
La vie est aujourd’hui rythmée par le passage de l’infirmier, du kinésithérapeute, du médecin… « Le nombre d’intervenants qui gravitent autour de nous me pèse. » Elle parvient à s’accorder deux moments pour elle dans la semaine « pour du qi gong et de l’aquagym », relayée par une aide-soignante libérale que le couple emploie. Mais le manque de sommeil et la nécessité de recharger les batteries sont prégnants. Faire une pause, oui. « Mais partir où, et avec qui ? »
La MSA d’Armorique lui propose concomitamment un séjour de vacances, début juillet, au village de vacances de Port Manec’h à Névez (Finistère). « Je n’ai pas dit oui tout de suite, il m’a fallu quelques jours de réflexion. » Pour se faire à l’idée du départ, du partage de ces vacances avec d’autres aidants et pour trouver une solution de relais pendant son absence.
Du cousu main pour des situations fragiles
Marie-Thérèse a finalement rejoint d’autres personnes dans sa situation (deux d’entre eux accompagnés par leur conjoint) pour une semaine en pension complète dans cette station balnéaire, proche de la cité des peintres de Pont-Aven.
« C’est un petit groupe qu’on fait partir : du cousu main pour des situations fragiles car, jusqu’à la veille du départ, la culpabilité peut apparaître ou une dégradation de l’état de santé intervenir », expliquent Viviane Gouez et Ludivine Gravier, travailleurs sociaux à la MSA d’Armorique, rappelant que « le soutien des aidants est un axe fort de notre action sociale. L’objectif de ce séjour est de permettre un temps de répit total. »
Il est organisé en partenariat avec l’Agence nationale des chèques-vacances (ANCV) et Cap’vacances. Un séjour similaire sera proposé pour un autre groupe en octobre. Critères d’éligibilité : s’occuper d’un proche âgé dans son quotidien, l’aidant ou la personne aidée devant relever du régime agricole. Un premier contact téléphonique est pris pour s’assurer que la personne répond bien à ces conditions. Un travailleur social rencontre ensuite la personne à domicile pour l’accompagner dans la mise en œuvre du projet.
Lever les freins au départ
« Se pose la question de la prise en charge de la personne aidée pendant le séjour : relais familial ? Hébergement temporaire ? La personne aidée peut aussi déjà être accueillie en établissement avec une forte implication de l’aidant à ses côtés (visites fréquentes, aide à la prise de repas, entretien du linge…), pointent Viviane Gouez et Ludivine Gravier. La question de la mobilité ne doit pas être un frein à la participation au séjour : une mise en relation a été effectuée pour du covoiturage au sein du groupe et un service de transport à la demande sollicité pour accompagner trois personnes jusqu’au village vacances. »
Pas question d’ajouter des contraintes supplémentaires à une existence déjà compliquée. Côté finances, le tarif de base du séjour s’élève à 402 €. Une aide ANCV de 160 € est octroyée à tous les aidants et une participation financière est accordée par la MSA qui prend également en charge les frais de chambre individuelle, pour que chacun puisse vraiment se reposer. Le reste à charge pour chacun est de 192 €.
Au programme de ce temps de repos : des activités de détente et des séances spécifiques. Deux sont « prévues avec la psychologue – l’une en début de séjour pour faire groupe et se connaître un peu, l’autre à la fin pour faire le point, voire élaborer des projets pour entretenir les bienfaits de ce temps de répit », indiquent les travailleurs sociaux. Une sophrologue intervient également pour aider à prendre soin de soi.
« Une semaine, c’était envisageable »
« La première réunion avec la psychologue a été très positive ; chacun a exposé sa situation », souligne Régine, qui s’occupe de sa mère, âgée de 91 ans. Fille unique, elle se rend tous les matins à son domicile, distant de quatre kilomètres. « Elle serait en Ehpad [établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, NDLR] si je n’étais pas là. » Papiers, pilulier, courses, entretien du jardin, préparation des repas, organisation des rendez-vous médicaux et accompagnement… la liste des tâches qu’elle accomplit est longue. « Un peu d’organisation a été nécessaire pour préparer cette absence. Une semaine, c’était envisageable, quinze jours ou trois semaines, c’est trop long : maman angoisse à l’idée de notre départ. »
Régine est venue à Port Manec’h avec son conjoint. « Ici, nous nous sommes donnés à fond dans toutes les activités proposées : marche le long du sentier côtier, visites, activités le soir, concours de pétanque… Nous sommes satisfaits à 100 % et avons été à l’aise très rapidement dans le groupe. Compte tenu de la fatigue et d’une certaine saturation, ce séjour était vraiment une opportunité à saisir. »
« Une vie entre parenthèses »
Rémi, quant à lui, est aussi enchanté. Il profite totalement d’un « rythme quotidien différent » soulagé d’avoir pu « laisser les soucis à la maison ». Cet agriculteur, retraité depuis quelques années, vit sous le même toit que sa mère de 91 ans. « Elle conduisait encore il y a trois ans. » Mais aujourd’hui, elle a perdu son autonomie. C’est son frère qui « a pris le relais pendant une semaine » pour lui permettre cette escapade.
Claudine, originaire des Côtes-d’Armor, estime pour sa part que « les autres membres du groupe sont confrontés à des situations plus lourdes que la mienne. Maman a 89 ans et est accueillie en Ehpad à proximité de chez moi depuis trois ans, dans le cadre d’un rapprochement familial ». Très investie au sein de la structure où elle prend une part active aux animations, Claudine a tenu à mettre en place quelques activités pour sa mère pendant son absence – le passage de la coiffeuse par exemple. Avec une « vie entre parenthèses », elle avait envie de détente, de plein air, d’une ouverture vers les autres. Pari gagné pour elle aussi !
Tous ont accepté bien volontiers de témoigner de cette nécessaire implication auprès de leur proche, un dévouement quotidien assumé parallèlement à leur propre vie qu’ils mettent souvent en retrait, ébranlant leur moral et leur santé. En venant à Port Manec’h, ils ont franchi le pas et se sont autorisés à lâcher prise quelques jours, pour souffler et être moins isolés. Une sensation de bien-être qu’ils devront apprendre à cultiver au retour afin de s’autoriser des temps de pause, pour conserver intacte leur belle énergie solidaire.
Lire aussi
S’aérer l’esprit et penser à soi. Sommaire de notre dossier consacré aux vacances.