Éric Van Daele, administrateur central de la MSA, casque vissé sur les oreilles, écoute avec attention les explications du guide. Spécialiste de l’accidentologie en machinisme agricole, Benoît Moreau, du département prévention des risques professionnels à la CCMSA, a l’art de capter l’attention des élus centraux de la MSA, tous professionnels du monde agricole. Éric Van Daele est très emballé par le développement des technologies qui respectent le sol. « Remplacer le tracteur pour désherber, quand il n’est pas utile, par un quad trois fois plus léger et éviter les phénomènes de tassement du sol va dans le bon sens. » 

Dans le même but, le télégonflage est en effet très présent au Sima. Le système consiste à adapter la pression des pneumatiques en fonction du type de sol : dégonfler dans les parcelles pour accroître la surface de contact et ainsi limiter le patinage et le tassement des sols, et augmenter la pression sur route pour limiter la résistance au roulement. « On redécouvre des choses que nos grands-parents savaient mais qu’on avait oubliées. »

Kits ingénieux et adaptables aux engins agricoles

Petite photo souvenir, au détour d’un stand. Les élus mitraillent avec leur téléphone portable. Ils sont particulièrement intéressés par des kits ingénieux, adaptables à presque tous les tracteurs, qui permettent d’accroître la visibilité des engins agricoles dans la circulation. Loin du tuning ou du gadget, ces équipements offrent la possibilité d’installer un dispositif de marquage de la largeur, des clignotants, des feux de position à led, et permettent d’y associer des pare-chocs et des barres anti-encastrement bien utiles pour s’insérer en toute sécurité dans la circulation ou en cas d’accident avec un autre usager de la route. Autre avantage pour l’agriculteur : il peut lester son tracteur jusqu’à 1­ 600 kilos sans perdre l’usage du relevage avant. « En tant qu’exploitant en polyculture-élevage, ces systèmes de traction et de lestage m’intéressent pour éviter les pertes d’adhérence, lance Christian Schneider, administrateur central (Alsace). Un vrai casse-tête pour moi. J’ai cherché des solutions pendant un moment avant d’en trouver au Sima.»

40 % des accidents ont lieu au moment de la montée ou de la descente du tracteur

Plus loin, les visiteurs s’arrêtent devant une charrue innovante. L’idée est de simplifier et de sécuriser son utilisation dans la circulation routière. Elle est équipée d’une tête basculante qui a aussi fait tourner celle des élus. En mode transport, elle permet à la charrue de suivre les traces du tracteur. La mise en position travail de la charrue ainsi que l’ensemble des réglages importants se font depuis la cabine. Un gros plus côté sécurité, car près de 40 % des accidents ont lieu au moment de la montée ou de la descente du tracteur. Ils représentent 57 jours d’arrêt de travail en moyenne par accident (chiffres MSA). Une autre innovation fait l’unanimité dans le groupe. Elle permet de bâcher ou débâcher en vingt secondes sans descendre de son tracteur. Un vrai progrès pour la sécurité. La bâche, enroulée sur un cylindre animé par un moteur électrique, s’adapte à presque tous les types de bennes. Michel Robinet, (Nord-Pas de Calais), dont c’est le premier Sima, apprécie la démonstration.

La foule des grands jours à ce salon organisé tous les deux ans. © Alexandre Roger

Pas le temps de souffler, petite visite d’un poste de pilotage d’un tracteur. Les élus découvrent un engin équipé d’un système de caméras qui détectent automatiquement la présence de personnes sur la trajectoire du tracteur. En cas de danger, il émet un signal qui empêche toute manœuvre tant que la personne n’a pas quitté la zone critique. Pour supprimer les angles morts, d’autres systèmes présentés au salon permettent des vues à 360° de son tracteur.

Une rupture technologique

« Il ne faut pas être pessimiste. Je découvre au salon une agriculture qui, malgré les crises, est ambitieuse et porteuse d’avenir », constate Philippe Panel (Auvergne). « La robotique  et les différentes aides à la décision nous permettent d’être beaucoup plus efficaces dans les champs avec, par exemple, des pulvérisateurs plus précis qui envoient le produit au plus près de la plante. »

Cette édition 2017 marque de ce point de vue une vraie rupture. L’opérateur n’est plus seul aux commandes. La précision des nouveaux capteurs et les progrès de la gestion électronique dans le domaine de la pulvérisation aident à optimiser ses réglages. Certains constructeurs ont même présenté des dispositifs faisant le lien entre la gestion automatique de la hauteur de la rampe et la sélection automatique de la buse. Les professionnels apprécient.

Protection de l’opérateur

La protection de l’opérateur face aux produits chimiques n’a pas été oubliée. Des innovations permettent la préparation de la bouillie avec une incorporation sans contact. Des systèmes de transfert sécurisés, fermés et autonettoyants suppriment une part importante des risques d’exposition de l’utilisateur et de l’environnement. Le récipient intermédiaire gradué permet un dosage précis. Une vraie révolution qui fonctionne avec 80 % des intrants du marché. Toujours dans un souci de protection du travailleur agricole, la présentation de systèmes qui permettent de filtrer et de pressuriser les cabines des tracteurs et des engins agricoles dédiés aux traitements phytosanitaires a suscité de nombreuses questions de la part des élus.

Un vertige de technologie… © Alexandre Roger

Plus globalement, de plus en plus de machines présentées au salon collectent de l’info pour alimenter le fameux big data. En levant la tête, le petit groupe a pu croiser des drones capables de cartographier en très haute résolution le sol pour connaître sa texture. Une bonne connaissance de la réserve utile du sol permet d’économiser des entrants. On passe à l’ère d’une agriculture qui module ses doses pour maximiser ses rendements.

De plus en plus de machines présentées au salon collectent de l’info pour alimenter le fameux big data.

Et la santé des travailleurs agricoles?

Mais la santé et la sécurité des travailleurs agricoles est-elle pour autant une priorité chez les industriels du secteur ? Pas forcément, d’après Benoît Moreau. « Les innovations des fabricants visent avant tout à améliorer leurs produits en termes de productivité, de gains de temps, de simplicité d’utilisation, etc. La santé-sécurité est visée de manière indirecte : cabines avec amélioration de la visibilité, réduction du bruit, joysticks qui épousent la forme de la main… Côté MSA, nous avons un rôle à jouer pour aller vers la normalisation et une meilleure sécurité. On demande aux conseillers de faire, sur le terrain, des enquêtes après accidents, d’observer et d’analyser les risques liés à l’utilisation des machines… pour avoir des arguments concrets face aux constructeurs, afin qu’ils améliorent le niveau de sécurité et la prise en compte du travail réel. » Un rôle de « rempart »  face à la toute-puissance des constructeurs, relevé par Isabelle Paux (Picardie). «  La MSA a un rôle très important à jouer dans la certification des machines pour réduire dès leur conception le risque pour les utilisateurs. »

Mais les vrais extraterrestres du salon, ceux dont tout le monde parle, élus MSA compris, sont sans nul doute les tracteurs robots autonomes avec ou sans poste de conduite. Certaines allées du Sima 2017 avaient pris, grâce à eux, des airs de films de science-fiction. De la nuée de petits robots travaillant en escadrille au gros robot bardé de capteurs et fonctionnant en solo, le chemin que suivront les industriels et les agriculteurs de demain est encore en train de s’écrire.