Comment a démarré votre implication ?
Après avoir fait des études de gestion et de commerce, je suis revenu sur l’exploitation familiale pour aider mon père, et me suis installé en 1996. Je suis viscéralement attaché à mon territoire et pour moi c’est vital d’être ouvert sur l’extérieur.
Je me suis donc immédiatement impliqué dans la vie locale : conseil municipal de Rullac-Saint-Cirq, association culturelle… Je suis aussi trésorier de l’association de la fête de la brebis et délégué cantonal du Téléthon. Je me suis engagé à la MSA après avoir participé à un groupe de réflexion sur la ruralité.
Pourquoi avoir centré votre action sur la question de la transmission ?
Entre 2013 et 2015, je me suis beaucoup investi avec les Jeunes Agriculteurs (JA) dans la création d’une charte locale « transmission, installation », réalisée avec les organisations professionnelles et les élus. Depuis une dizaine d’année, cette question du renouvellement des générations se pose sur notre territoire. Cette charte a mis en évidence que, dans un avenir assez proche, il n’y aurait qu’une seule installation pour 2,3 départs à la retraite. Le déficit de candidats est vraiment inquiétant, notamment dans la filière bovin-lait.
Dans le prolongement, on s’est posé la question de savoir quelles actions mettre en œuvre. Quand je suis devenu délégué MSA, cela m’a paru une évidence d’inscrire une action de territoire sur ce thème. L’approche de la MSA peut être double, via la problématique du mal-être et de l’attractivité du métier.
Quelles actions avez-vous mené ?
Nous avons lancé une enquête auprès des 1 800 exploitants du secteur sur le thème de la conciliation de la vie personnelle et professionnelle. Il est vrai que les premières exploitations concernées par le problème de la succession sont celles où le chef d’exploitation est célibataire. Ils sont 37 % sur notre territoire, et cela peut atteindre les 50 % dans certaines communes.
Lors de l’enquête, plusieurs personnes en fin de carrière ont témoigné du fait que ce métier les avait privés de beaucoup de choses. Or la question de l’attractivité est primordiale, surtout pour les jeunes d’aujourd’hui. On peut aimer l’élevage mais ne pas choisir d’en faire son métier en raison de ses inconvénients. Et le contexte n’est pas favorable à l’image du métier.
Après réflexion, nous avons lancé l’été 2019 un service de remplacement pour le week-end, à la carte, entre agriculteurs/trices, en partenariat avec la chambre d’agriculture, les JA et le service de remplacement du département. Il a fallu convaincre ce dernier car on bouscule un peu les habitudes. Le calage juridique n’a pas été évident, mais on y arrive.
L’idée est partie d’une initiative réussie sur la commune de Centrès, où des agriculteurs ont décidé de se remplacer entre eux de manière complètement informelle. L’objectif est vraiment d’avoir un complément au service de remplacement classique, ciblé sur les travaux d’astreinte et flexible. C’est un atout important.
Vous avez donc aussi travaillé sur l’épuisement professionnel ?
En décembre 2018, une cinquantaine de personnes ont pu échanger avec Dominique Sinner, spécialiste de l’accompagnement aux changements professionnels, sur l’importance de prendre du temps pour soi, du recul. Il faut essayer d’agir le puis en amont possible car une fois qu’un problème est instauré, c’est très difficile de récupérer la situation malgré toutes les compétences des travailleurs sociaux.
Et c’est important de pouvoir s’appuyer sur un voisin, ne serait-ce que pour se confier, en parler. C’est ce que nous essayons de faire avec le service de remplacement. Casser l’individualisme, récréer du lien. Seul on n’arrive à rien.
Tout ce travail prendra du temps, mais il ne faut pas lâcher, on n’a pas le choix. Notre métier et nos territoires méritent qu’on se creuse la tête, qu’on prenne des initiatives.