Un jeune aidant est un enfant, un adolescent ou un jeune adulte de moins de 25 ans qui assiste un proche malade, en situation de handicap ou de perte d’autonomie. On fera une distinction entre les mineurs et les 18-25 ans. Notre association s’occupe plutôt de la tranche 8-18 ans, avec un dispositif appelé les Jeunes aidants, qui offre un temps de répit en résidence ou pas, et la possibilité de s’exprimer via une activité artistique.
Les ateliers répit de l’association Jade existent depuis 2014. Ils ont été créés par une psychologue clinicienne, Françoise Ellien, directrice d’un réseau de santé SPES dans l’Essonne. C’est à l’occasion de ses visites à domicile et dans les lieux de vie qu’elle repère des jeunes en situation d’aidants la première fois. Prenant conscience de la vulnérabilité de cette population invisible, elle a développé dans ce département les tout premiers ateliers cinéma répit, qui permettent à ce public de s’exprimer et surtout de verbaliser leurs attentes au moyen de ce média, entourés d’une équipe d’animateurs, d’intervenants artistiques et de psychologues.
Le dispositif pilote, aujourd’hui à sa 6e année, accueille 24 jeunes : 12 enfants, 12 adolescents, au cours des vacances scolaires d’automne et d’hiver. Lors de ce temps de répit, ils disposent de la possibilité de créer leur propre film autour du récit de leur histoire personnelle.
Repérer ces jeunes est d’autant plus compliqué que ceux-ci n’arrivent pas à parler de leur situation. Pour les détecter, il existe tout un écosystème autour d’eux sur chaque territoire, réunissant l’aide sociale à l’enfance, l’éducation nationale, la maison des adolescents, la CAF, la Sécurité sociale et tant d’autres acteurs… Tous sont en capacité de les identifier et de les orienter vers nous.
Aujourd’hui, le dispositif a essaimé en France : il y a aujourd’hui des ateliers Jade en Occitanie, en Paca, en Corrèze et bientôt en Normandie et dans les Haut-de-France.
Pour en savoir plus sur l’association Jade
INTERVIEW
Amarantha Bourgeois
« La plupart des enfants ne savent pas ce qu’est un aidant »
Pourquoi cette question des jeunes aidants est restée aussi longtemps sous les radars ?
Plusieurs facteurs l’expliquent. Premièrement, les enfants ne parlent pas spontanément de leur situation. Ce n’est pas verbalisé, et ce qui n’est pas dit n’est ni entendu ni deviné. Les raisons du silence sont identifiées aujourd’hui par les études sur le sujet. Ces faits-là relèvent de la sphère privée. Personne n’a envie de parler du handicap de son frère ou de la maladie de sa maman à l’école. Si l’enfant ou l’adolescent peut éviter d’aborder le sujet, il l’évite. Il peut éprouver la crainte de la stigmatisation et de la moquerie.
Dans certaines situations, notamment dans les grandes villes ou région comme l’Île-de-France où deux foyers sur cinq sont monoparentaux, il y a aussi une peur d’être séparé de son parent. Très clairement, des mamans malades en cours de traitement demandent à leurs enfants de ne pas parler de la situation parce qu’elles craignent d’en être séparés. Ce tabou-là est l’une des explications.
L’autre motif est parallèle à la question des aidants tout court. Il y a un problème d’auto-identification. Jamais un jeune ne nous a appelés en nous disant : “Voilà, je suis un jeune aidant.” Ce n’est pas comme ainsi qu’il se voit. Il ne se nomme pas de cette façon. La plupart des enfants ne savent pas ce qu’est un aidant. D’un autre côté, cela fait dix ans que les associations d’accompagnement d’aidants adultes luttent pour imposer ce terme et pour désigner une communauté. Il faut considérer qu’il se passe la même chose pour les jeunes. Tant qu’ils ne s’identifient pas comme tel, il faut leur dire : “Vous êtes de jeunes aidants.” Une fois qu’ils comprennent leur statut, ils deviennent de vrais ambassadeurs de cette question parce qu’ils ont l’impression de faire partie d’une communauté. C’est essentiel d’échanger avec d’autres personnes vivant la même la situation. C’est la base de nos ateliers.
Qu’est-ce qui vous a amené à Jade ?
Ce qui m’a amené là est très simple : je suis maman de quatre enfants, ma fille aînée est polyhandicapée. J’ai cherché une association qui prennent en considération les besoins de la fratrie et d’une enfant fragile aussi lourdement handicapée que la mienne. Je suis arrivée là en tant que maman et jeune aidant qui a bénéficié des tout premiers ateliers cinéma répit. J’ai trouvé ce projet génial et je me suis complètement engagée dedans.