Il a fallu pas loin de cinq années à Christian Fer pour rédiger l’ouvrage, de plus de six cents pages, intitulé La Mutualité sociale agricole 1981-2015, neuvième tome de la collection « La Sécurité sociale, son histoire à travers les textes » publié par le comité d’histoire de la Sécurité sociale.
Évidemment, ces trente-quatre années ne couvrent pas l’intégralité de l’histoire de la MSA. La période précédente avait été traitée dans le tome 4 de la collection, paru en 1992.

Christian Fer n’est ni écrivain ni historien. Par contre, la Mutualité sociale agricole, il la connaît très bien puisqu’il y a fait toute sa carrière. Parti à la retraite fin 2010, il en est un témoin privilégié. Même si, comme il aime à le dire, il a toujours été en seconde ligne, son parcours et les fonctions exercés au sein de l’institution lui permettent d’avoir une vue globale de ce qu’est la MSA et de son fonctionnement. En charge en caisse départementale de l’agence comptable en Eure-et-Loir puis des relations humaines, de l’action sanitaire et sociale et de la protection sociale dans le Loir-et-Cher, il a surtout été le directeur des affaires juridiques et institutionnelles de la caisse centrale et assuré le secrétariat du  conseil d’administration.

La gouvernance avant tout

Il n’est pas étonnant que Serge Marty (sous-directeur à la direction mission et projets institutionnels et représentant de la CCMSA au comité d’histoire de la Sécurité sociale) pense à lui pour rédiger ce second volume. « Il y a environ cinq ans, il m’a appelé pour me demander si je ne serais pas partant pour l’écrire. J’étais hésitant, je n’avais absolument pas d’expérience en la matière. Il a un peu insisté et je me suis dit : pourquoi pas ? Je ne me suis pas vraiment rendu compte de la masse de travail que cela pouvait engendrer. » Pour ce travail, il est épaulé par Arnauld Lebrusq (à la direction de la communication et des affaires publiques de la CCMSA).

Et ils ne sont pas trop de deux pour venir à bout de ce chantier qui se révèle conséquent. « En me fondant sur mon expérience et mes connaissances de la MSA, j’ai commencé par faire un plan. Au départ, il était constitué d’une dizaine de parties. Suite aux premières discussions que nous avons eues avec le comité d’histoire de la Sécurité sociale, l’ouvrage s’est structuré autour de trois parties, ce qui le rend plus dynamique », explique Christian Fer.

En revanche, pour lui une chose est sûre, il est fondamental de commencer par la gouvernance : « Le fait que l’on ait des conseils d’administration et des acteurs élus au niveau local et un conseil d’administration également issu de ce processus électoral au niveau central est un des fondements de la MSA. Même si l’ouvrage s’insère dans une collection traitant avant tout de la protection sociale (abordée en deuxième partie), je n’en ai pas démordu. De même, je voulais terminer par la partie qui présente les initiatives de la MSA avec l’offre d’action sanitaire et sociale et de services ; l’une de ses principales raisons d’être qui doit être préservée. »

Un point de vue objectif

Les trois parties déterminées, le gros du travail peut alors commencer : compulser, réunir et organiser la masse considérable des textes législatifs et réglementaires, des débats et interventions au Parlement mais aussi les textes internes à la MSA.

Pour cela, Christian Fer et Arnauld Lebrusq s’appuient sur le service de documentation de la CCMSA, véritable mine d’informations, mais également sur les ressources numériques. « Aujourd’hui, on trouve beaucoup de choses sur Internet. Désormais, tous les débats et discussions du Parlement sont accessibles, de même pour tout ce qui est jurisprudence », explique Christian Fer.

Une fois cela fait, il ne s’agit pas de tomber dans la simple compilation de textes. L’objectif de l’auteur est de partir des débats et des textes de lois pour expliquer l’évolution de la MSA tout en s’abstenant de prendre position : « Dans la première partie, je décris ce que j’ai vu au travers des débats parlementaires et des textes de lois qui en découlent. À cette période, la MSA a suscité de violents débats sur différents sujets mais j’ai cherché à ne pas porter de jugements de valeur. J’ai simplement voulu montrer la genèse des textes au niveau du parlement mais aussi en interne et l’action de la MSA pour promouvoir un certain nombre de mesures destinées à améliorer la protection sociale agricole. »

Des choix nécessaires

En l’analysant par le biais des textes, Christian Fer a conscience qu’il restitue une vue partielle de l’histoire : « Ça rend davantage compte des choses au niveau central et pas obligatoirement de ce qui s’est passé dans les caisses. Toute l’effervescence qu’il a pu y avoir à cette période au niveau local n’est pas vraiment mise en évidence. » 

Mais il a fallu faire des choix comme il l’explique à propos de la seconde partie concernant la protection sociale des salariés et des non-salariés agricoles : « Pour les salariés, les textes sont identiques à ceux du régime général. Nous avons donc fait le choix de ne pas les réécrire puisqu’ils sont déjà traités dans d’autres volumes. Nous n’avons traité que les textes spécifiques de la protection sociale agricole (concernant particulièrement les non- salariés). Nous avons donc mis de côté l’assurance maladie ou les prestations sociales des salariés. On peut considérer que c’est un manque mais c’est un manque volontaire. »

Pour autant, cette deuxième partie est entièrement tournée vers les améliorations pour la protection sociale conduites par la MSA dans différents domaines comme la retraite de base, les retraites complémentaires, la maladie (avec les indemnités journalières), les accidents du travail ou le congé maternité des agricultrices. Elle porte également un éclairage sur l’une des évolutions majeures de la MSA à cette période qui, par un double phénomène (la pression des pouvoirs publics et le détachement progressif des autres organisations agricoles), est passée d’organisme professionnel agricole à un organisme professionnel agricole de sécurité sociale.

Un travail d’utilité publique

À travers les textes cadrant les actions sanitaires et sociales en milieu rural, Christian Fer apporte un éclairage important sur la profonde réflexion engagée par l’institution, à partir des années 1980.

Il s’agit dès lors pour la MSA d’adapter son action à l’évolution des besoins du monde rural en ne la limitant pas à la population agricole mais en devenant, grâce à son offre de services, un organisme référent dans le domaine de l’action sanitaire et sociale pour le monde rural, quelle que soit l’appartenance à un régime de sécurité sociale.

Que ce soit en termes de gouvernance, de fonctionnement ou d’évolution de la protection sociale, l’ouvrage montre que la MSA a été marquée par des évolutions considérables entre 1981 et 2015. « Ce travail m’a permis de mesurer combien la MSA aujourd’hui est complètement différente de ce qu’elle était il y a une trentaine d’années, souligne Christian Fer, et en même temps, j’ai vu son souci permanent de préserver les éléments fondamentaux de son identité. Quand on vit les choses au présent, on ne se rend pas compte de leur évolution et des bouleversements que cela engendre ». Et d’ajouter modestement : « Cet ouvrage pourra peut-être intéresser les personnes qui ont vécu cette période, de la voir sous un prisme différent. »

Nul doute qu’il sera aussi utile à ceux qui y travaillent actuellement car découvrir son passé permet de comprendre la MSA d’aujourd’hui. Et à ceux qui peuvent parfois remettre en question son rôle de se rendre compte que « cette évolution, mouvementée à certains moments, était inéluctable. Cependant, elle serait arrivée bien plus brutalement si la population agricole avait été gérée par le régime général. Les progrès en matière de protection n’ont pu se faire à cette période-là que parce que la MSA était la MSA », confie Christian Fer.