La convention nationale pour l’intégration de la santé-sécurité au travail (SST) dans l’enseignement agricole, signée entre la CCMSA, le ministère de l’Agriculture et le ministère du Travail, implique la mise en place de nombreuses actions de prévention sur les territoires. Pour atteindre au mieux leur cible, l’objectif est de coller au plus près de l’activité réelle de travail. C’est pour cela que la CCMSA se penche aujourd’hui avec autant de détails sur les données de cette population particulière. L’étude Accidents du travail et maladies professionnelles des apprentis agricoles et des élèves de l’enseignement agricole, 2012-2016 nous donne une vue d’ensemble et des billes pour accompagner les mesures de prévention.

Ceux que l’on peut appeler « apprenants », pour la MSA qui reçoit les déclarations d’accidents, ne sont pas des travailleurs comme les autres. Si la diversité de leurs activités est représentative du monde agricole, leur manque d’expérience les expose plus aux risques. A contrario, les maladies professionnelles, plus longues à apparaître, sont quasi inexistantes, et principalement liées aux troubles musculosquelettiques.

– 10 % d’apprentis en cinq ans

Baisse inquiétante des effectifs

S’ils représentent une part importante de la population salariée agricole1 (13,3 % des effectifs pour les élèves, contre 3,4 % pour les apprentis), leur nombre diminue d’année en année. Entre 2012 et 2016, l’enquête constate une baisse de 6,7 % des élèves, et 10 % des apprentis. Une réduction qui ne peut qu’inquiéter face aux grandes difficultés du secteur à recruter. « C’est assez marquant sur les chiffres de la population féminine, s’étonne Éric Hugues, responsable du service management des risques professionnels, en charge de l’étude. Alors que l’on constate une féminisation des métiers depuis une vingtaine d’années, on ne voit pas cette constante dans les chiffres des apprentis. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes chez les élèves, mais côté apprentis, elles ne représentent que 25 % (contre 40 % de salariées et entre 30 et 35 % de non-salariés). »

Mission parlementaire au Sénat

Le Sénat a lancé le 9 février une mission d’information sur l’enseignement agricole afin d’aider à sa préservation. Présidée par Jean-Marc Boyer, sénateur du Puy-de-Dôme, elle a pour intitulé : « L’enseignement agricole, un outil indispensable au cœur des enjeux de nos filières agricoles et alimentaires ». De nombreux acteurs, dont la MSA, seront auditionnés. Ses travaux devraient s’achever cet été.

Dans le but de mieux connaître l’accidentologie réelle, l’étude se recentre exclusivement sur les accidents en relation avec l’activité de travail et les trajets. Les premiers résultats montrent une régression globale chez les élèves, tandis que les taux et indices de fréquence chez les apprentis stagnent, voire augmentent pour certaines catégories. « Nous n’avons pas de points de comparaison pour ces deux populations, puisque c’est la première étude réalisée avec cette méthode, mais depuis une trentaine d’années il y une baisse constante de l’accidentologie dans à peu près tous les secteurs. Or, ici, on se rend compte que la diminution du nombre d’apprentis ne compense pas celle des accidents. »

Les plus jeunes sont par ailleurs particulièrement soumis aux risques chez nos apprenants : les moins de 18 ans ont deux fois plus d’accidents du travail (AT) que leurs camarades majeurs, même si ceux-ci sont globalement moins graves.

Une augmentation des accidents graves chez les apprentis

Les apprentis concentrent une grande part des AT, mais dans l’ensemble leur gravité reste inférieure à celle des autres catégories de salariés. Cependant, leurs accidents graves non mortels sont en nette progression : entre 2012 et 2016, ils ont augmenté de 29 %. Les élèves quant à eux, moins touchés, voient le nombre et la gravité de leurs accidents du travail diminuer de plus de 25 %. La proportion des accidents graves non mortels est néanmoins également en hausse, dans une moindre mesure que chez les apprentis (+ 14 %). « Bien que leur part ne soit pas aussi importante que dans l’ensemble des autres secteurs (environ 8 % contre 2 à 3 % chez les apprenants), on constate tout de même une forte hausse ces cinq dernières années, souligne le responsable de l’étude. Et si les accidents baissent chez les élèves, quand ils arrivent ils deviennent graves, ce n’était pas le cas avant. »

Les décès, s’ils restent exceptionnels, sont plus nombreux chez les apprentis, principalement causés par des accidents de la route. Au total, on en dénombre sur cette période un peu moins de quatre par an en moyenne (contre 2 chez les élèves et 82 chez les autres salariés).

Les dangers de la route en première ligne

Qu’ils concernent le travail ou le trajet depuis le domicile, les accidents de la route sont la première cause d’accidents chez les jeunes. Chez les apprentis agricoles, leur proportion, hors mortels, est quasiment deux fois plus importante que pour l’ensemble des secteurs, et concerne principalement les deux-roues et les voitures (respectivement 49 % et 47 %). Les tracteurs et autres engins de travail sont ainsi loin derrière. Les élèves se situent, eux, en dessous de la moyenne, mais les accidents impliquant des piétons y tiennent une part plus importante.

« Nous travaillons depuis longtemps sur ce risque, qui a toujours été important, confirme Mathias Tourne, conseiller national en prévention à la CCMSA. Notre action est complémentaire à ce que fait la Sécurité routière, qui l’aborde sous l’angle du respect du code de la route. Des journées dédiées sont d’ailleurs organisées en régions en partenariat avec l’organisme, ou bien l’association prévention routière, pour sensibiliser les jeunes autour d’animations telles que des simulateurs de vitesse ou d’alcoolémie. Notre approche SST, elle, est vraiment liée à l’activité. Par exemple rappeler aux entreprises que se déplacer dans le cadre d’une mission relève du travail ; l’employeur doit donc fournir les moyens pour le faire dans de bonnes conditions. Et ça se réfléchit, en termes d’utilité tout d’abord, de temps, prévoir les imprévus, bien s’organiser. Pour les trajets domicile-travail, la difficulté est qu’on est dans un entre-deux. Les entreprises ont du mal à agir sur cette partie car ça ne les concerne qu’à moitié. Elles ont moins de moyens d’action, puisqu’il y a une part qui relève du comportement, et se sentent moins légitimes. Il existe tout de même des astuces qui peuvent aider. Ce qui fonctionne bien c’est d’avoir des horaires plus souples, quand c’est possible. »

Le risque animal prépondérant

Après les déplacements, la conduite d’un animal est la deuxième cause d’accident pour nos apprenants, particulièrement avec les équidés. Le risque lié aux machines représente par ailleurs un quart des AT chez les apprentis. On note cependant une diminution des accidents liés à ces deux risques ainsi qu’aux chutes et aux produits chimiques.

Les blessures aux mains et aux pieds constituent presque la moitié des localisations des lésions. Un quart des accidents chez les apprentis et un tiers chez les élèves sont de nature superficielle ou de simples contusions. Les heurts, chocs, collisions, pertes d’équilibre ou chutes de hauteur engendrent la majeure partie d’entre eux. Les secteurs jardins, espaces verts et cultures et élevages non spécialisés sont les plus choisis par les apprentis, et donc les premiers touchés.

Actions de sensibilisation

Quels que soient le risque et son évolution, promouvoir la culture de prévention est une politique majeure à la MSA, qui doit commencer le plus tôt possible. Le message passe souvent par les enseignants et le personnel encadrant des établissements, mais aussi par les maîtres de stage. Des actions de sensibilisation pour préparer à l’arrivée d’apprentis sont conduites par les caisses de MSA, notamment pour des employeurs seuls sur leur exploitation. À la MSA des Charentes, par exemple, des journées spéciales sont organisées dans les établissements, auxquelles ils sont conviés. Des interventions en classe ont également lieu avec des partenaires comme le réseau d’électricité Enedis, sur le risque électrique, en espaces verts particulièrement. La MSA Beauce Cœur de Loire, elle, souhaite développer les interventions en entreprise, sous la forme de journées ou demi-journées à thème pour parler des risques avec les apprenants, alliant ainsi la théorie à la pratique et favorisant le partage d’expérience.

Toujours dans le même objectif : intégrer la prévention dans les parcours d’enseignement. La MSA Mayenne Orne Sarthe mène de son côté tout un travail sur la filière équine : un livret pédagogique a été élaboré pour aider à mieux appréhender l’approche du cheval et les bonnes pratiques. Il sera diffusé à la rentrée prochaine en Mayenne et dans l’Orne. Des journées de prévention ont régulièrement lieu dans les établissements, comme « Mieux vaut prévenir que guérir » à l’AgriCampus de Laval. La caisse n’oublie pas les Maisons familiales rurales (MFR) puisqu’un groupe d’échange a été mis en place pour les directeurs d’établissements. Ils peuvent y partager leur expérience et questionnements.

Du côté des statistiques nationales, un suivi sera désormais mené chaque année, puis, tous les quatre à cinq ans, une nouvelle étude plus complète sera publiée, comme celle-ci. « Les indicateurs pourront évoluer, conclut Éric Hugues. Nous chercherons notamment à mieux connaître les secteurs concernés par les accidents des apprentis ; un point qui va demander un travail important. Nous développerons également les types de risques concernés. »

1. La MSA dénombre un peu plus de 733 000 salariés agricoles actifs en 2020.

Derrière les chiffres

Tout chiffre à son contexte. L‘étude se base sur les déclarations indemnisées par la MSA. Si un accident n‘est pas déclaré, il n’est donc pas pris en compte puisqu’elle n’en a pas connaissance. L’employeur remplit par ailleurs lui-même les déclarations et, de plus, certaines entreprises agricoles sont affiliées au régime général. Les limites de la connaissance statistique sont ainsi faites que les résultats ne peuvent pas être totalement exhaustifs.

Le travail des préventeurs pour couvrir la réalité concrète du terrain reste ainsi indispensable à toute politique de prévention. De même, les variations importantes de population entraînent des phénomènes difficiles à appréhender sans une étude très poussée. Les secteurs touchés par les diminutions d’effectifs, plus ou moins accidentogènes, peuvent affecter différemment la balance globale des résultats.

Photo : © Michel Monsay/CCMSA Image