« Et maintenant, que vais-je faire ? » Ces paroles, issues d’une chanson composée et interprétée par Gilbert Bécaud, reviennent plusieurs fois sur le tapis, ce jeudi 30 septembre, au cinéma de Baraqueville.
Qu’est-ce que c’est que ce cirque ?
Interrogation légitime, car si l’après-midi est consacré à la clôture de la charte territoriale des solidarités avec les aînés en Pays Ségali, on nous annonce autre chose qu’un clap de fin. « Et maintenant, que vais-je faire ? » Réponse : le pitre, le gugusse, l’histrion… En un mot : le clown ! Et ce n’est pas si souvent que dans nos pages, nous évoquons la dimension sociale de cette auguste figure.
J’entends d’ici les premières remarques : mais qu’est-ce que c’est que ce cirque ? Popopop, pas si vite, c’est drôlement sérieux ! Une expérimentation sur trois ans, initiée par le Groupe MSA Midi-Pyrénées Nord et coportée par le centre social et culturel du Pays Ségali. Dans la lignée des clowns hospitaliers de Rire médecin, reconnus pour leurs interventions auprès des enfants, la compagnie du Bout du nez (du dernier kilomètre ?) développe une démarche similaire adaptée aux personnes âgées.
Un domaine où l’humour est roi
Originalité du projet : les clowns d’accompagnement, qui se rendent traditionnellement dans les établissements (Ehpad, unités de soins, foyers d’accueil médicalisés, etc.), vont désormais intervenir au domicile des aînés. L’initiative est sous-tendue par un principe inscrit au fronton de l’organisation mondiale de la santé (OMS), qui la définit comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité1 ».
« Dans le même esprit que celui qui anime la charte – impulser des actions pour que les acteurs locaux s’en emparent et les fassent perdurer – nous souhaitons que les clowns d’accompagnement viennent à la rencontre des seniors sans pathologies particulières mais en situation d’isolement, renchérit Sylvie Beaufils, responsable de l’action sanitaire et sociale. L’idée est de générer une interaction avec l’entourage familial, amical et les intervenants professionnels pour vérifier en quoi le clown peut “réanimer” la personne âgée. »
De son côté, la compagnie du Bout du nez propose « une rupture dans le quotidien, en créant de l’extraordinaire dans l’ordinaire ». C’est drôlement sérieux ! Le projet fera l’objet d’une recherche doctorale dirigée par un laboratoire dédié de l’université Toulouse Jean-Jaurès. Le chercheur sera embauché par MSA services Midi-Pyrénées Nord.
Nez rouge et originalité
Mais la charte ne se limite pas au bout du nez, tout rouge soit-il, d’un clown d’accompagnement. Originale depuis sa prime jeunesse, elle livre d’autres surprises.
En 2017, un diagnostic de territoire est réalisé dans le respect de la méthodologie du développement social local (DSL) mise au point par la MSA. Il rencontre les préoccupations du diagnostic social mené alors par le centre social et culturel. Des besoins et des attentes sont identifiés. Une restitution en bonne et due forme est faite aux partenaires institutionnels, aux associations, aux élus locaux et aux délégués de la MSA.
Un an plus tard, la charte prend la forme d’un… appel à projets ! Après une sélection des propositions puis une réflexion des groupes de travail pour répondre également aux besoins, roulement de tambour : plusieurs actions voient le jour dans une dynamique partenariale et participative.
Confettis et pieds de nez
Parmi elles, des confettis ou, au choix, des pieds de nez (rouge) contre notamment l’isolement et la solitude. « Éclat de vie » : une compilation d’une dizaine de témoignages de souvenirs heureux de séniors. Des échanges filmés avec des élèves de la MFR de Naucelle. Émouvant !
« Je trace ma route » : ou l’idée d’accompagner les aînés dans leur mobilité en actualisant leurs connaissances sur le code de la route et par la mise en place de leçons de conduite adaptées2. Futé !
« Allô, ça roule en Ségala » : création d’un service de transport solidaire pour les personnes âgées sans moyen de déplacement. Les trajets sont assurés par des bénévoles-chauffeurs, en lien avec le Secours catholique, porteur de l’action3. Habile !
Le point info seniors : un service sous forme de guichet unique, dont l’un des enjeux est de faire face aux besoins liés au soutien à domicile (informer, écouter, orienter et accompagner la personne âgée ou son entourage)4. Démentiel !
Mais aussi, des ateliers mémoire, activités physiques, et des cours de gymnastique adaptée.
Et des bulles d’air
Parmi les différentes propositions des groupes de travail, l’une n’a pas pu aboutir, pour des raisons liées à la crise sanitaire (forum du bien vieillir) ; une autre est en cours de développement, en faveur de l’interconnaissance des professionnels intervenant auprès des personnes âgées ; une dernière, enfin, est imminente, sur la thématique des solutions de répit aux aidants. Si les idées de séjour et de création d’un réseau de visiteurs bénévoles n’ont pu être finalisées, le déploiement du dispositif Bulle d’air sur le département de l’Aveyron, déjà présent sur le Tarn-et-Garonne, est annoncé.
Ce service de répit à domicile destiné aux aidants familiaux leur permet de « souffler un peu » tout en maintenant dans le cadre sécurisant de son domicile la personne aidée fragilisée par l’âge, la maladie ou le handicap. Une évaluation des besoins est réalisée par le responsable Bulle d’air au domicile des familles avant de solliciter un intervenant-relayeur ayant les compétences adaptées à l’accompagnement de la personne aidée. Le service bénéficie d’une prestation sociale. Sur le secteur, il est porté par la fédération de l’aide à domicile en milieu rural (ADMR) de l’Aveyron.
En rire pour ne plus en pleurer
Grâce à la mobilisation et la participation des partenaires et de la population, la charte territoriale des solidarités avec les aînés en Pays Ségali aura permis de déployer des actions sur le territoire en lien avec les attentes et les besoins des séniors. Après le retrait du Groupe MSA Midi-Pyrénées Nord, certaines actions vont perdurer. D’autres sont à construire, dans cette dynamique.
« Et maintenant, que vais-je faire ? ». La chanson dit : « Je vais en rire pour ne plus pleurer ». Avec les clowns, c’est un bon début.
(1). Préambule à la constitution de l’Organisation mondiale de la santé, tel qu’adopté par la conférence internationale sur la santé, New-York, 19-22 juin 1946 ; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 États.
(2). Cette action, organisée selon les besoins, est portée par le CCAS de Baraqueville et s’appuie sur des partenaires : le club de gymnastique de la résidence autonomie, le service de soins infirmiers à domicile, le Secours catholique et l’auto-école de la commune.
(3). Partenaires associés : Point info seniors, le CCAS et le foyer logement de Baraqueville.
(4). Dispositif du conseil départemental, porté par le centre social et culturel du Pays de Ségali.
« C’est un projet que nous mûrissons de longue date »
Intervenir au domicile des personnes âgées, ce n’est pas un hasard ! Cela fait bientôt vingt ans que nous utilisons notre savoir-faire en tant que clowns d’accompagnement en milieu de soins. Là, nous allons essayer de redonner aux aînés l’envie de se lancer dans des projets, même si c’est simplement fêter son anniversaire. Et une expérimentation suivie par un chercheur, c’est carrément enthousiasmant ! Cependant, nous nous posons encore des questions sur la manière d’entrer chez eux pour la première fois : ils vont quand même voir débarquer deux zigues. Il y a un effet de surprise. Nous allons réfléchir en équipe, avec les aidants naturels et les professionnels qui gravitent autour de la personne. Nos regards croisés vont nous permettre d’identifier des intentions en phase avec un diagnostic sur des fragilités ou des syndromes de glissement comme l’apathie, par exemple. Que le clown ne soit pas tout seul mais qu’il serve de relais dans l’accompagnement ! Après, nous évaluerons ensemble les bénéfices.
« Je suis originaire de Naucelle »
C’est un territoire que je connais bien, marqué par des caractéristiques rurales et un vieillissement démographique. Les retraités composent près de 10 % de la population. Certains sont touchés par l’isolement et l’éloignement des services. J’ai participé à la mobilisation des acteurs locaux et à la réunion de lancement de la charte. Elle a pour vocation le soutien au lien social et aux solidarités de proximité — à travers la lutte contre l’isolement social en offrant aux personnes âgées la possibilité d’accéder à des activités socioculturelles, notamment — la valorisation des engagements et de l’expérience des aînés, la promotion du bien vieillir et de la prévention, le développement ou le maintien d’une offre de services ou de structures de proximité. La charte m’a permis d’en apprendre encore plus sur mon territoire. Je suis satisfait par la mobilisation partenariale : habitants, élus locaux, élus et salariés du Groupe MSA Midi-Pyrénées Nord, centre social, etc. Elle permet de mettre en place des actions qui vont perdurer. Cette dynamique est le fruit d’un savoir-faire propre à la MSA.