Avec cette mission, vous entamez une nouvelle étape dans votre longue et riche carrière ?

La fonction m’intéresse. J’ai accepté de prendre cette ­mission dans la foulée de ce qu’a fait Roland Baud depuis 2016. Je me suis toujours passionné pour les questions sociales. Depuis trente ans, j’évolue dans la sphère du ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion ; je suis intervenu sur tous ces sujets. Et j’ai eu également à traiter des questions agricoles étant ingénieur agronome. J’ai dirigé l’organisme paritaire ­collecteur agréé des industries alimentaires (Opcalim), en charge de collecter et de gérer les fonds de la formation professionnelle des branches ­professionnelles de la coopération agricole et l’industrie agroalimentaire, regroupé aujourd’hui avec le Fonds d’assurance formation des salariés d’entreprises agricoles (Fafsea) au sein d’Ocapiat [opérateur de compétences]. Pour la partie coopération, les entreprises adhérentes et leurs salariés sont affiliés à la MSA ; pour celle des industries, ils relèvent du régime général.

Au cours de cette expérience, j’ai eu des contacts avec les professionnels agricoles. Récemment, en tant que membre du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, j’ai mené avec d’autres confrères plusieurs missions concernant l’agriculture [cf. le rapport sur Les Nouvelles Formes de travail en agriculture ou celui sur l’Évaluation du fonction­nement des structures chargées de la préparation à l’installation en agriculture. Cette double compétence a intéressé la MSA.

Avez-vous déjà été saisi par les assurés ?

Sept cents dossiers sont déjà arrivés depuis le début de l’année. Il faut savoir qu’il y a environ 2 000 saisines du médiateur par an. Je vois bien le type de litiges qui remontent. J’ai examiné le précédent bilan et la substance des saisines. Cela me confirme l’intérêt de la fonction de médiation dans les relations entre les assurés et les institutions du domaine social. Pour de multiples raisons, certains dossiers n’ont pas abouti dans la caisse ou n’ont pas reçu des réponses satisfaisantes pour les assurés. C’est très important pour les ayants droit de disposer d’un tiers de confiance, un peu externe à la MSA, indépendant, auquel ils peuvent ­recourir pour un nouvel examen de leur dossier.

De notre côté, nous essayons de répondre très vite aux recours. Le délai moyen de réponse est d’une dizaine de jours. Nous tentons de ne pas dépasser ces dix jours mais cela dépend aussi des échanges avec les caisses et les assurés. Dans beaucoup de cas, nous confirmons la décision de la caisse. Et le fait que ce soit un tiers extérieur qui apporte cette confirmation est mieux compris et finalement accepté. ­Parfois nous ­formulons une proposition différente en essayant d’être attentif à l’équité de traitement de l’ensem­ble des assurés. Cet avis du médiateur est transmis en même temps à la caisse et à l’assuré. Ensuite il revient à la caisse de prendre la décision finale. Nous ne nous substituons pas à sa prise de décision.

Dès lors qu’il y a un avis du médiateur, cela signifie qu’un travail en amont avec la caisse a été effectué pour bien appréhender la situation. Généralement, il n’y a pas de ­problème. Mais il peut ­arriver qu’on ne soit pas d’accord avec la position d’une caisse. Dans ce cas-là également, c’est elle qui prend la décision ultime. L’assuré peut alors lancer une procédure judiciaire s’il rejette la réponse. L’intérêt de notre médiation ou de notre intervention vise à éviter des procédures judiciaires, lourdes, longues qui coûtent du temps et de l’énergie. Notre objectif, c’est d’essayer de régler les problèmes sur un mode amiable.

En quoi la médiation est importante pour la MSA ?

Je suis persuadé qu’elle est importante. On le mesure notamment avec le nombre des réclamations. Les ­deman­des explosent. En 2018, on en était à 550. On est passé à 2 000 aujourd’hui. Cette forte hausse s’explique par le fait que la fonction de médiation commence à être connue. La seule condition imposée, c’est obtenir d’abord une décision de la commission de recours amiable de sa caisse. Après quoi tout adhérent peut saisir le ­médiateur par voie postale ou sur sa page Internet. Cette procédure me semble assez pédagogique.

Que disent les saisines des assurés ?

Les instructions des dossiers concernent beaucoup la qualité de service, le délai des réponses et de ­traitement… Les complications peuvent naître par exemple du transfert entre caisses, de la bascule difficile du régime général au régime agricole ou l’inverse. Cela a donc beaucoup trait à la qualité de service et marginalement à des divergences sur l’application du droit qui représentent 20 à 25 % des saisines, mais qui requièrent un examen encore plus approfondi des dossiers. Je crois que nos analyses, de qualité et étayées sont bien perçues par les caisses. Nous avons eu une visioconférence avec nos correspondants en région au moment du départ de Roland Baud. Ils apprécient la précision des réponses juridiques de la médiation à certaines questions au point de s’en servir ensuite.

Justement sur ce point, êtes-vous accompagné ?

Oui, il y a une équipe de quatre personnes, avec notamment Olivier Colin, le responsable de la médiation à la CCMSA. Une personne va être recrutée pour aider à gérer le volume important de saisines non recevables. Nous nous répartissons les dossiers ; ensuite nous délivrons les réponses et avis. C’est moi formellement, en ma qualité de médiateur, qui signe les réponses aux assurés. C’est le médiateur qui s’engage.

Quels conseils essentiels Roland Baud vous a laissés ?

Pendant trois mois, nous nous sommes vus régulièrement : il a eu le temps de me coacher. D’ailleurs je l’en remercie. Il m’a bien expliqué comment cela fonctionnait… Il a insisté sur les aspects pédagogiques, sur les conseils qui peuvent être donnés car que le médiateur rédige un rapport annuel qu’il présente au conseil d’administration puis à l’Assem­blée générale de la CCMSA et au Défenseur des droits au niveau national. Ce document comprend des recommandations destinées à améliorer la qualité de ­services offerts aux assurés ainsi que l’application du droit.

Derrière la fonction de médiateur, il y a l’enjeu de la qualité du service public ?

C’est un point crucial. La médiation y contribue. Souvent les assurés ont des relations compliquées avec les ­institutions de protections sociales au sens large, pas seulement la MSA. Ils ont l’impression de ne pas être écoutés. Le droit est complexe. Ils n’en saisissent pas toujours toute la profondeur, ce qu’il faut faire et à quel moment. Les saisines permettent de compren­dre ce qu’ils vivent et aident à formuler des avis pour mieux les informer. On voit bien ce qui remonte et ce qui ne va pas. Quand certains sujets sont récurrents, cela indique qu’il y a des choses à améliorer dans la relation avec les adhérents. Pour nous, c’est primordial. C’est pour ça que les liens avec toutes les caisses est importante. Tout cela contribue à améliorer le service dû aux usagers, à mieux les écouter et les accompagner. Il faut qu’ils aient le sentiment d’être entendus.

Demande de médiation, mode d’emploi

Pour solliciter le médiateur, vous pouvez le faire directe­ment en ligne via un formu­laire à remplir ou par lettre simple à envoyer à l’adresse : Monsieur le Médiateur de la MSA, 19, rue de Paris CS 50070, 93013 Bobigny. Pour que la demande soit rece­vable, des conditions devront être remplies. D’abord il faut déposer une réclamation auprès de la commission de recours amiable de sa caisse MSA, chargée de sta­tuer sur les recours des assurés et des entreprises agri­coles portant sur l’application de la protection sociale en matière de prestations ou de cotisations. Ce n’est qu’après sa réponse que la procédure de la saisine du médiateur peut être enclenchée. Dans la demande trans­mise au médiateur, doit figurer la copie de cette réponse.

Photo : © Lou Roy