C’est un vrai shoot d’émotion pour les privilégiés qui assistent à la scène. Lorsque Élisabeth, alias Babette, 18 ans, débarque le 13 juillet dans la salle commune de la maison d’accueil et de résidence pour l’autonomie (Marpa) Les Érables, à Ardentes, les visages des deux Jeanne, de Nadia, Nicole, Ginette, Mathilde et même celui des deux nouvelles Yvette et Simone, arrivées il y a quelques jours seulement, s’illuminent en cœur.
Un rire communicatif
Aucunes d’elles n’oublient les petits et gros problèmes engendrés par le temps qui passe, la maladie, la famille qui habite loin ou encore les deux disparitions récentes au sein de la Marpa de cette petite commune située à 15 minutes de voiture de Châteauroux.
Mais c’est un fait, Babette a l’art d’apporter de la légèreté, une attention non feinte envers son prochain et un rire communicatif qui font du bien à l’âme, quel que soit l’âge. Des qualités simples mais précieuses qui ont conquis le cœur des résidents et du personnel.
Ce jour-là, Jean-Claude, 86 ans, a une grande nouvelle à lui annoncer : son petit-fils Ambroise est né pendant la nuit. C’est plein de fierté qu’il dégaine son smartphone pour lui présenter la bouille potelée et les 3,3 kilos du petit dernier. « Quand ils ne nous voient pas une journée, ils nous réclament, mais c’est un plaisir partagé car j’aime être à la Marpa, assume Babette. Ici, ces huit derniers mois, j’ai rencontré de nouvelles personnes qui m’ont fait une place dans leur vie.
« On a construit ensemble une grande famille. Nos anciens apprécient de se sentir écoutés et que l’on s’intéresse réellement à eux. Ce qui fait notre particularité, c’est que dans le cadre du service civique, on a le temps de le faire car c’est notre mission première. Cela m’a aussi permis de rencontrer Célia qui est devenue une amie. » C’est l’autre pépite de la Marpa – absente ce jour là – qui s’est engagée en même temps que Élisabeth au mois de novembre.
La richesse de l’intergénérationnel
« Babette est originaire de la campagne, Célia a découvert le milieu rural en arrivant ici, explique Jean-Yves Temmerman, président de la Marpa d’Ardentes et délégué MSA du secteur. Plutôt en retrait au début, elle a pris confiance en elle au fil des mois et s’est ouverte à ses aînés et à la petite vie de la Marpa, marquée par le partage de moments conviviaux dans ces résidences à taille humaine nées à l’initiative de la MSA il y a vingt ans. »
La candidature de Célia, en rupture scolaire, a été proposée par la Mission locale. Babette a candidaté en ligne sur le site sc-solidariteseniors.fr. « Après l’obtention de mon Bac, j’ai postulé à un BTS en alternance mais je n’ai pas trouvé d’entreprise pour m’accueillir. À 17 ans, je n’allais pas rester un an à me tourner les pouces avant de pouvoir candidater de nouveau. Lorsque j’ai vu une annonce pour le service civique solidarité seniors, je me suis dit que c’était peut-être l’occasion de découvrir un secteur nouveau et sortir de ma zone de confort tout en gagnant un peu d’argent », explique la jeune fille originaire de Belgique, qui conserve une pointe d’accent liégeois.
Même s’il a fallu un temps d’adaptation, le duo fonctionne à merveille. « Les caractères de Célia et de Babette se complètent bien. Les résidents apprécient aussi bien l’une que l’autre, souligne Sylvie Bourdier, responsable de la résidence Des Érables et tutrice des deux engagées. Cette expérience est très bénéfique pour elles aussi. Elles ont su évoluer au contact des anciens et elles sortiront plus fortes et plus sûres d’elles. Ce qu’elles ont pu acquérir chez nous, elles le garderont pour la vie. Si on respecte leur choix de ne pas continuer l’aventure des métiers du soutien au grand âge à l’issue de leur engagement, on se félicite qu’elles aient découvert la richesse de l’intergénérationnel.
« Pour les sept salariées de la Marpa, leur présence est un énorme soutien car même si elles ne participent pas directement à l’activité, elles prennent une vraie place dans la vie de la maison. Quand les jeunes sont là, les anciens ont le sourire et sont occupés. Je sais très bien qu’en leur absence et avec les congés estivaux, ce sera beaucoup plus compliqué pour l’équipe. »
Entre burger et radillat
Car en plus des séances de jeux de société, de la gym douce, des promenades, de la création d’un journal mensuel sur l’actualité de la Marpa, Célia et Babette ont accompagné une mémorable sortie au restaurant McDonald’s de Châteauroux, loin de l’art de vivre à la Berrichonne et du radillat, spécialité locale cuisinée régulièrement par Simone, l’une des résidentes de 94 ans.
Une virée qui fut tellement dépaysante qu’on en parle encore dans les couloirs plusieurs mois après. « Notre problème est maintenant de trouver la meilleure façon d’annoncer que leur engagement se termine, soupire Jean-Yves Temmerman. On espère retrouver des profils aussi adaptés à nos besoins lors du prochain forum du service civique. »
Aux jeunes qui hésitent ou qui doutent de l’intérêt de s’engager, Babette lance dans un sourire : « Il faut foncer car c’est une expérience formidable qu’on ne pourra faire qu’une seule fois dans sa vie. J’ai un gros pincement au cœur mais je sais que je reviendrai leur rendre visite de temps en temps. »
Les Marpa s’engagent aussi
La fédération nationale des Marpa (FNMarpa) a signé une convention le 17 mai 2022 avec l’association nationale pour le déploiement du service civique solidarité seniors afin de promouvoir le dispositif auprès des Marpa. Les objectifs poursuivis par le service civique solidarité sénior autour du renforcement des liens sociaux et intergénérationnels, de la prévention de la dépendance notamment par la lutte contre l’isolement et le développement de la mobilité rejoignent naturellement le projet de la FNMarpa.
En outre, celle-ci souhaite contribuer à ouvrir les jeunes vers de nouvelles opportunités d’emploi vers les métiers du lien, en particulier en milieu rural. Elle s’engage notamment à faciliter l’accueil de jeunes au sein de son réseau en promouvant les bénéfices des missions de services civiques dans les Marpa.