Politologue de formation, maman de quatre enfants, Bénédicte Vallette d’Osia a fondé Grandir un pas de plus en 2008. Organisée par la MSA Marne Ardennes Meuse, l’Asept Champagne Ardenne et l’association Label Vie, la conférence est gratuite et ouverte à tous, jeunes et moins jeunes.
« Cultiver le lien intergénérationnel pour développer la solidarité et la cohésion sociale » : comment le premier influence les secondes ?
L’homme est un animal social, qu’il le veuille ou non. Penser qu’au moment de la vieillesse, ce besoin disparait, ou que d’être regroupés au même endroit rend heureux, est une grossière méprise. Une fois en résidence seniors ou en Ehpad, la durée de vie de nos aînés diminue drastiquement. Ne voir quasiment que des gens de son âge est déprimant.
Ce qui est intéressant avec l’intergénérationnel, c’est le transfert des savoirs, des expériences, de pouvoir raconter des histoires… Et dès qu’on se sent utile, qu’on a l’impression de s’enrichir, qu’on échange avec les autres, sur le plan psychique, ces émotions positives ont pour effet de produire des hormones qui aident notre corps à bien fonctionner. À l’inverse, si elles sont négatives et en grand nombre, notre corps produit du cortisol puis s’ankylose, la rumination s’installe, ce qui mène à la dépression. Cela vaut également pour les jeunes qui sont très touchés, encore plus depuis le Covid. Une bonne santé psychologique joue sur le physique ainsi que sur la qualité de relation avec les autres.
Mais pourquoi est-il difficile de se comprendre entre générations ?
L’incompréhension a toujours existé. Depuis des temps immémoriaux, les jeunes sont décrits comme insupportables, refusant l’autorité…
Ce qui est nouveau, ce sont les écrans et toutes ces nouvelles façons de communiquer que les personnes âgées ont du mal à intégrer. Cela les isole complètement. Il y a aussi le fait que les familles sont plus éloignées géographiquement. Mais même ceux qui restent proches sont moins présents. Il y a encore une vingtaine d’années, il était de bon ton de passer tous les dimanches en famille ; aujourd’hui qui le fait ? Ces absences, ce manque de régularité peuvent générer des incompréhensions, voire des disputes qui entraînent des ruptures du lien.
Et c’est d’autant plus vrai que nous ne savons pas vraiment communiquer. Nous ne sommes pas éduqués pour faire de la résolution de conflits. Quand il y a un reproche, on se braque facilement et petit à petit il n’y a plus de plaisir à se voir. Dans d’autres pays, ce lien est pourtant toujours très présent. En France nous sommes devenus très individualistes, cela pose un vrai problème dans toutes les strates de la société.
Quelles solutions ?
Un exemple intéressant en Allemagne : à Freiburg, il existe un quartier où chaque immeuble intègre des appartements médicalisés en rez-de-chaussée, des logements pour les familles, pour les étudiants… et tout le monde s’engage à rendre des services. Cela demande des efforts de part et d’autre. Ce modèle permet notamment aux enfants d’apprendre des habiletés sociales. Aujourd’hui, nos bambins passent leurs journées entre eux, avant de rentrer devant la télé. Il n’y a plus de silence, de pause, tout va vite… c’est compliqué de se construire dans ces conditions. Ils ont besoin d’écoute, d’attention, alors pourquoi ne pas intégrer dans ce processus des personnes âgées qui ont ce temps ? Cela peut passer par des activités créatives. De même, les jeunes peuvent aider leurs aînés sur l’utilisation d’Internet ou leur apprendre à faire des vidéos. Si ces activités sont organisées de façon autoritaire, ça ne fonctionne pas.
Après 15 ans de métier, je pense que le problème fondamental c’est notre façon de communiquer et d’interagir. Il faut apprendre à vivre ensemble, à accepter nos différences, à se parler autrement, réguler nos croyances et tous nos biais cognitifs… et là on pourra avancer.