« Dans une exploitation agricole, il y a toute une série de produits qui relèvent de la chimie : l’essence pour le motoculteur, par exemple, contient du benzène. On trouve des produits étiquetés qui vont du lave-vitre à la graisse. Il faut avoir des réflexes quand on les utilise. Aujourd’hui, nous évoquons plus spécifiquement les phytosanitaires. » C’est Gérard Bernadac, médecin en charge du risque chimique à la Mutualité sociale agricole, qui s’exprime ainsi devant un groupe d’élèves de terminale et de première dans une salle de classe du lycée agricole Saint-Clair spécialisé dans l’agriculture et dans les métiers des services à la personne en ce mercredi 11 janvier.
L’intervention n’est pas le début d’une conférence ni un cours particulier mais l’entame d’un quiz qu’il coanime avec sa collègue Élisabeth Deshayes, conseillère en prévention à la MSA Loire-Atlantique – Vendée, à l’occasion d’une journée consacrée à la prévention des risques liés à l’utilisation des produits phytosanitaires. D’autres temps forts sont proposés.
Sept ateliers accueillent les élèves.
L’événement est organisé par l’association Contrat de solutions dont la vocation est de proposer des alternatives aux pesticides en identifiant des techniques existantes. À sa tête pour l’animer, Clotilde Bois-Marchand, cheffe de projet déploiement. Elle a chapeauté les sept ateliers concoctés pour les lycéens. Le jeu en ligne, qui mobilise l’usage du téléphone portable, fait partie de six autres animations qui abordent chacune à leur façon un ou plusieurs aspects de la question des phytosanitaires.
Il y a notamment un escape game digital, la présentation de l’outil Easyconnect qui permet le transfert fermé de produits dans le pulvérisateur, sans contact avec l’opérateur ni l’environnement, et celle d’Adivalor, une filière spécialisée dans le recyclage des bidons et des sacs d’engrais en plastique. Tous ont lieu au même moment. De 10 à 16 heures, les terminales et premières bac pro conduite et gestion de l’entreprise agricole et agroéquipement de quatre classes, répartis en six groupes, ont tourné sur chaque atelier.
Préparation Certiphyto
La manifestation a clos la microformation Certiphyto que l’établissement a proposée à ses élèves dès le lundi. « Au cours de la première journée, nous leur avons présenté la réglementation d’utilisation des produits phytosanitaires, celle de leur stockage, les conditions de transports ainsi que les enjeux pour la santé et l’environnement, précise Baptiste Victor, professeur en biologie, écologie et agronomie. Le deuxième jour a mis en lumière le fonctionnement du pulvérisateur, la gestion du local phytosanitaire. Il a dévoilé aussi les leviers agronomiques existant comme alternative à l’utilisation des produits et à la recrudescence des adventices [mauvaises herbes, NDLR]. »
Pour rappel, le Certiphyto s’adresse aux personnes qui achètent ou utilisent ces produits dans leur travail. En l’obtenant, ils sont autorisés à le faire. Le baccalauréat que ces futurs professionnels du monde agricole préparent va leur permettre d’obtenir ce sésame en tant qu’utilisateur. Lorsque les élèves jouent au quiz animé par Élisabeth Deshayes et Gérard Bernadac, ils ne sont guère désarçonnés par les questions. Normal, ils ont déjà eu l’occasion d’aborder pas mal de sujets. Mercredi, c’était un peu comme des révisions. Et une récréation.
Ferme expérimentale de Derval
La veille, sous de la bruine intermittente et un ciel gris, Baptiste Victor, professeur biologie agronomie, était à pied d’œuvre sur une parcelle de la ferme expérimentale de Derval de 100 hectares, pour tout leur expliquer sur la notion de désherbage et des adventices. Au côté de Bruno Couilleau, référent culture à la ferme, il rappelle un principe que tout agriculteur se doit de mettre en place en priorité : une stratégie de désherbage. Le maître-mot de l’activité doit être l’anticipation. Anticiper non seulement la culture mais aussi les techniques.
« Le but, précise Baptiste Victor, est de leur montrer comment désherber en mobilisant d’abord des leviers agronomiques et leur apprendre à reconnaître les adventices, afin de pouvoir ensuite les identifier sur le terrain. Avant tout, il s’agit de réfléchir à une solution agronomique, telle que les rotations, les faux semis ou les différents types d’utilisation de matériel : le labour, le déchaumage. » Bruno Couilleau le rappelle : « Le chimique ne vient pas en premier mais en dernier recours. Ce n’est pas la panacée. Il faut apprendre à repérer très tôt les adventices pour intervenir à temps. Dans votre tête, lance-t-il aux élèves, vous devez avoir auparavant tout organisé dans vos pratiques. »
Le savoir agronomique offre des solutions que les produits ne sont parfois même plus capables d’apporter. Ainsi en va-t-il du problème du ray-grass sur blé, une plante qui pousse en touffe, évoque Bruno Couilleau. « C’est l’actualité du désherbage, révèle-t-il. On est très embêté dans le secteur par cette plante qui résiste aux produits chimiques. Le levier : c’est de régulièrement dans une parcelle prendre la charrue et les enfouir. Vous laissez reposer pendant au moins deux ans. La quantité de semences des mauvaises herbes va se réduire naturellement. »
Le discours en agronomie tient en quelques mots : apprenez à anticiper. L’utilisation des produits phytosanitaires, c’est comme les antibiotiques, ce n’est pas automatique. Avant, il faut connaître son sol, ses cultures, les parasites, les saisons et sa planète. Bref, son métier.
Le saviez vous ?
3 000 décès par cancer des poumons chaque année en France sont causés par les radons, des gaz radioactifs d’origine naturelle qui sortent des massifs granitiques.