Actrices d’un territoire. Ce qui définit les MFR prend tout son sens pour les habitants de Mayotte. L’exemple de cet archipel français situé dans l’océan Indien, à 8 000 km de la métropole et à proximité de Madagascar, confirme le rôle important qu’elles occupent dans le développement de son tissu social et professionnel local. Actuellement, trois établissements ont pris racine dans ce département français.
55 % de moins de 20 ans
Sa population compte 55 % de jeunes de moins de 20 ans. La première MFR a été créée dans le Nord à Mstamboro en 2014, la deuxième, au Sud, en 2015 à Chirongui. Enfin, la dernière en date, la MFR Est, est née à Doujani, un quartier pauvre de Mamoudzou. Environ 70 apprenants y sont inscrits pour cette rentrée 2023 ; ils sont 300 dans toutes les MFR de l’île.
D’autres projets sont à l’étude et devraient voir le jour dans les années à venir. « L’enjeu des MFR sur ce territoire est de répondre à des besoins en compétences, identifiés en tension par les professionnels, explique Dominique Ruchon, animatrice du territoire de la fédération des MFR de Mayotte. Quand un besoin émerge, on y répond. »
La MSA de Mayotte est officiellement créée le 1er janvier 2015. Gérée par la MSA Armorique, elle couvre les branches maladie, vieillesse, accident du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale des exploitants agricoles de l’île mais également le recouvrement des cotisations sociales.
Répondre aux besoins locaux
C’est le cas par exemple des services à la personne. La région accueille en effet la plus grosse maternité de France et même d’Europe. « Les modes de vie ont changé. Aujourd’hui, il est plus fréquent que les deux parents travaillent et ne trouvent pas de solutions pour la garde de leurs enfants », note l’animatrice.
Non seulement de nombreuses personnes débarquent des îles défavorisées alentours, dont des femmes qui viennent accoucher à Mayotte, mais il y a aussi les métropolitains qui s’installent pour travailler. Fonctionnaires, enseignants, personnel médical ou encore militaires… un nombre important de familles sont en demande de solutions.
Or, très peu de professionnels sont formés dans ces domaines et il y a une carence en crèches. « On a donc décidé d’ouvrir un CAP Sapver (services aux personnes et vente en espace rural) à la MFR Est, diplôme qui forme à la fois aux métiers de la petite enfance et à l’accompagnement de personnes âgées, où les besoins sont également très importants.
Une double réflexion est menée pour chaque ouverture de MFR ou de classes. Identifier quel est le manque le plus important pour chaque zone géographique et quelles solutions y apporter. Chaque maison se positionnant ainsi sur un chantier en particulier.
Par exemple, la MFR Nord est engagée dans l’agriculture, la MFR Sud souhaiterait ouvrir dans un avenir proche des formations autour de l’écotourisme. Quant aux deux établissements en projet, la MFR Com se positionnera sur la transformation alimentaire. Tandis que celle de Petite-Terre se concentrera sur les métiers liés aux produits de la mer.
Une pédagogie basée sur l’alternance
« Les MFR, ce sont un peu plus que des centres de formation », insiste Dominique Ruchon. Avec une pédagogie basée sur l’alternance éducative, elles s’adressent bien souvent à des jeunes en situation d’échec scolaire ou qui ne trouvent pas leur place dans l’enseignement traditionnel. Un rôle d’autant plus important à Mayotte, où beaucoup de jeunes sont issus d’un milieu défavorisé.
« Ils sont souvent en souffrance et en grande difficulté scolaire voire, parfois, n’ont pas été scolarisés du tout », explique Mme Ruchon. Certains ne parlent pas français et vivent dans des quartiers où la violence est présente. Beaucoup n’ont pas de papiers – à Mayotte, une personne sur deux est de nationalité étrangère.
Dans ce contexte, les MFR doivent s’adapter et prendre en compte ces particularités. « Tous nos formateurs sont d’origine mahoraise », explique l’animatrice, permettant ainsi aux jeunes d’acquérir des notions d’éducation dans leur langue tout en apprenant le français. « On est dans le faire pour apprendre. En partant d’une expérience concrète, on leur donne des outils pour s’en sortir. »
Pour répondre à ces besoins et créer des formations rapidement, les MFR ont l’avantage des petites structures qui leur confèrent une certaine souplesse et une rapidité d’action. Malgré une importante problématique liée au foncier – les terres émergées de Mayotte font 374 km2, avec une forte densité de population –, la fédération s’adapte et s’appuie sur un réseau fort. « Les Mahorais veulent se battre et s’impliquent pour développer la région », observe Dominique Ruchon.
Et le défi de rescolariser ces jeunes des quartiers défavorisés voire insalubres semble réussi. « Nous sommes au cœur des problèmes d’insécurité dans des MFR comme celle de Doujani et, pourtant, des jeunes de quartiers rivaux arrivent à cohabiter au sein de notre établissement ! », se félicite l’animatrice.
Les projets en cours et à venir
Avec un besoin grandissant de professionnels et de nombreux jeunes en demande, les MFR ont de quoi faire à Mayotte. Plusieurs projets sont en construction.
Nouvelles formations en 2023 :
• À la MFR Est, un CAP Sapver (services aux personnes et vente en espace rural) vient d’ouvrir.
• La MFR Nord ouvre un bac pro Conduite et gestion de l’entreprise agricole.
• À la MFR Sud, en plus d’une classe de 4e et 3e , et d’un CAPa existant, l’association souhaite ouvrir dans un futur proche, des formations dans l’écotourisme.
• Les 3 établissements ont par ailleurs ouvert une classe de 4e et de 3e.
Les nouveautés
Deux associations ont reçu l’agrément de l’Union nationale des MFR pour ouvrir deux nouvelles maisons. Le but étant d’avoir une MFR par communauté de communes :
• À l’Ouest, à M’Tsangamouji, l’association réfléchit à une formation liée à la transformation agroalimentaire et aux métiers du numérique.
• Sur Petite-Terre, les activités de cette petite île sont essentiellement liées à la mer, mais il n’existe pas de poissonneries à proprement parler. La MFR souhaite développer les savoir-faire autour des produits de la mer. Des formations en maintenance pour assurer le suivi du matériel et la transformation agroalimentaire viendront probablement compléter l’offre.