Comment votre parcours et votre attachement aux territoires ruraux influencent-ils votre engagement en faveur des femmes ?

Marie-Pierre Monier : Je suis une pure rurale. Quitter ces territoires n’a jamais été une option pour moi. J’ai eu la chance de faire des études, mais cela n’a pas été simple. Heureusement, j’ai bénéficié du soutien de ma famille. Je suis devenue enseignante en mathématiques. Mes parents me disaient : « Tu es une femme, tu dois avoir un métier qui te rende indépendante. »

Quand je suis arrivée au Sénat en 2014, j’ai découvert la délégation aux droits des femmes. Je voulais porter cette cause car mon parcours personnel prenait tout son sens à travers ce travail. Mon attachement à la ruralité et les combats menés par ma famille m’ont guidée dans mes actions au Sénat.

Dans le rapport Femmes en agriculture et celui consacré à celles qui vivent en ruralité, dont j’étais corapporteure, nous avons montré que les territoires ruraux amplifient les inégalités entre les hommes et les femmes. Cela m’a paru profondément injuste. En tant que parlementaire, j’ai estimé que mon rôle était d’amener ces sujets dans le débat public pour les rendre visibles et provoquer un changement.

Le Livre blanc souligne le problème des femmes sans statut officiel, qui les prive de nombreux droits sociaux. Comment changer cela ?

M-P. M. : Nous avons recommandé de limiter le statut de conjoint collaborateur à cinq ans, une mesure mise en place en 2022. Les femmes travaillant dans les exploitations sont souvent invisibles, même si elles participent activement aux tâches comme la traite, la comptabilité ou la vente sur les marchés. Leurs droits ne sont pas suffisamment reconnus.

En tant que féministe, je trouve essentiel de garantir l’égalité des droits. Limiter ce statut de conjoint collaborateur était une bonne mesure, mais il faut aussi prévoir, comme le préconise le Livre blanc, un accompagnement pour aider les personnes concernées à accéder à un autre statut. La méconnaissance de leurs droits est courante. Il est crucial d’en parler, par exemple, lors de la formation des jeunes dans les lycées agricoles.

Selon le Livre blanc, 41 % des femmes ne sont pas satisfaites de l’équilibre entre vies professionnelle et personnelle. Quels dispositifs pourraient améliorer cet équilibre ?

M-P. M. : Pour agir efficacement, il faut d’abord reconnaître que les stéréotypes de genre persistent et que les tâches ménagères et familiales incombent souvent aux femmes. Comme le souligne la MSA, le manque de crèches en milieu rural aggrave la situation. Les collectivités locales ont un rôle crucial à jouer pour créer ces services, mais il faut également informer les femmes sur leurs droits et les dispositifs d’aide existants.

La mobilité est aussi un problème majeur en raison d’une offre de transports en commun insuffisante. Il est important de développer des services de garde adaptés aux horaires atypiques des actives agricoles et de promouvoir les services de remplacement pour libérer du temps aux femmes. La mise en place d’un congé pour maladie grave chez l’enfant, comme le recommande le Livre blanc, est également essentielle.

Comment améliorer l’accès aux soins pour les femmes en milieu rural ? Que pensez-vous des consultations gynécologiques itinérantes ?

M-P. M. : C’est une excellente idée. En milieu rural, 80 % des déplacements se font en voiture, ce qui complique l’accès aux soins. Les femmes y sont moins informées sur les dépistages à effectuer, et les rendez-vous médicaux nécessitent souvent de parcourir de longues distances et de « prendre sa journée ».

Les consultations itinérantes permettent de réduire ce problème. Cela a déjà été fait pour le dépistage du cancer du sein et devrait être étendu à d’autres domaines comme la dermatologie. Ces consultations peuvent aussi inclure des actions de prévention contre les violences faites aux femmes.

Le Livre blanc évoque la nécessité d’un réseau de soutien pour les femmes victimes de violences. Comment améliorer ce soutien dans les zones isolées ?

M-P. M. : Les zones rurales présentent plusieurs obstacles : l’éloignement, l’isolement social et géographique, ainsi que le manque de structures d’accompagnement. Il est essentiel de sensibiliser et de communiquer davantage.

Des initiatives comme les numéros d’urgence inscrits sur les sachets de pharmacie sont très utiles pour faire passer discrètement l’information. Des permanences téléphoniques dédiées, comme la ligne « 100 % Femmes » de la MSA du Languedoc, sont également efficaces pour offrir une écoute et un soutien adaptés.

Malgré les progrès, les femmes restent sous-représentées dans les instances représentatives électives. Comment améliorer cela ?

M-P. M. : Il y a deux aspects : d’abord, il faut permettre aux femmes d’entrer dans ces instances. Au Sénat, les femmes ne représentent qu’une minorité. Pour les postes à responsabilité, la situation est encore plus compliquée.

Il faut créer de la place dans les instances et faciliter l’accès aux postes à responsabilité. Mais les stéréotypes de genre persistent chez les femmes elles-mêmes. L’exemple est important : certaines femmes se lancent en voyant d’autres réussir.

Un mot pour le monde agricole qui traverse actuellement des crises à répétition ?

M-P. M. : Il est important de consommer local et de préserver notre agriculture. Les femmes doivent être reconnues pour leur contribution et continuer à jouer un rôle clé. Les défis sont immenses, mais les femmes sont essentielles à l’avenir de l’agriculture.

Olives, noisettes, truffes et plantes à parfum

Marie-Pierre Monier préside la section Cultures traditionnelles et spécialisées, une entité de la commission des Affaires économiques du Sénat. Cette section se concentre sur les enjeux liés à des filières agricoles spécifiques, telles que :

  • l’olive
  • la truffe
  • la noisette
  • les plantes à parfum

La section Cultures traditionnelles et spécialisées joue un rôle essentiel dans la promotion et la défense de ces cultures. Elle contribue ainsi à la diversité agricole et vitalité des territoires ruraux.

Grâce à ce travail, ces filières uniques sont mieux soutenues et mises en valeur, renforçant leur importance dans l’économie agricole et culturelle de la France.