« Il y aura une baisse continue de la consommation de vin – de 6 % tous les ans. 30 % des jeunes générations ne boivent pas du tout de vin. On dépensera aussi moins d’argent : 126 euros par habitant et par an en 2026, contre 150 euros actuellement. Et le vin sera de meilleure qualité. »
En ouverture d’un colloque organisé à l’Assemblée nationale intitulé « responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), labels environnementaux : la viticulture de demain », Philippe Huppé, député de l’Hérault, évoque son ressenti sur les évolutions de la consommation et souligne que le marché international sera toujours porteur pour la vigne française. « Le rosé aura tendance à progresser, le vin blanc à prendre des parts de marché sur le vin rouge, qui sera le grand perdant. Il faut regarder toutes ces évolutions. La vigne en France est condamnée à aller vers la qualité, donc vers la labellisation. ». Une filière contrainte de s’adapter pour recréer du lien entre le consommateur et le viticulteur, être transparente sur les modes de production.
« La viticulture n’imposera pas son produit, elle sera obligée de répondre à une demande des consommateurs, comme en matière d’alimentation en général. À l’étranger, les attentes sont identiques. Petit à petit, on enregistre une demande de montée en gamme, de vins de qualité, respectant des normes.»
Se préparer à une concurrence internationale accrue
Pour évoquer ces adaptations et les exigences de la société, deux tables rondes se sont succédé, animées par Yann Chabin, directeur général de Dycia, cabinet qui accompagne les entreprises dans ces démarches de qualité – qui doivent être pensées en termes de pratiques culturales, environnementales, sociales et de gouvernance. « Le vigneron doit se confronter à tous les métiers et se confronter à divers marchés. La France doit se préparer à une compétition internationale accrue pour sa durabilité. Une bouteille sur deux part à l’export aujourd’hui ; ce sera deux sur trois demain ». Dycia a recensé 400 pratiques labellisées au niveau international.
Parmi les démarches mises en lumière, celle du Groupe Bertrand, présentées par Paul Correia, directeur qualité. Vins biologiques, sans sulfite, issus de l’agriculture biodynamique…, l’entreprise compte aujourd’hui huit certifications produits et quatre notamment liées à l’organisation de l’entreprise, certaines étant exigées par les pays vers lesquels elle exporte. Au-delà de cette certification, l’entreprise affiche un travail de défense du patrimoine avec les vignerons et mène de front un « deuxième métier, la création d’événementiels : œnotourisme, festival de jazz, expositions d’art dans nos domaines ».
Les Vignerons indépendants de France, quant à eux, font valider leurs pratiques dans le cadre des certifications « vin biologique » et « exploitation de haute valeur environnementale ». Terra Vitis, autre certification nationale, s’appuie de manière égale sur les trois piliers du développement durable : l’environnement, le social et l’économie.
Une vendange entièrement manuelle
Une deuxième table ronde portait sur la mise en œuvre des objectifs sociaux et sociétaux de la RSE. Éric Petit, président de la MSA Sud Champagne, et Pierre Dumont, vice-président, ont présenté l’expérimentation d’une charte de prestations de service.
En viticulture, les exploitations sont de petite taille – « en moyenne 4 hectares dans l’Aube, précise Eric Petit, employant éventuellement un permanent mais surtout beaucoup de travailleurs occasionnels. En Champagne, il est fait appel chaque année à 100.000 vendangeurs et, chez nous, à 26.000 pour une vendange entièrement manuelle, du fait de son cahier des charges spécifique, nécessitant la mobilisation d’une main-d’œuvre en quinze jours. Aujourd’hui notre bassin d’emploi ne répond pas à la demande. »
En raison notamment de la complexité du recrutement et d’un manque de candidatures au plan local, le recours à des prestataires se fait grandissant. « On estime que la vendange en Champagne est aujourd’hui opérée à moitié par des prestataires, souligne Pierre Dumont, vice-président de la MSA Sud Champagne. Une mutation complète est engagée et le retour en arrière semble difficile. Plutôt que de la nier, de l’occulter, il nous semble plus réaliste de l’accompagner. » Une réflexion a donc été conduite en ce sens par les élus de la MSA.
L’expérimentation reconduite en 2019
« Au regard des observations que nous avons pu faire avec la profession, nous avons réfléchi à une charte répondant à trois objectifs : qualité de service, respect des obligations vis-à-vis de la sphère sociale, bonne insertion du salarié en termes de logement, de transport… », résume Éric Petit. Une charte – réunissant le prestataire, le donneur d’ordre et les organismes entourant le professionnel – a été préférée à une certification, jugée plus contraignante pour les structures de petite taille. Celle-ci formalise cinq engagements :
- recrutement, formation des personnels accueillis, prise en compte des risques professionnels ;
- respect des obligations sociales et contractuelles ;
- sécurité des salariés, organisation avec le respect des personnes sur le chantier, l’encadrement adapté ;
- logement, transport, restauration des personnels ;
- qualité de la prestation, relation avec le donneur d’ordre.
Expérimentée en 2018 dans l’Aube avec trois prestataires de service, elle a fait l’objet d’une première évaluation. « Ses atouts : fournir un outil méthodologique ; favoriser l’image du donneur d’ordre, du prestataire et de la filière ; atténuer les risques de dérapages ; rassurer les donneurs d’ordre et les services de l’État, poursuit Pierre Dumont. L’expérimentation sera reconduite en 2019 non seulement dans l’Aube, mais aussi probablement dans la Marne (MSA Marne Ardennes Meuse) et dans l’Aisne (MSA de Picardie). »
Une autre piste pour favoriser l’engagement des entreprises dans les pratiques vertueuses attendues par la société.