Le fonds national de prévention, d’éducation et d’information sanitaire des professions agricoles (FNPEISA) finance, comme son no l’indique, les actions de prévention envers la population agricole. C’est notamment grâce à lui que les Instants santé (IS) de la MSA sont organisés chaque année sur tout le territoire. Ce dispositif de grande envergure mobilise environ 11 millions d’euros du FNPEISA (sur environ 31 millions d’euros).

Alors, quand une action demande autant de moyens, l’État aime qu’elle ait un impact reconnu. Pour les tutelles, inutile de chercher longtemps les points d’amélioration, puisque les IS enregistrent une baisse continue de la participation : en 2005, 27 % des personnes invitées par courrier honoraient le rendez-vous, contre 16,3 % dix ans plus tard.

Recentrer le besoin

La MSA a décidé de réagir en remettant le dispositif à plat et en déterminant de nouvelles orientations. En tête des préoccupations, toucher les personnes qui en ont le plus besoin : « Nous nous concentrons désormais sur ceux considérés comme ayant le plus de besoin en prévention santé, explique Mariam Arvis-Souaré, médecin conseiller technique national en charge de la santé publique. À partir de nos bases de données, nous arrivons à les identifier et, ainsi, nous pouvons leur proposer notre offre de santé préventive. »

Souvent jeunes, consommant peu de soins et/ou en situation de précarité…, ces assurés MSA sont difficiles à atteindre : « Ce sont souvent des personnes qui pensent que rien ne peut leur arriver ». Dans certains cas, le besoin est pourtant réel. Alors, si jamais ils ne répondent pas, la MSA a mis en place une plate-forme d’appels pour qu’aucun ne manque l’opportunité de ce bilan de santé.

Pilotage central

Ce changement de positionnement s’accompagne d’un changement d’organisation. Le pilotage de l’action est en effet désormais assuré par la caisse centrale. « Nous avons fait le choix de recentrer la conduite des IS au niveau central et local. Concrètement, nous abandonnons le fonctionnement par spécificité, pour proposer dorénavant une famille de missions communes à tous, explique Frédéric Pomykala, responsable du département prévention et éducation sanitaire et sociale à la CCMSA. Le maintien d’une importante activité préventive est en jeu. »

© Jérémy Lemière

Une équipe de professionnels

Elles ont entre 25 et 55 ans, viennent des quatre coins de la France et sont salariées d’ISO ou de l’Adimep, les deux prestataires employant les infirmières qui réalisent les Instants santé. Toutes différentes, mais toutes dans le même bateau. Celui qui les amène vers une nouvelle vie professionnelle.

« Je voulais quelque chose de différent. Après plusieurs années dans le soin, je voulais m’orienter vers la prévention », confie Véronique. C’est pour cela qu’elle se retrouve ce mercredi, à Tours, où la première salve de formation des infirmières se termine.
Sept blouses blanches réunies dans une salle de conférence pour suivre les conseils de Pascale, coach en communication interpersonnelle et en management. Et, pour Véronique comme pour Martine, Virginie, Laure, Saléha, Géraldine et Christelle, ces deux jours sont essentiels : « Nous sommes toutes infirmières libérales habituées à faire du soin. Ce n’est donc pas facile de passer dans une relation laissant la place à l’écoute », explique Virginie. Pour appliquer ces enseignements, quoi de mieux qu’une mise en pratique. Tour à tour, elles font face à Pascale. La coach suit différents scénarios pour préparer les infirmières face aux questions des assurés lors des Instants santé.

Un test débriefé par l’ensemble du groupe : « On peut avoir l’impression de faire un entretien correct sans s’apercevoir que l’on est passé à côté d’une phrase d’un adhérent qui nous renseigne sur sa santé. Ce sont des automatismes à prendre », avouent-elles.

Plus qu’une formation, les 48 heures passées à Tours ont permis au groupe de passer un moment agréable, augurant du mieux pour leur nouvelle vie : « Nous avons rencontré des personnes formidables. »
Pour rester en contact, elles ont ouvert un groupe Facebook pour échanger leurs impressions et leurs astuces, et pensent déjà à l’organisation d’un séminaire annuel pour se retrouver.

Pour arriver à cette nouvelle version des IS, deux ans de réflexion et une année supplémentaire d’expérimentation ont été nécessaires. « L’État nous donne jusqu’à la fin de la COG 2016-2020 pour faire de ces Instants santé une vraie réponse aux objectifs de santé publique », souligne Frédéric Pomykala. C’est parce que la santé n’a pas de prix que la MSA prend aussi particulièrement soin de ses adhérents qui en ont le plus besoin. Elle doit cependant veiller à ce que l’initiative ne soit pas un gouffre financier.

Dès 2017, les séances comptant moins de seize personnes seront annulées ou reportées à une date ultérieure. Les personnes pourront également être directement redirigées vers leur médecin généraliste. Car, pour faire une action de qualité, il est nécessaire d’avoir des locaux agréables, où l’assuré se sent bien, ainsi que de bons instruments à disposition. Le coût moyen de l’organisation d’un rendez-vous comme celui-ci est d’environ 1 500 euros.

Avoir des objectifs est essentiel, obtenir des résultats est vital. C’est pour cela que la MSA a mis en place un observatoire qualité qui sera en charge, dès les premières sessions, de récolter les impressions des participants.« Quelques semaines après la participation d’un assuré, nous essayons d’avoir un retour. Ce suivi nous permet de faire des ajustements rapides sur l’organisation des rendez-vous comme sur le contenu », détaille le docteur Arvis-Souaré.

Libérer la parole

L’ancienne version des Instants santé se composait de plusieurs actes médicaux : prise de sang, analyse d’urine, audiométrie, spirométrie, tonométrie… Pour les médecins sondés, le résultat n’était pas forcément au rendez-vous, puisqu’il est plus pertinent que le professionnel de santé soit à l’origine d’une demande d’analyse. Lui seul peut déterminer la nécessité de l’effectuer. Dorénavant, les examens complémentaires ont été allégés.

Les infirmières ont pour mission d’apporter une écoute active envers leurs interlocuteurs. Une approche qui leur permet de dresser un panorama de l’état de santé de l’assuré. Encore faut-il que les patients se livrent. Et c’est là tout l’enjeu de cette nouvelle version des IS et de la formation que suivent les infirmières (voir encadré). Durant vingt minutes, elles tentent de tirer le fil en abordant différentes thématiques : les addictions, les petits maux ou encore la santé psychologique des assurés.

« Ces entretiens personnalisés d’une vingtaine de minutes permettent souvent de faire prendre conscience à l’assuré de l’importance de sa santé et de ne rien négliger », explique le docteur Mariam Arvis-Souaré. Une fiche de liaison est adressée au généraliste avec les remarques de l’infirmière qui encourage l’assuré à rencontrer son médecin après son Instant santé. L’action veut davantage se concentrer sur l’engagement des assurés à se prendre en charge.

Diète et sevrage tabagique

La MSA profite de la mobilisation de l’assuré pour aller au-delà des conseils médicaux traditionnels. Elle propose notamment des entretiens motivationnels à l’arrêt du tabac qui remportent d’ores et déjà beaucoup de succès : « En deux semaines, on enregistre une forte demande d’entretien tabac, notamment de la part des actifs ayant entre 35 et 50 ans. Il semble y avoir une prise de conscience», raconte Frédéric Pomykala. En marge du rendez-vous individuel, une diététicienne est présente lors de chaque session, afin de donner des conseils de nutrition pendant que certains assurés patientent ou simplement à ceux qui le désirent.

Si le fonctionnement des Instants santé change, les élus MSA sont plus que jamais un élément central du dispositif, notamment dans l’animation de chaque session, en particulier avec la diététicienne, mais aussi pour faire la promotion de cette nouvelle version des bilans de santé.

Lire aussi : la réussite de ce dispositif initié par la MSA deux ans après.

En chiffres
• Entre 150 000 et 200 000 courriers envoyés par an.
• 1 500 séances de prévues.
• 1 500 euros environ, le coût d’organisation d’une séance collective.

Texte : Jérémy Lemière.
Photo : © Téo Lannié/CCMSA Images