Axel, 25 ans, éleveur de poules pondeuses et de vaches allaitantes 100 % bio à Beaucouzé, dans le Maine-et-Loire, revient de loin. Peu après son installation en 2022, il est frappé par un premier épisode de grippe aviaire et doit abattre la totalité de son cheptel de poules. Cette catastrophe lui fait perdre 120 000 €. « C’était un coup dur pour la trésorerie dès le démarrage », regrette-t-il.

En avril 2023, il relance l’activité avec sa femme et cinq salariés. Mais peu après, il est agressé physiquement lors d’un cambriolage sur son exploitation. « Ensuite, tout s’est enchaîné », raconte-t-il. Il contracte une méningite, puis une leptospirose (maladie infectieuse transmise essentiellement par les rongeurs et les insectivores). Il passe huit mois à l’hôpital et subit une greffe de foie, conséquence d’une surcharge médicamenteuse. Et lorsque l’un de ses salariés est à son tour agressé au début de l’année 2024, le traumatisme ressurgit. Axel craque : « J’ai pété les plombs », avoue-t-il. Il tente de mettre fin à ses jours1 et prend la décision de se faire hospitaliser.

Un secours précieux

Pendant son absence, sa femme continue tant bien que mal à faire tourner la ferme. Après sa descente aux enfers s’ajoute une surcharge administrative et des problèmes financiers qu’il ne sait plus gérer seul. « Ça tirait de partout alors que j’étais au plus mal : les huissiers, les créanciers, les cotisations à régler… » Le jeune agriculteur sombre, jusqu’à ce qu’une main se tende. « C’est à ce moment-là que mes sauveurs sont arrivés », se rappelle-t-il avec émotion.

Mathilde, assistante sociale à la MSA, et l’association Solidarité Paysans prennent les choses en mains. Elles réalisent un état des lieux, organisent une table ronde avec ses créanciers, procèdent à un arrêt des comptes et lui suggèrent de bénéficier du dispositif Réagir (un accompagnement proposé par les chambres d’agriculture aux exploitants en difficulté) et de l’aide au répit administratif.

Pour l’agriculteur, c’est un secours précieux : « Mathilde a un cœur immense, elle est très humaine. Elle nous a aussi proposé le dispositif d’aide au répit, l’aide alimentaire, des chèques vacances, des échéanciers… ». Fanny, l’assistante administrative missionnée par la MSA, commence alors le travail sur son exploitation. « Pendant plusieurs jours, elle a tout réorganisé : factures, dossiers, notamment les demandes d’agrément… Elle priorise les paiements, contacte ses créanciers. » Axel respire, enfin.

Accompagner les agriculteurs dans l’administratif

Le dispositif d’aide au répit administratif est né en 2023 sous l’impulsion de Pascale Peissak, responsable du service d’action sanitaire et sociale de la MSA Alpes du Nord. Aujourd’hui généralisé à l’échelle nationale à la suite des crises agricoles, il vise à aider ponctuellement les agriculteurs en grande difficulté à remettre de l’ordre dans leur paperasse. L’aide, plafonnée à 1 500 €, finance l’intervention d’assistants administratifs indépendants formés. Ils accompagnent les agriculteurs pendant un laps de temps défini…

Secrétariat, obligations réglementaires, accompagnement numérique, tous les besoins sont analysés. Une relation tripartite entre le travailleur social, le prestataire et le bénéficiaire permet une mise en œuvre rapide et une bonne coordination entre les actions sociales et administratives.

Tandis que le prestataire, tiers neutre, joue un rôle clé dans l’acceptabilité de l’intervention et permet à la MSA de recentrer son action sur les autres aspects du mal-être de l’assuré. « Nous avons privilégié des profils qui avaient de solides qualités relationnelles et une grande capacité d’adaptation », note Pascale Peissak. Des qualités importantes pour intervenir auprès d’agriculteurs le plus souvent en souffrance psychologique. Car leur action, menée à un moment particulièrement délicat de la vie des agriculteurs, dépasse le simple tri de documents.

Des retours positifs

Le succès est au rendez-vous, comme en témoignent les nombreux retours positifs. Le dispositif apporte une aide concrète aux agriculteurs en souffrance. « Je n’oublierai jamais la main qu’on m’a tendue », rapporte ainsi Sauveur, 53 ans, horticulteur et producteur de fraises à Carnoules, dans le Var. Après un épisode de grêle en 2018, il perd 90 % de sa pépinière. Indemnisé à hauteur de 10 % seulement, il tente de se diversifier mais s’enlise.

En 2019, un nouvel épisode de grêle le fragilise un peu plus, et il fait un burn-out. « Ma femme m’a dit un jour “Tu te rends compte que la majorité des courriers que tu reçois sont des lettres recommandées ?” Ça a été le déclic, elle avait raison ». Il rencontre Gwenaëlle, assistante sociale à la MSA et bénéficie du dispositif. « Une aide qui représente bien plus qu’un simple soutien financier, souligne l’agriculteur. Son accompagnement m’a fait me sentir écouté, compris. Elle est arrivée au bon moment dans ma vie. »

Un effet qui perdure

« Sur 26 accompagnements en MSA Alpes du Nord clôturés en 2024, 22 ont atteint les objectifs fixés2, note Pascale Peissak. Sept exploitants ont même choisi de poursuivre l’aide à leurs frais. » C’est le cas d’Axel, qui a décidé de continuer à travailler avec l’assistante administrative qui l’accompagnait. « Ça s’est tellement bien passé que Fanny continue à travailler chez nous deux fois par semaine en prestation de service. Depuis qu’elle est là, on revit ! »

Pour ces agriculteurs, l’aide au répit administratif a été salvatrice. « Si Mathilde n’avait pas été présente, je ne serais plus là et l’entreprise non plus », conclut Axel. Désormais, ils ne sont plus que deux à faire tourner la ferme. Après avoir obtenu une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, il a trouvé un équilibre.

De son côté, Sauveur, le producteur de fraises du Var, s’efforce de maintenir les bonnes pratiques acquises grâce au dispositif. « Je suis en train d’apprendre à me discipliner », explique-t-il. Même si son métier est une passion, il réfléchit à une potentielle reconversion et s’est fait une promesse, celle de ne plus jamais sacrifier sa famille pour le travail. L’expérimentation nationale qui a débuté à l’été 2024 se poursuit en 2025.


(1) Le suicide n’est jamais une issue inévitable face aux difficultés. Des voies d’amélioration personnelle sont toujours possibles. Découvrez des ressources utiles ci-dessous.

(2) Pour les quatre restantes, l’accompagnement a été interrompu : l’un après la suspension de l’intervention, un autre à la suite d’une séparation, un autre encore par manque d’engagement de l’exploitant et un dernier à cause d’événements nouveaux qui ont conduit à l’arrêt de l’activité.

Les dispositifs de prévention du mal-être agricole de la MSA

› L’aide au répit

Elle vise à mobiliser des actions individuelles et collectives pour prévenir et accompagner les actifs agricoles qui font face à un risque d’épuisement professionnel. Peuvent être concernés : les exploitants, les salariés agricoles, les conjoints collaborateurs, les aidants familiaux… Elle comprend un accompagnement humain et financier pour apprendre à mieux gérer son stress, reprendre sa santé en main et prendre du temps avec ses proches, notamment grâce aux services de remplacement.

› Les sentinelles

Le réseau des 8 054 sentinelles agricoles de la MSA regroupe des acteurs en contact direct avec le monde agricole, formés pour repérer des situations de détresse. Leurs principales missions : écouter et orienter les personnes en situation de mal-être vers des ressources qui peuvent les aider (service Agri’écoute, cellule pluridisciplinaire de prévention du mal-être, structures d’accompagnement sur les territoires comme Solidarité Paysans, les cellules Réagir et le tissu associatif).

› Agri’écoute

La MSA propose, depuis octobre 2014, un service d’écoute accessible à tout moment de la journée et de la nuit, par téléphone au 09 69 39 29 19 ou par tchat via agriecoute.fr. Il permet à l’ensemble des assurés MSA en détresse et à leurs proches d’échanger avec un psychologue en tout anonymat.

Pour en savoir plus, rdv sur msa.fr