Les campagnes ont souvent été considérées comme le parent pauvre en termes d’offres culturelles. Est‑ce toujours le cas aujourd’hui ?

Certes, pour des raisons de densité et de rayonnement urbain, le monde rural est moins bien pourvu en grandes structures culturelles. Cependant, on ne peut plus dire que les campagnes soient un désert culturel.

Il y a un véritable foisonnement en milieu rural, surtout en termes de spectacles vivants. L’offre s’est aussi diversifiée au-delà avec par exemple un réseau de musées labellisés par le ministère de la Culture, ainsi que les nombreux musées patrimoniaux.

Comment contourner le problème du manque de lieux de spectacle ou d’exposition ?

L’absence de grands équipements entraîne une diffusion dans des espaces originaux. On trouve des spectacles dans des sites patrimoniaux tels que des églises ou des châteaux. Une autre spécificité est la multifonctionnalité des lieux de diffusion, comme les bibliothèques, les lycées agricoles, des cafés et des bars.

De nombreux acteurs privés créent également des structures comme des cabarets ou des salles de musique chez eux, mais ces initiatives sont liées à la présence et à l’énergie de ces personnes, ce qui pose la question de leur pérennité.

L’itinérance est-elle également une solution ?

En effet, de plus en plus d’artistes pratiquent un nomadisme en roulotte, à vélo ou en camion pour aller à la rencontre du public. Les politiques publiques encouragent aussi les structures urbaines à pratiquer l’itinérance. Par exemple, les Micro-Folies (musées numériques itinérants) ou encore le MuMo (Musée Mobile) porté par une fondation privée et le Centre Georges-Pompidou, spécialisé dans l’art contemporain.

Le cirque était traditionnellement associé au nomadisme, mais l’itinérance dépasse désormais ce cadre pour inclure le théâtre ou encore l’opéra en petites formes [nombre réduit d’artistes sur scène, ndlr]. On voit même apparaître des librairies itinérantes. Cette approche permet de surmonter les problèmes de coûts de transport et de faible densité de population en allant au-devant des publics.

Cette adaptation aux contraintes rurales mène-t-elle à de nouvelles formes de création ?

Absolument. Les artistes trouvent des relations différentes avec le public en allant dans des endroits non dédiés. Cela permet aussi de mêler les disciplines, car on n’est pas contraint par la spécialisation des lieux. L’art de la marionnette, notamment pour les adultes, a retrouvé ses lettres de noblesse en milieu rural. Il y a aussi des créations artistiques qui n’auraient pas pu naître ailleurs, comme celles liées à la forêt.

Plus récemment, l’art, le design et l’architecture se rencontrent sur des projets autour de chemins de randonnée. De plus, avec le regain démographique de certaines campagnes, des artistes s’installent en milieu rural, par choix de vie ou pour bénéficier de plus d’espace pour créer. On observe surtout cette attractivité parmi les jeunes qui souhaitent travailler sur le vivant. Cela conduit à de nouvelles formes et de nouveaux espaces multifonctionnels, comme les tiers-lieux, qui combinent travail, résidences artistiques et animations.

Quelles sont les pistes d’amélioration pour la culture en milieu rural ?

L’ingénierie et l’animation culturelle sont cruciales. L’itinérance et « l’aller vers » nécessitent un travail de médiation important. Les projets culturels de territoire, portés par les pouvoirs publics et les acteurs locaux, sont essentiels pour améliorer la coordination et la communication.

Il y a un réel besoin car les collectivités territoriales n’ont pas toujours des services dédiés et les chargés de mission cumulent souvent plusieurs portefeuilles (culture, tourisme et patrimoine). Enfin, le recours quasi exclusif aux appels à projets est problématique, car il génère de l’incertitude et est chronophage. Il est important de laisser le temps aux projets de s’ancrer et de se développer.