À l’entrée de la ferme, une marque au sol rappelle chaque jour à Dominique Vergnol l’importance de la sécurité au travail.

« Ce sont les traces d’un véhicule qui a entièrement fondu lors de l’incendie qui a détruit notre fromagerie, en 2017, indique sobrement l’agriculteur. À la suite de ce sinistre, nous avons pensé et reconstruit notre bâtiment différemment, avec des aménagements adaptés aux différentes étapes de fabrication, pour prévenir les aléas en tous genres. »

Aujourd’hui, le Gaec de la Croix des Chazelles fait figure de référence pour les équipes du service santé-sécurité au travail (SST) de la MSA Auvergne, qui l’ont accompagné dans ses démarches.

Fromagerie optimisée

Trois frères sont à la tête de cet élevage auvergnat : Bertrand, Christophe et Dominique, dont le neveu, Léo, les a rejoints récemment. Une tradition fromagère familiale qui se transmet de génération en génération depuis le XIXe siècle. « Notre arrière-grand-père a commencé à affiner des fromages pour en vendre. Nous étions les seuls fabricants fermiers de bleu d’Auvergne, explique Dominique Vergnol. Lorsque je me suis installé dans les années 1990, j’ai retrouvé de vieux moules en bois de petite taille appartenant à mon oncle. Ils m’ont servi à créer le bleu d’Avèze, notre fromage signature. »

Depuis le XIXe siècle, la famille Vergnol produit des fromages dans le petit village d’Avèze (159 habitants), dans le Puy-de-Dôme.
Depuis le XIXe siècle, la famille Vergnol produit des fromages dans le petit village d’Avèze (159 habitants), dans le Puy-de-Dôme.

Le passionné perpétue ainsi ce savoir-faire ancestral et artisanal, mais dans des conditions professionnelles qu’il n’a de cesse d’optimiser. Lors de la reconstruction de l’atelier de transformation, la fratrie a mis un point d’honneur à améliorer les phases de maintenance.

« Notre cuve de fromage est équipée d’un système de lavage automatique. Avant, nous devions la nettoyer à la main, ce qui prenait beaucoup de temps. Une machine raccordée à ce système d’eau permet également de laver nos moules et nos outils. »

Simplifier les cycles de production

L’autre principale innovation de la salle de fabrication est le retourneur de fromages. Ce plateau amovible, conçu sur mesure, facilite l’égouttage des blocs de lait caillé qui y sont entreposés. « Il permet de retourner 60 fromages d’un seul coup de main, plutôt que de devoir tourner individuellement chaque unité », explique Philippe Mazal, conseiller en prévention à la MSA Auvergne.

Les associés ont aussi investi dans une meilleure ventilation du site, dans deux transpalettes – alliés précieux pour la manutention de charges lourdes –, ainsi que dans des tables de travail réglables en hauteur pour l’emballage des fromages en salle d’expédition.

« Ce type d’équipements simplifie les cycles de production, notamment sur le plan physique, tout en garantissant l’hygiène, poursuit le professionnel. Nous avons travaillé avec un ergonome au fil du chantier pour concevoir des postes appropriés aux besoins des utilisateurs en termes d’efficacité et de sécurité. »

Dans la salle d’affinage, les précieux 3morceaux de bleu et de fourme sont observés chaque jour.
Dans la salle d’affinage, les précieux bleus d’Auvergne et la fourme d’Ambert sont observés chaque jour.

Étable modernisée

Située sur la route des fromages AOP(1)d’Auvergne, la ferme des Vergnol compte 90 vaches laitières. Un troupeau de montbéliardes qui produit environ 60 tonnes de fromages par an : 30 tonnes de fourme d’Ambert et 20 de bleu. Paissant à près de 900 mètres d’altitude sur un terrain volcanique où pousse une herbe grasse, les bovins profitent d’une stabulation à la fois traditionnelle (en bois) et high-tech.

L’originalité majeure des lieux réside dans l’auge mécanisée servant à nourrir les animaux. « Avec ce tapis d’alimentation (ou sol mouvant), situé au centre de l’étable, nous pouvons mettre à disposition du fourrage en programmant et régulant la distribution, détaille Dominique Vergnol. Les vaches s’approvisionnent en libre-service tout au long de la journée. »

Philippe Mazal et Marie Larue, spécialistes en prévention des risques professionnels à la MSA Auvergne, font du Gaec de la Croix des Chazelles un exemple à suivre en la matière. Sur l’image : l’auge mécanisée pour nourrir les montbéliardes.
Philippe Mazal et Marie Larue, spécialistes en prévention des risques professionnels à la MSA Auvergne, font du Gaec de la Croix des Chazelles un exemple à suivre en la matière. Sur l’image : l’auge mécanisée pour nourrir les montbéliardes.

Gain de place et de temps aussi en salle de traite où le chef d’exploitation s’est doté d’un robot en 2016. Habitué à gérer ses efforts, cet ancien triathlète a préféré un système automatisé à un système manuel « dans un souci de flexibilité et de réduction de la pénibilité. Les bovins se rendent à la traite lorsqu’ils le souhaitent et sont plus apaisés, remarque-t-il. Les bras robotiques détectent d’éventuels problèmes sanitaires à chaque passage et nous pouvons agir rapidement si nécessaire. »

Parallèlement, un autre robot nettoyeur vient curer les caillebotis sur lesquels séjournent les bêtes pour maintenir un lieu de vie propre. Prochain projet pour la famille Vergnol : la construction d’un boviduc. Ce petit tunnel dédié au passage du troupeau passera sous une route de montagne afin de fluidifier le pâturage et réduire les dangers. Priorité au bien-être et à la qualité de vie au travail, pour des fromages qui s’exportent partout en France, en Europe, au Japon ou même en Thaïlande.

(1) L’appellation d’origine protégée (AOP) désigne un produit dont toutes les étapes de production sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même aire géographique. Il existe cinq fromages AOP en Auvergne.

Un accompagnement individualisé

« Investir dans la santé et la sécurité au travail, c’est investir sur l’avenir. » Pour Marie Larue, dynamique responsable en prévention des risques professionnels (PRP) à la MSA Auvergne, la bonne santé des agriculteurs et des salariés va de pair avec celle des entreprises agricoles elles-mêmes. « La mise en place d’actions collectives ou individuelles sur un lieu de travail doit être perçue comme une démarche d’amélioration continue, au même titre que d’autres investissements », ­explique-t-elle.

Ainsi, le pôle PRP et le service de santé-sécurité au travail de la MSA peuvent accompagner les ressortissants dans la conception de situations de travail qui prennent en compte à la fois leur santé, leur sécurité et leurs enjeux de performance. Cet accompagnement repose sur un suivi personnalisé et des conseils concernant l’organisation du travail, les bâtiments, les outils, etc. « Notre objectif est d’accompagner les exploitants le plus en amont possible pour intégrer la réalité du travail futur et gagner en performance », insiste Marie Larue.

Troubles musculosquelettiques (TMS) et psychosociaux (TPS), utilisation de produits phytosanitaires, renversement de tracteurs, contention des animaux, installations électriques ou chutes peuvent avoir de graves conséquences sur la santé et la pérennité des entreprises.