« Aujourd’hui en Bretagne, en élevage, il faut quatre à six mois pour trouver un salarié permanent, lance Gilles Burel de l’Anefa du Finistère en ouverture de l’atelier qui se tient à Landerneau sur l’emploi et l’inclusion en milieu rural. Voilà la réalité du marché du travail. Et personne ne sort de l’école à cette époque de l’année. Deux solutions alors pour l’employeur : soit il embauche quelqu’un et le forme directement lorsque c’est possible – s’il trouve un candidat ! –, soit il débauche. »

Il y a d’ailleurs peu d’inscriptions dans les formations pour l’élevage, précise Isabelle Bloas-Dewu, directrice de l’Ireo de Lesneven, une école qui propose des formations de la quatrième à la licence professionnelle, de la formation professionnelle d’adultes et par l’apprentissage. S’il y a une explosion des demandes, c’est plutôt pour « le maraîchage, de préférence en permaculture, sur de petites exploitations et avec de petites équipes. Or, les emplois les plus fiables, les plus durables sont en élevage ».

Certaines productions en sursis, faute de main-d’œuvre

Face à ces tensions et à la pénurie de main-d’œuvre, représentants de la profession, parlementaires, élus locaux, acteurs de l’emploi, de l’enseignement agricole… ont été invités par Bernard Simon, président de la MSA d’Armorique, lors d’une table ronde à Landerneau le 22 novembre, à échanger et réfléchir ensemble aux solutions à faire connaître ou aux nouvelles pistes à imaginer pour favoriser le développement de l’emploi en agriculture.

D’autant que des producteurs dans certaines filières pourraient cesser leur activité faute de salariés, ce qu’a souligné Pascal Cormery en prenant pour exemple la production d’asperge blanche en Indre-et-Loire ou de la fraise en Dordogne. « Les productions disparaîtront si on n’a pas la main-d’œuvre. C’est paradoxal avec 7 à 8 % de chômeurs. Nous devons nous interroger pour voir si nous sommes bien formés à la gestion de l’emploi de nos salariés. Nous devons aussi savoir attirer, donner de la motivation, rémunérer les salariés… »

Aller vers les prescripteurs comme les enseignants

Maryse Aïo, responsable RSSE (responsabilité sociale et sociétale des entreprises) à la CCMSA, observe que la pénurie de main-d’œuvre a également un impact sur la santé des agriculteurs et celle des salariés déjà en poste. Elle fait état d’« une expérimentation avec dix caisses de MSA sur les emplois agricoles. Nous réfléchissons sur leur attractivité : il faut préparer l’accueil, présenter l’activité, accompagner le parcours, informer sur les droits sociaux. Un employeur doit savoir recruter, accueillir, expliquer ce qui va être réellement demandé au salarié, assurer sa sécurité… »

Michel Le Bot, délégué CFDT, insiste sur des difficultés de recrutement similaires dans l’agroalimentaire et la coopération agricole. Il estime qu’« il est important de se requestionner sur le travail, de repenser le recrutement, l’accueil, la formation, la fidélisation, la pénibilité, la rémunération… Les meilleurs ambassadeurs sont les salariés : s’ils parlent positivement de leur emploi, ils donneront envie à d’autres ». Pour lui, il faut jouer collectif et aller vers « les prescripteurs que sont les enseignants – dès le collège – ou Pôle emploi pour montrer la réalité de nos métiers ».

Insertion et emploi partagé

Parmi les pistes évoquées pour favoriser le recrutement, celle de l’insertion, illustrée par Jean-Marie Minart, directeur de l’association Tildé, « entreprise adaptée qui travaille quasiment exclusivement avec des pépiniéristes. Nous assurons un accompagnement socio-professionnel auprès des personnes que nous embauchons, bénéficiaires de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), nous leur donnons une formation horticole ».

Autre voie : celle de l’emploi partagé, exposée par Anne Guéguaden-Levourc’h, productrice de lait et administratrice à Finistère remplacement et Partag’emploi, un groupement d’employeurs du Finistère : « Cela permet à un jeune de se former sur plusieurs exploitations. La mauvaise rémunération des producteurs de lait empêche d’offrir un emploi à plein temps à un salarié. Pourtant, nous avons besoin de souffler, de prendre de congés, de nous faire remplacer… »

Avoir conscience de l’évolution des souhaits des salariés

Une insuffisance du prix du lait également soulignée par Graziella Melchior, députée, l’une des trois parlementaires présents à cette rencontre. Sandrine Le Feur, députée elle aussi, s’est installée en agriculture avec son conjoint. Elle indique que « des jeunes refusent des offres d’emploi parce que le métier n’est pas éthique selon eux. Nous devons avoir conscience de l’évolution des souhaits des salariés, favoriser la transition en agriculture et faire évoluer le métier. Sinon, on n’arrivera pas à attirer les jeunes non issus du milieu agricole ». Jean-Luc Fichet, sénateur, plaide quant à lui pour une réflexion commune sur l’accueil des nouvelles populations qui viennent vivre en milieu rural.

Les débats et propositions ont été riches, s’intéressant aussi à la moralisation nécessaire du travail détaché, aux questions de mobilité et de logement, à la simplification des démarches administratives pour les employeurs, à la formation et à la transférabilité des savoir-faire, à la nécessité d’agir ensemble pour ne pas diluer les énergies…

Photos : Mathieu Le Gall/CCMSA Image

En savoir plus

Consulter le site agissonspourlaruralite.fr.

Lire notre article sur l’atelier qui s’est intéressé à la société rurale inclusive.

Voir l’article sur la rencontre relative à l’accompagnement du mal-être agricole.

Lire l’article sur l’atelier qui s’est penché sur les services publics de demain.

Consulter l’article sur l’atelier consacré à l’accompagnement des familles et de la jeunesse.