Déjà touchée par la crise pour la commercialisation de ses agneaux de lait à Pâques, la filière ovine doit aujourd’hui trouver des solutions pour organiser ses chantiers de tonte. Au pays de l’Ossau-Iraty, plus des deux tiers des quelque 510 000 brebis du département sont en effet libérées de leur manteau d’hiver entre début avril et fin mai. Cela représente plus de 350 000 animaux parmi les 1 700 exploitations familiales, qui comptent en moyenne 300 bêtes chacune… Pas une mince affaire ! Pour s’atteler à cette tâche les éleveurs font appel à des tondeurs. C’est aussi un grand moment de partage et de convivialité qui renforce les liens dans la communauté.
« Ces chantiers mobilisent de la main-d’oeuvre, confirme Maïder Laphitz, chargée de la coordination départementale des filières animales à la chambre d’agriculture. Les tondeurs, qui sont souvent eux-mêmes éleveurs, circulent d’une exploitation à une autre à la demande ; la famille, les voisins et les anciens viennent donner un coup de main, les enfants ramassent la laine… Les risques face au Covid-19 sont donc importants. C’est pourquoi nous avons sollicité la MSA début avril et mis en place un groupe de travail avec une quinzaine d’éleveurs, dont plusieurs tondeurs, ainsi qu’avec le groupement de défense sanitaire [GDS, association d’éleveurs]. » Objectif : rédiger des fiches de conseil afin d’accompagner au mieux les éleveurs dans leur réorganisation exceptionnelle, en préservant la santé humaine et le bien-être animal, sans compromettre le cycle de production. Un enjeu essentiel puisque cette laine qui protège les brebis du froid peut s’avérer contraignante l’été face à la chaleur et aux parasites. Mais d’autres critères entrent en compte.
« Nous sommes partis de la fiche Covid-19 élaborée pour l’élevage par la MSA, que nous avons adaptée, explique Karine Cazenave, conseillère en prévention des risques professionnels en charge de la filière à la MSA Sud Aquitaine. L’idée première est de décaler la période de tonte. Nos échanges avec le groupe de travail, à distance bien sûr, sur un éventuel report à la fin de l’été ou à l’automne a été fort utile. Selon la localisation des éleveurs, il n’est parfois pas possible de faire partir les brebis en estive avec leur laine, qui s’accroche facilement à la végétation. Tout dépend à la fois des races ayant plus ou moins de laine mais aussi de l’organisation du travail et du cycle de l’élevage. Quand le report n’est pas possible, l’autre piste est de prioriser des lots de brebis à tondre et, quelle que soit la situation, de bien organiser les chantiers. »
Certains éleveurs équipés peuvent tondre eux-mêmes quelques brebis, mais ils sont peu. Et, c’est une activité très physique. L’appel aux tondeurs semble inévitable. Plusieurs règles importantes sont donc mises en avant pour l’organisation d’un chantier : préparation des lots, aménagement de la bergerie afin de respecter les distances et gestes barrières, équipements de protections individuels, repas, nettoyage et désinfection… Tout est passé en revue pour ne rien laisser au hasard. Et bien sûr, aucun visiteur extérieur ou personne à risque n’est admis. « Nous avons insisté sur la responsabilité des uns et des autres et sur le respect des consignes, souligne Maïder Laphitz. Ce sont essentiellement des questions de bon sens. »
Rappel des bons gestes pour se protéger
Après une semaine de travail, les fiches conseil concernant le chantier de tonte et le rappel des gestes barrières ont été envoyées par email et par SMS à plus de 1 700 éleveurs les incitant à retrouver les recommandations sur le site Internet de la chambre d’agriculture. Les laiteries, les coopératives, les commissions syndicales, les associations et les organisations locales ont également diffusé le message. « En quelques jours, tous les éleveurs ont pu être informés, continue la chargée de coordination. Les retours sont positifs. Le message était attendu et a bien été compris. On a profité de l’occasion pour remettre en avant une fiche de la MSA sur la manipulation des ovins, une autre sur le document unique d’évaluation des risques professionnels… Un éleveur me disait que toutes ces piqûres de rappel, noir sur blanc, étaient importantes toute l’année. D’autres nous ont questionnés par exemple sur l’ensilage qui pose des problématiques similaires. »
Malheureusement, un autre événement majeur sera privé de ses festivités estivales : la transhumance. Mais, à l’exemple de la mobilisation pour la vente d’agneaux à Pâques, qui a permis de commercialiser 1 100 caissettes en une semaine, la solidarité s’organise.
Pour le Dr Catherine Fromaget, médecin du travail à la MSA Sud Aquitaine, qui a complété et validé la fiche conseil, « le but est simplement de travailler dans les meilleures conditions possibles, de réfléchir à comment s’organiser différemment pour éviter les contacts et les risques. Quant au côté humain, moins de convivialité signifie malheureusement moins de qualité de vie au travail et, éventuellement, moins de rendement. Il faudra veiller à retrouver du plaisir après la crise ! »
Retrouvez les fiches conseils et d’autres infos :
►sur le site de la chambre d’agriculture 64 et de la MSA Sud Aquitaine◄
Un service mobilisé
Dès le début du confinement, le service santé sécurité au travail de la MSA Sud Aquitaine (composé de médecins du travail, d’infirmiers de santé au travail, d’assistantes et de conseillers en prévention des risques professionnels) s’est réorganisé pour accompagner ses adhérents :
– deux adresses email dédiées ont été créées et des réunions hebdomadaires ont lieu via Teams ;
– certaines visites médicales ou entretiens infirmiers se réalisent en téléconsultations ;
– un accompagnement à distance pour les managers des entreprises adhérentes a été mis en place ;
– le conseil aux entreprises continue : gestes barrières, organisation de l’activité, supports de conseils. Un appui a notamment été apporté aux Fermes Larrère, exploitation maraîchère des Landes, pour la réalisation d’un film par MR’AgriFrance sur les gestes barrières appliqués en situation de travail réel.
– une entraide pour des appels vers des personnes âgées des petites communes rurales du territoire, passés dans le cadre du projet national MSA solidaire.