Un faux air de l’acteur américain Jake Gyllenhaal qui campe avec subtilité un cow-boy dans le film Le Secret de Brokeback Mountain. Même regard d’acier, même beubar d’aventurier. Un cœur de garçon vacher aussi, ce Tudual Le Bras, honnête et droit, libre et fort. À l’instar des éleveurs de bovins dont il est devenu depuis cinq ans le véto attitré. Avec bonheur : celui qui effeuille son sacerdoce dans la plaine des réseaux sociaux – Instagram un peu ; Twitter beaucoup ; TikTok, pas du tout mais il faudra l’envisager – allégorise ainsi sa vie : « Un trèfle à quatre feuilles qui pousse au milieu de la bouse !  »

Entre lever de soleil et côté obscur

Pour la partie quadrifoliée de sa jeune existence, le Dr Toudou – son pseudo sur les réseaux sociaux – l’illustre en inondant sa Toile d’instants poétiques, à l’heure où rosit la campagne : « J’ai mis un certain temps à apprécier les matins, poste-t-il. Se lever la tête enfarinée, avec le stress du petit jeunot qui ne sait rien faire, y a mieux […]. J’ai eu un déclic un jour. Et je me suis promis que plus jamais je n’ignorerai un lever ou un coucher de soleil, plus jamais je n’oublierai de m’émerveiller devant les chevreuils, rapaces ou lièvres qui croisent ma route. Bref : j’aime les matins. »

Pour le côté bouse, Tudual ne chique pas ses mots. Et il fait un tabac avec, comme l’attestent ces extraits de brèves d’étable publiées tous les vendredis à 19 heures (il en a plusieurs en stock). Parfois c’est cru : lors d’une intervention pour une caillette (retournement d’estomac) sur une « salope » – soit sur une génisse qui a le coup de sabot leste, dans le jargon – la bestiole lui décoche un direct dans le pif. « Le noir. Puis un sifflement qui se transforme en cri : « Ça va ? Toudou, réponds, bordel réponds ! ». La lumière revient. Tout est flou. Je suis trempé de bouse. Et de sang. Qu’est‑ce qui s’est passé ? ».

Parfois encore, il verse dans le côté obscur de la force. Alors qu’il n’est pas encore docteur, il relate ses déboires pendant un vêlage épique chez Hubert [prénom modifié, NDLR], entre les impatiences et les rebuffades d’un éleveur monté sur pile électrique. Après avoir temporisé, il s’emporte : « P… de bordel de c.. ! Ferme ta gu…, laisse-moi faire mon boulot, merde ! » (431 « J’aime » sur Twitter). Avant de se morfondre dans le doute : « Allait-il falloir que j’accepte de changer, quitte à devenir un immonde connard avec les personnes que je pensais admirer [NDLR – les éleveurs] ? […] Est-ce que c’est réellement ce métier que je voulais faire ? […] Ma décision est prise : j’arrête tout… Heureusement, parfois on ne s’écoute pas. Voilà cinq ans que je fais ce métier. »

Vulgariser mon métier

Ses publications se lisent comme une chronique. Lui estime qu’il fait de la vulgarisation. Et même s’il se défend de vouloir écrire un livre – ça ne fait pas encore partie de sa « toudou list » – ses posts composent une œuvre. D’ailleurs, il reconnaît volontiers s’inspirer parfois de plusieurs histoires pour n’en faire qu’une.

Enfin, pour le dépeindre en 280 caractères (ou presque), selon un format qu’il affectionne… Il aime : travailler dans la nature et juge son sort enviable, même s’il a dû renoncer à jouer de la caisse claire écossaise dans un bagad. Il n’aime pas : la paperasse des visites sanitaires obligatoires mais se rattrape en s’offrant une séance d’escalade ou une bonne mousse (belge de préférence). Il admire ses éleveurs, défend l’agriculture française sans distinction, refuse de pratiquer les euthanasies de convenance et les coupes de queue sur les canidés (illégales, par ailleurs)…

Il passe quatre heures par jour sur les réseaux sociaux. Dans la plaine.