Il y a ceux qui aiment travailler au grand air. Et d’autres, comme Théophile Champagnat et Jean-Noël Gertz, les créateurs de Cycloponics, qui s’épanouissent dans des endroits discrets, sombres et humides. Cela tombe bien car c’est aussi le cas des endives et des champignons que ces jeunes paysans des caves cultivent dans leurs exploitations souterraines.

À Paris, c’est un ancien parking du XVIIIe arrondissement que ces deux forts en thème — école d’ingénieurs en agronomie pour l’un et études en génie climatique pour l’autre — ont transformé en ferme souterraine. Les LED basse consommation colorées suspendues au-dessus des jeunes pousses de cresson, de radis et de brocolis, pour permettre leur photosynthèse, donnent un petit air festif au lieu. Ils l’ont baptisée « La Caverne ». Il appartient à un bailleur social, ICF Habitat La sablière, et se trouve à deux pas de la très vivante porte de la Chapelle.

Agriculture urbaine. Il y a de la vie dans les entrailles de nos villes.Coup de projecteur sur la start-up française Cycloponics qui transforme des souterrains abandonnés à Paris et Strasbourg en fermes urbaines.
Quinze personnes travaillent sur le site parisien de Cycloponics. – © ICF Habitat La Sablière/Cycloponics

« Déjà à l’équilibre »

L’aventure de Cycloponics n’a pas commencé dans la Ville Lumière mais à Strasbourg, sur les vestiges de l’Histoire, dans une ancienne poudrière construite par les Allemands à la fin du XIXe siècle au cœur de la capitale européenne. L’espace souterrain de 200 m2 a accueilli les premiers pas de la start-up dans l’agriculture urbaine en milieu clos.

Baptisé le « bunker comestible », il a perdu sa vocation militaire depuis bien longtemps et rouvert ses portes, après des décennies de silence, à ces jeunes paysans des villes. Les fantômes de l’Histoire ont laissé de bonne grâce la place à des agriculteurs urbains, beaucoup plus à l’aise dans leur époque, et à leurs champignons shiitaké et pleurotes vendus principalement aux Strasbourgeois avides de produits locaux.

« En visant des lieux à l’abandon et au centre des villes, on peut produire au plus près des consommateurs et leur offrir des produits bio, ultra-frais et récoltés le jour même, explique Théophile Champagnat. Notre démarche va plus loin que la production de légumes puisqu’on s’implique vraiment dans la vie du quartier en embauchant sur place et en organisant des visites pédagogiques ainsi que des ventes à prix préférentiels pour les voisins. »

Produire en pleine ville, qui plus est dans un souterrain, tout en respectant les principes d’une agriculture biologique, est un véritable défi. Et pourtant, les petites mains de « La Caverne » (15 personnes travaillent au frais porte de la Chapelle sur 8 000 m2) ont su développer des modes de production adaptés à leur environnement.

La start-up est lauréate de la première édition des Parisculteurs, en 2017, un grand appel à projets de la mairie de Paris qui a pour but de végétaliser la ville et de favoriser l’agriculture urbaine. Après Strasbourg, Paris et en attendant l’ouverture d’un autre site à Bordeaux, d’autres villes comme Lille, Lyon et Grenoble pourraient très prochainement accueillir leur ferme Cycloponics dans leurs sous-sols. « Je ne me paie pas encore mais, un an après l’ouverture de “La Caverne”, on est déjà à l’équilibre », assure Théophile Champagnat.

Une belle performance pour des créateurs qui ne s’attendaient pas à devoir expliquer leur modèle économique à des journalistes du monde entier : Allemands, Brésiliens, Marocains, Indonésiens, Américains et Hollandais, tous intrigués par leurs champignons, endives qui poussent sous les pieds des Parisiens. Au fait comment traduit-on agriculture urbaine en anglais ?

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