Quel est votre rôle au sein du ministère ?

Je veille à impulser, animer et coordonner la politique du gouvernement. Je propose une feuille de route spécifique pour le ministère, qui concerne sa communauté de travail mais aussi les apprenants de l’enseignement agricole et les agricultrices et femmes du monde agricole. Ce sont des métiers où les préjugés, l’organisation genrée du travail, copiée sur l’organisation familiale, sont très présents et avancent plus lentement que dans les autres catégories socioprofessionnelles.

Nous travaillons notamment à la communication et la pédagogie dès le plus jeune âge, afin de sensibiliser aux valeurs d’égalité et à la déconstruction des stéréotypes sexistes, qui persistent parfois chez les femmes elles-mêmes. Car on peut faire évoluer les droits mais si culturellement, il reste des obstacles, l’égalité réelle ne se mettra pas en œuvre. Depuis une vingtaine d’années, la direction générale de l’enseignement agricole signe une convention interministérielle pour l’égalité filles-garçons dans l’éducation. La dernière, portant sur 2019-2024, insiste sur la lutte contre les stéréotypes, les violences sexistes et sexuelles, l’éducation au respect mutuel, la mixité des métiers. Elle prévoit également pour la première fois des indicateurs chiffrés avec des obligations d’amélioration.

« On a besoin d’elles face au difficile renouvellement des générations »

En quoi les femmes sont un moteur d’évolution du monde agricole ?

L’acquisition d’un vrai statut a été assez tardive. C’est pourtant essentiel, ça entraine tout un tas de choses derrière, un salaire, une retraite, l’accès à la formation, aux organisations professionnelles représentatives etc. On a besoin d’elles, d’autant plus face au difficile renouvellement des générations et pour contribuer à la souveraineté alimentaire de la France. Les femmes font bouger les métiers qu’elles investissent, les études sociologiques le montrent. Et lorsque leur parole est écoutée, elle est souvent créatrice d’innovations.

En agriculture, leur présence est de plus en plus visible ; elles ouvrent les exploitations sur l’extérieur, concourent à leur modernisation. Ce sont souvent elles qui encouragent les visites à la ferme, l’accueil des écoles, les activités touristiques, la vente en direct… Il y a aussi les conjointes qui travaillent à l’extérieur ou encore celles qui s’installent sans être issues du monde agricole, et qui rapportent plus d’exigences sur les vacances, les horaires de travail… Tout cela fait bouger les choses et évoluer les pratiques.

Quels freins faut-il encore travailler ?

Actuellement, les filles représentent environ 45 % des élèves de l’enseignement agricole, mais il y a de grandes disparités selon les formations : elles sont nombreuses en études supérieures et au sein des filières de services, mais seulement 38 % en production et 24 % en apprentissage. C’est cela qu’on veut faire évoluer, de même que l’insertion professionnelle, car leur taux net d’emploi en sortie d’études est inférieur à celui des garçons, de 5 à 7 % environ, à diplôme égal.

Nous avons par ailleurs identifié des différences dans leur parcours, elles s’installent souvent plus tardivement. Il faudrait ainsi pouvoir contourner le critère d’âge de la dotation jeunes agriculteurs, par exemple avec l’aide des collectivités territoriales qui accompagnent à l’installation.

Il faut également insister sur la diffusion de l’information sur les droits existants, car on s’aperçoit que certains sont mal connus, et améliorer l’accès à la formation. Je remarque parfois que les femmes n’osent pas réclamer, qu’elles s’autocensurent. Ce qui veut dire qu’il faut aller vers elles.

Un autre chantier me tient à cœur : augmenter leur place dans la gouvernance des organisations professionnelles. Nous avons travaillé sur un quota de 30 % aux élections dans les chambres d’agriculture, malheureusement ça ne percole pas jusqu’aux hauts niveaux de responsabilité. C’est important pour que leurs besoins, leurs attentes soient mieux pris en compte. Tant qu’elles ne seront pas plus présentes, les choses ne vont bouger que trop doucement. Mais il y a eu des avancées significatives ces dernières années, et la parole s’est libérée. Je suis optimiste sur leur capacité à avancer.

Photo : © Pascal Xicluna/agriculture.gouv.fr