Comment échanger sur la qualité de vie au travail (QVT) dans les entreprises de paysage, afin d’améliorer les pratiques ? C’est la question que s’est posée la MSA Portes de Bretagne. Cette approche, encore nouvelle pour les équipes, apporte de nouvelles problématiques de santé-sécurité au travail (SST). Elle agit en effet sur de multiples points, liés les uns aux autres : les relations, le dialogue social, l’organisation du travail, son contenu, l’environnement physique, la transmission de l’information, l’engagement de l’entreprise, ainsi que le développement personnel, l’égalité et la conciliation entre vie professionnelle et privée.
Une prévention nécessaire pour éviter de graves conséquences, dont les 64 professionnels du paysage participant au colloque « Promouvoir la QVT dans les entreprises du paysage », représentant une trentaine d’entreprises, sont bien conscients. En effet, plus de 2 500 accidents du travail surviennent chaque année aux salariés agricoles affiliés à la MSA Portes de Bretagne, dont 13 % dans la filière paysage qui concerne plus de 4 000 professionnels. Ce qui en fait le premier secteur à risque en Ille-et-Vilaine et dans le Morbihan.
À partir de ce postulat, les équipes de SST ont constitué un groupe de travail composé de différentes entreprises. « Nous avons sollicité des employeurs, des salariés, pour nous interroger sur cette question et avoir des éléments pour agir, explique Esther Ansart, conseillère en prévention des risques professionnels. En 2017, après quatre réunions avec des chefs d’entreprise, nous avons rencontré des salariés pour leur transmettre les premiers éléments recueillis et échanger. Nous nous sommes posé trois questions : qu’est-ce qui fait que dans l’entreprise ça fonctionne plutôt bien, qu’on se sent bien en tant que patron, salarié, encadrant quand il existe ? Quelles sont les sources de tensions possibles ? Quels pourraient être les points d’appui pour organiser une action collective ? Trois grands axes sont ressortis de ces discussions : l’organisation du travail, les ressources humaines et le management, ainsi que la gestion des matériels et des outils. Ces témoignages nous ont aidés à identifier des bases sur lesquelles échanger. Mais il s’agit de vécu. Ce n’est pas figé. »
Une démarche globale
Pour décliner ces grands thèmes, les intervenants ont présenté, lors de la matinée, les points de vigilance et d’amélioration possibles, à l’aide d’exemples concrets, illustrés lors de saynètes jouées en direct par des acteurs ou dans des vidéos. Des quiz et des échanges ont agrémenté le tout, reprenant étape par étape la réalisation d’un chantier et la vie en entreprise. L’après-midi, les participants ont tourné dans différents ateliers : démonstrations d’outils et de matériels pour améliorer le travail, échanges sur les risques liés aux poussières et leur prévention, sur l’hygiène corporelle sur les chantiers — dont l’accès aux toilettes — et sur l’accompagnement de la MSA qui propose notamment des aides et des contrats de prévention (lire l’encadré ci-dessous).
« Je me souviens de l’histoire d’un jeune salarié qui, un matin de départ pour un chantier, remplit les réservoirs de deux machines, raconte Hervé Guillotel, responsable SST. Il prend un bidon qui ne comporte pas d’inscription, pensant mettre un mélange, alors qu’en fait c’est de l’essence pure. Ce que les machines n’apprécient pas du tout. Une erreur qui coûte cher et que l’on peut facilement éviter. Lorsqu’un incident survient, dans la majorité des cas, on trouvera toujours des causes en amont qui interrogent sur l’organisation du travail, la façon dont on gère et achète le matériel, la façon dont on accompagne les salariés. Ne pas s’arrêter aux faits ultimes, prendre un peu de hauteur pour analyser ces causes permettent d’aller vers une prévention plus durable. Les entreprises qui développent cette démarche ont globalement une sinistralité plus faible. Mais le travail n’est pas simplement un lieu qui expose les salariés à des risques divers. C’est aussi un espace où l’on peut se construire, développer un savoir-faire, être reconnu, exister socialement. Exercer un travail où l’on se sent bien participe à notre construction sociale. C’est pour cela qu’il est important d’agir sur tous les déterminants qui le façonnent et de s’inscrire dans une démarche globale d’entreprise. »
Continuer d’échanger
Pour une bonne qualité de vie au travail, l’écart entre la tâche prescrite et réelle est également important. « Dans votre métier, il est important d’avoir des règles, des procédures, pour bien fonctionner et avoir des repères, continue Hervé Guillotel. Néanmoins, ces règles ne sont pas scrupuleusement suivies. Il y a en effet beaucoup d’aléas (météo, dysfonctionnements…). En général, le salarié s’adapte et trouve une solution qui l’amène à contourner ces règles pour pouvoir bien faire son travail. Dans 98 % des cas, ça se passe bien. Mais les 2 % restants peuvent générer un accident de travail. Il est intéressant de débattre collectivement de cela dans les entreprises, afin de voir comment chacun s’y prend dans ces cas de figure. Cela permet de partager et de stabiliser des savoir-faire, ce qui donne un vrai “statut” à cet écart entre le prescrit et le réel. » Une démarche qui prend du temps. Ce que ne manque pas de souligner un participant : « Nous avons de nombreux mouvements de salariés. Les informer régulièrement est compliqué. Et les plus expérimentés, pressés par le temps, n’ont pas forcément l’habitude d’expliquer tout cela aux nouveaux. » Un autre chef d’entreprise renchérit : « Nous sommes ici aujourd’hui car nous sommes volontaires, intéressés par la question, voire déjà engagés dans plusieurs actions. Les entreprises veulent s’impliquer. Mais il y a aussi la concurrence, celle qui ne se soucie pas ou peu de la QVT et qu’il faudrait réussir à sensibiliser aussi. »
Cette journée a été l’occasion de mélanger salariés et employeurs, de croiser les regards et de pouvoir repartir avec des repères pour continuer d’échanger dans les entreprises et avec les équipes de la MSA. Les participants étaient en effet très demandeurs d’échanges, de communication, d’accompagnement et de partage interprofessionnel. « Je suis venu aujourd’hui car je suis convaincu que si je veux garder des salariés motivés et qui font du bon boulot sur les chantiers, il faut qu’ils se sentent bien au travail, confirme Damien Jacob, qui dirige une entreprise de 25 salariés à Baden, dans le Morbihan. Et je pense que les jeunes générations sont encore plus attentives à la QVT. Cette journée m’a permis de concrétiser des réflexions que nous avions déjà engagées, d’essayer de nous organiser pour avancer sur le sujet et rencontrer les différents acteurs de la MSA. »
Photos : © Marie Molinario/Le Bimsa