« Avec l’épisode pandémique, qui n’est pas derrière nous d’ailleurs, on a repris conscience de ce qui constituait la sécurité humaine : la santé et l’alimentation – pas l’un ou l’autre, et pas grand-chose d’autre », pointe Sébastien Abis, directeur général du club Demeter, plateforme d’échanges et d’expérimentations autour des enjeux alimentaires mondiaux, qui rassemble des entreprises leaders de la distribution, de l’industrie et de la prestation logistique, ainsi que des acteurs publics.
Quantité, qualité, diversité : triptyque gagnant
Pendant la crise sanitaire, les acteurs de la chaîne agricole et alimentaire ont continué d’être sur le pont pour assurer la production afin de nourrir la population. Un engagement essentiel et reconnu qui a rappelé l’enjeu de la souveraineté alimentaire. « La souveraineté c’est avoir une vision des priorités stratégiques de long terme, avec constance, avoir de la cohérence, des complémentarités. »
Pour celle-ci, selon lui, « un triptyque gagnant – quantité, qualité, diversité – et un quatrième volet décisif : le modèle social européen et français, qui constitue et détermine cette performance agricole et alimentaire. Je crois qu’on l’a atteinte en Europe parce qu’on s’en est donné les moyens depuis un demi-siècle. Mais elle doit aujourd’hui entrer dans un autre narratif : continuer à nourrir et, en même temps, réparer la planète. » Car l’ambition est aussi aujourd’hui d’accélérer la transition agroécologique, en réponse aux enjeux sociétaux, climatiques et environnementaux.
Former et assurer des renouvellements de compétences
Pas question pour Sébastien Abis d’opposer l’agriculture d’hier avec celle de demain. « Derrière la robotique, la génétique, il ne faut pas oublier la place de l’humain et les personnes, agricultrices ou agriculteurs, qui font précisément la performance de la sécurité alimentaire en France. » Celle-ci doit s’apprécier, outre avec les aspects sociaux, environnementaux et sociétaux, toujours à l’aune de critères économiques. « Nous ne pouvons pas être performants sur le développement durable et avoir une offre alimentaire diversifiée accessible à tous si économiquement nous n’avons pas des systèmes agricoles viables. Et c’est donc toute la question du revenu des agriculteurs, du prix insuffisamment payé par le consommateur. Le problème principal c’est que depuis cinquante ans, les subventions publiques à l’agriculture n’ont pas bénéficié aux agriculteurs. Les grands gagnants ont été les consommateurs, dont je fais partie. »
Il faut que les agriculteurs puissent vivre de leur entreprise surtout si on leur assigne de nouvelles missions stratégiques. L’expert s’est ainsi arrêté sur l’évolution de l’activité agricole et de cette nouvelle mission de réparation de la planète qui lui est aujourd’hui demandée. « Si on a augmenté l’espérance de vie, si on a la capacité d’avoir une discussion sur le local, le durable, la qualité et la diversité, c’est parce que, sur la quantité, le job a été fait. »
« Un travail éducationnel est à faire »
À côté de la production pour tous, s’invitent désormais des exigences et un débat durable sur le qualitatif qui auront un impact sur le métier : « On va vers une hyperintensification agricole en connaissances, en savoirs, en expériences, en talents. Demain, pour réussir cette triple performance (quantité, qualité, diversité) et la trajectoire attendue par la classe politique et la société (nourrir et réparer), il faudra à la fois former tout au long de la vie, assurer des renouvellements de compétences, de talents dans l’agriculture, l’industrie et toutes les activités de la chaîne alimentaire. »
Il met aussi en garde contre les « discours sur l’ultra-souveraineté locale, la relocalisation des états d’esprit. Les villages gaulois qui s’opposent, ça n’a jamais donné un vivre ensemble et des projets d’avenir très structurants. » Comme il n’est pas possible de produire de tout, partout, il faut plutôt jouer la carte des complémentarités. « Par contre, il faut pouvoir privilégier tous les produits de proximité qu’on peut consommer en rapport direct avec les producteurs, en les payant au juste prix – j’insiste – car cela contribue à l’emploi, crée des chaînes de solidarité sociale, fait ruisseler l’économie dans l’environnement et dans les écosystèmes dans lesquels on évolue. Nous avons habitué les consommateurs à acheter des produits de toute la planète douze mois par an à bas prix, un travail éducationnel est à faire aujourd’hui et il doit démarrer à l’école chez les plus petits. »
« Faire découvrir, faire goûter, faire vendre »
Le volet qualitatif et les circuits de proximité ont été illustrés par la présentation de Qualité Landes par Marie-Hélène Cazaubon, présidente de la chambre d’agriculture des Landes. Cette association, créée par le conseil départemental et la chambre d’agriculture, défend sept productions sous signes officiels de qualité : l’asperge des sables des Landes, le kiwi de l’Adour, les vins de Tursan, le canard fermier, les volailles fermières, le bœuf de Chalosse, l’armagnac. Elle affiche une démarche de qualité et de défense de l’origine de ses produits autour de mille agriculteurs exerçant sur un territoire identifié et répondant « à des exigences bien qui ne sont pas les mêmes dès qu’on franchit les frontières ».
Marie-Hélène Cazaubon signale que « cette différenciation trouve un public. L’association réunit des entreprises qui peuvent être concurrentes mais pour travailler collectivement à une communication commune, à l’obtention de marchés. Le but de Qualité Landes ? Faire découvrir, faire goûter, faire vendre. C’est simple. »
Diagnostic partagé
Lors de la table ronde a également été abordée la démarche de relocalisation de l’agriculture et de l’alimentation engagée dans le cadre des projets alimentaires territoriaux (PAT), issus de la loi d’avenir de l’agriculture de 2014.
Ancrage territorial de la production, consolidation des filières, contribution à l’installation d’agriculteurs, sensibilisation du public sur la qualité des produits, les circuits courts, éducation alimentaire, création de lien entre les différents acteurs, les producteurs, les consommateurs… Ils s’appuient sur un diagnostic partagé entre plusieurs partenaires locaux (collectivités, agriculteurs, acteurs de l’économie sociale et solidaire, entreprises, coopératives…). Des PAT auxquels la MSA pourrait ajouter sa patte.
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