« On lève les bras au ciel. On inspire à fond en gonflant la cage thoracique… »
Le slogan « Et si le sport était à votre portée » du coach sportif, Wilfrid Myrtil, prend tout son sens dès qu’on passe le porche monumental de l’Esat du château d’Auvilliers, à Artenay dans le Loiret. Implanté à l’intérieur d’un complexe médico-social où vivent et travaillent 150 personnes, membre du réseau Solidel, l’unique Esat géré par la fondation de l’Armée du salut accueille 87 personnes reconnues travailleurs handicapés.
À l’intérieur, des femmes et des hommes au parcours de vie chaotique, parfois étrangers à leur propre corps et à des années-lumière d’envisager de faire du sport qui pourtant, ce jour-là, suivent les instructions de leur coach. « Le CHSCT* nous a alertés d’une recrudescence d’accidents survenus juste après le début d’une séquence de travail – le matin et en début d’après-midi, explique Dominique François, coordonnateur de projets à l’Esat. Les deux médecins du travail de la MSA ont préconisé des échauffements. »
Un conseil simple mais complexe à mettre en œuvre. « Nous étions démunis face à cette problématique pour laquelle nous n’avions pas les compétences pour y répondre. On s’est demandé ce qu’on pouvait faire car nous ne sommes pas des professeurs d’éducation physique et sportive. C’est là que l’idée de faire appel à un coach sportif s’est imposée. »
Homme fort dans Fort Boyard
Ce ne sont pas ses apparitions dans Fort Boyard en tant qu’homme fort qui les a convaincus que Wilfrid Myrtil était le bon candidat mais son CV musclé et ses diplômes dans le domaine de la culture physique. Un parcours universitaire qui l’a notamment amené à étudier le sport adapté (master entraînement sport santé handicap). Depuis 2016, les matinées sont plus sportives et les corps plus toniques à Auvilliers et, si les gens soufflent, c’est pour oxygéner et chauffer des muscles endormis par la nuit ou la pause déjeuner. Dans tous les ateliers, trois à dix minutes sont consacrées à l’échauffement avant chaque séquence de travail.
L’établissement offre à des personnes en situation de handicap une insertion socio-professionnelle, un chemin vers l’épanouissement et l’autonomie, en fonction de leurs capacités au travers de différents ateliers comme les espaces verts, la floriculture, les travaux du bâtiment, l’entretien, le détachement en entreprise et les ateliers de maintenance. Autant de métiers qui sollicitent beaucoup les corps et impliquent parfois des postures à risques. Une diversité de tâches qui a conduit le coach, après une visite dans chaque atelier et un questionnaire pour comprendre leur réalité professionnelle, à adapter les échauffements.
Prévention des accidents et rôle éducatif
Le personnel encadrant et les usagers ont été formés et un guide (avec des images pour permettre à tous de l’utiliser) est à disposition dans chaque atelier. Après deux années, les résultats sont palpables. Dominique François met en avant deux effets principaux : la prévention des accidents et un rôle éducatif. « Leurs pathologies font que ces personnes n’ont pas accès facilement à leur schéma corporel. Ils souffrent plus ou moins tous de dyspraxie. » Un trouble spécifique du développement dont la caractéristique essentielle est une altération de la coordination motrice.
« Les effets positifs ne sont pas forcément quantifiables mais les accidents du travail sont devenus exceptionnels chez nous ! Nous n’avons par exemple plus aucun claquage musculaire. D’autres effets sur le bien-être et la perte de poids ont également été constatés sur des personnes qui, pour beaucoup, suivent des traitements médicamenteux qui font prendre de l’embonpoint. » Une satisfaction pour le coordonnateur : « Contempler les progrès de gens qui n’osaient pas, et qui maintenant font parfaitement les exercices, ont gagné en bien-être et en estime de soi, est une vraie victoire permise par le sport. »
Désormais, plus question de commencer une journée sans s’échauffer : les travailleurs de l’Esat tiennent à leur stretching quotidien.