Elles sont nombreuses à épouser la profession. 688 421 salariées et 118 841 non-salariées exercent ce « métier d’homme », comme on l’entend encore trop souvent. Un agriculteur sur trois est une agricultrice et près de quatre salariés agricoles sur dix sont des femmes. De 8 % en 1970, la part des cheffes d’exploitation est passé à 34 % aujourd’hui. D’ailleurs, dans les métiers de la production, 37 % d’entre elles sont issues d’une reconversion.

« On s’aperçoit que les femmes qui sont cheffes d’exploitation le deviennent pour beaucoup après une reconversion, constate Anne Gautier, elle-même cheffe d’exploitation, présidente de la MSA de Maine-et-Loire et vice-présidente du conseil central de la MSA. Il faut capitaliser sur elles pour le renouvellement des générations et pour inventer l’agriculture de demain. Leur vision et leur engagement apportent un regard indispensable et complémentaire à celui des hommes. »

Les femmes, le visage de l’agriculture

Elles sont « le visage et l’avenir de la profession agricole », affirme Jean- François Fruttero, président de la MSA. Il est vrai que du chemin a été parcouru depuis 1967, quand les agricultrices étaient obligées de manifester pour obtenir un statut. Il a été jalonné en 1980 par la création du statut de coexploitante permettant à la conjointe d’obtenir des droits dans la gestion de l’exploitation, en 1999 par la création de celui de conjoint collaborateur, dès 2004 par des campagnes de prévention pour la santé des femmes organisées par la MSA ou en 2019 par la facilitation d’un congé maternité plus juste.

Pourtant, 87 % d’entre elles ressentent toujours un manque de reconnaissance de leur travail. Et 83 % constatent des inégalités entre les femmes et les hommes.

La MSA s’engage pour les femmes

De la prévention santé à l’engagement, en passant par l’accompagnement social, la famille, l’installation ou la santé-sécurité au travail, la MSA, forte de son guichet unique, est présente à toutes les étapes de la vie de ses adhérentes.

C’est pourquoi, en tant qu’organisme de protection sociale, elle souhaite, comme le rappelle Jean-François Fruttero : « S’engager, tout particulièrement pour chacune d’entre elles, afin de proposer des solutions qui leur permettent de pouvoir travailler la terre et le vivant avec la même reconnaissance sociale, économique et citoyenne que les hommes ».

Des solutions que l’on retrouve sous forme de propositions et qui constituent le Livre blanc « 15 propositions pour lever les freins à l’exercice des métiers agricoles par les femmes ».

5 freins à l’exercice du métier

La MSA a ainsi identifié cinq freins à l’exercice des métiers agricoles par les femmes : le statut des agricultrices, les imprévus liés à la vie de famille, les besoins spécifiques en santé, l’accessibilité du travail agricole et les constructions sociétales autour des métiers à responsabilités.

Donner un statut à chaque femme qui exerce un métier agricole est une priorité pour Annie Aublanc, retraitée, ancienne directrice d’agence au Crédit agricole Charente Périgord en Dordogne, administratrice de la MSA Dordogne, Lot et Garonne et administratrice du conseil central de la MSA.

« En tant qu’administratrices de la MSA, nous devons par exemple interpeller les femmes sans statut. Sans les mettre en cause, nous devons leur expliquer la nécessité de rejoindre un organisme de protection sociale pour se protéger contre les multiples risques sociaux auxquels elles peuvent être confrontées. » Car sans statut, impossible de préparer sa retraite, prétendre à la prime d’activité ou à une pension d’invalidité en cas d’inaptitude totale ou partielle au travail.

Concilier vie professionnelle et personnelle

Développer un réseau de soutien en direction des femmes victimes de violence, leur permettre de recourir au service de remplacement au-delà des 35 heures hebdomadaires et proposer une offre de garde aussi développée et abordable qu’en milieu urbain sont les trois propositions qui visent à créer les conditions pour concilier vie professionnelle et vie personnelle.

« Les métiers de l’agriculture sont atypiques par leur isolement fréquent, les horaires de travail décalés et irréguliers, précise Nathalie Chauchard, cheffe d’exploitation, éleveuse ovin lait en agriculture biologique à Vézins-de-Lévézou, dans l’Aveyron, administratrice de la MSA Midi-Pyrénées Nord et du conseil central de la MSA. Pour toutes les femmes du monde agricole, le maintien des services aux familles et du lien social est fondamental afin de permettre l’équilibre entre leurs vies familiale et professionnelle. »

Il est également primordial de répondre à leurs besoins de santé spécifiques, considère Marie-Claude Salignon, cheffe d’exploitation agricole productrice de cerises, raisin de table et raisin de cuve en AOP Ventoux dans le Vaucluse, à Malemort-du-Comtat, présidente de la MSA Alpes-Vaucluse et administratrice du conseil central de la MSA. « Il est nécessaire d’accentuer les connaissances, notamment des femmes isolées, dans l’objectif de convaincre de l’intérêt individuel et collectif d’une prévention en santé, par exemple par la vaccination ou le suivi gynécologique ».

Les visites systématiques facilitées chez le gynécologue, des visites spécifiques pendant la grossesse ou un congé en cas de maladie grave chez l’enfant sont ainsi suggérés par la MSA.

Une meilleure représentativité

Les deux autres chevaux de bataille de ce Livre blanc concernent le manque de représentativité et de prise en compte des besoins des femmes en agriculture. « Les femmes sont plus nombreuses que les hommes à considérer ne pas disposer de moyens suffisants pour effectuer un travail de qualité. Cela est en grande partie dû au matériel inadapté […] Les exemples d’inadéquation du matériel pour les femmes sont aussi divers que les métiers agricoles », souligne Patricia Saget-Castex, conseillère clientèle particuliers au Crédit agricole à Toulouse, en Haute-Garonne, première vice-présidente de la MSA Midi-Pyrénées Sud et administratrice du conseil central de la MSA.

Pourtant, obtenir une parité dans les commissions d’homologation du matériel pour intégrer de nouveaux critères (morphologie, poids du matériel…) leur éviterait bien des douleurs.

Malheureusement, dans ce domaine comme dans celui de la prise de responsabilités professionnelles et sociales, « trop peu de femmes salariées agricoles ou cheffes d’exploitation osent s’investir dans les instances agricoles car elles ne se sentent pas légitimes. La gestion des tâches familiales, en plus de l’activité professionnelle, sont un frein majeur à la prise de responsabilité », déplore Sabine Delbosc-Naudan, cheffe d’exploitation, éleveuse bovin viande à Lassouts en Aveyron, administratrice à la MSA Midi-Pyrénées Nord et vice-présidente du conseil central de la MSA.

Un frein qui pourrait être levé par des mesures comme la mise en place des modules de formation « égalité femmes-hommes » dans les enseignements agricoles ou le développement des services de remplacement « vie de famille » pouvant aussi servir pour les gardes d’enfants pour les femmes qui souhaitent avoir un engagement citoyen.