Chantal et Patrick Bolfa produisent et conditionnent 10 000 tonnes de pêches et nectarines, et 1 000 tonnes d’abricots par an. Vergers éco-responsables, démarches pilotes agroenvironnementales… s’ils sont aux petits soins pour leurs fruits répartis sur 600 hectares et trois sites, ils n’oublient pas pour autant la santé de leurs 400 salariés au travail. Lunettes de protection, chaussures de sécurité, brouettes à échelle dans les vergers, formations à l’effilement des sécateurs, à l’utilisation d’une tronçonneuse…
La MSA Grand Sud les a choisis parmi les projets présentés à la trentaine de collègues de la prévention des risques professionnels venus de six caisses de MSA lors de trois journées d’échanges et de visites en juin dernier ; et ce n’est pas pour rien. Thème du jour : l’aménagement d’un bâtiment existant.
Une réflexion en amont
À Trouillas, commune des Pyrénées-Orientales de 2 200 habitants, où l’exploitation familiale a été créée en 1997, l’entreprise florissante commençait en effet à se sentir à l’étroit. En 2013, l’occasion se présente de racheter une ancienne station de conditionnement du Marché international de Saint-Charles, à Perpignan. Ils avaient déjà avancé leur projet d’investissement lorsque Nicolas Garcia, conseiller en prévention à la MSA Grand Sud, qui les suit depuis plusieurs années, leur propose de les accompagner avec l’aide d’un cabinet d’ergonomie dans le cadre d’un contrat de prévention.
« Au départ nous étions un peu sceptiques, se souvient Chantal Bolfa, gérante de Réart Vallée. On a tendance à penser que la productivité est la seule chose qui compte, pour nous, les paysans, alors que c’est faux. Que coûte une chaussure de sécurité quand on voit ce qu’on économise derrière en bien-être au travail et, par conséquent, en efficacité ? »
Malgré des plans du futur site bien avancés, Jacques Escouteloup, ergonome, a su leur montrer qu’il y avait des points auxquels ils n’avaient pas pensé. En premier lieu : l’espace disponible. « Nous passions de 6 000 à 7 500 m2, on pensait qu’on était large, explique la cheffe d’entreprise. Sauf qu’auparavant nous utilisions les hectares de champs autour de notre bâtiment pour stocker les colis, palettes ou caisses vides. L’ergonome a tout de suite vu qu’en fait, nous allions manquer de m2. »
Depuis une quinzaine d’années, les équipes de la prévention des risques professionnels de la MSA Grand Sud accompagnent les entreprises du territoire dans leurs projets d’investissement.
De la construction d’un bâtiment à la mise en place d’une nouvelle organisation, quelle que soit la filière, l’idée est de remettre l’humain et le travail réel au centre des projets, avec l’aide d’un ergonome selon la situation.
Les plus de 80 projets suivis depuis 2008 démontrent les bénéfices autant pour l’entreprise que pour les salariés d’une meilleure prise en compte des conditions de travail.
Prise en compte du travail réel
L’accompagnement du projet se fait en trois étapes. Tout d’abord un temps d’observation, réalisé sur l’ancien site, et des échanges avec les salariés sur leur façon de travailler, leurs difficultés, fatigue, craintes… « C’est important d’avoir cette personne neutre à qui ils peuvent parler car parfois, face à nous, ils n’osent pas », note Chantal Bolfa.
« La question qui nous préoccupe, c’est le travail, souligne Jacques Escouteloup. Et comprendre le travail, c’est essayer de saisir ce que les hommes et les femmes mettent en jeu pour faire les choses. Cette phase préalable, c’est la conjugaison de la compréhension du travail avec celle de l’entreprise et de son fonctionnement. On observe donc l’activité mais pas seulement… on a vraiment tout regardé, tout questionné. »

« Ce qui nous permet d’intégrer des données qu’on ne voit pas à première vue, continue Nicolas Garcia. On consigne un maximum de situations dans notre bibliothèque, puis on vérifie toutes les mesures, les gabarits de chaque machine, de chaque palette qu’on met ensuite en mouvement sur le plan d’aménagement du nouveau bâtiment afin de tester et ajuster tous les flux de circulation. »
« On gagne du temps et de l’argent »
Deuxième étape : des tests en direct sur le nouveau site et les derniers ajustements pour finaliser le plan. « Dès qu’on a fait une simulation en réel, on se rend compte d’un certain nombre de choses et on trouve des solutions. Cela permet d’ouvrir les angles de réflexion », ajoute l’ergonome.
Installation de barres de repos pour les trieuses, changement des rouleaux afin de réduire le bruit, réglage de l’intensité et de la hauteur de l’éclairage, espacement entre les tapis pour faciliter la circulation, élargissement de passages permettant le croisement de deux chariots… sans oublier les accès aux toilettes et les salles de repos.
« Tout ce qu’ils nous ont conseillé on l’a fait, se félicite Chantal Bolfa. Ils nous ont fait toucher du doigt certaines choses que nous n’aurions jamais vu seuls. Par exemple, nous avions placé l’entrée du personnel à un endroit qui ne convenait pas à cause de la présence d’une machine à proximité. »
L’installation de barres de repos sur les lignes de tri permettent aux salariées de soulager le psoas, l’un des muscles fléchisseurs de la hanche, très sollicité à ce poste de travail.
Elles les aident également à mieux se tenir pour accéder à une caisse en hauteur.

« Identifier ce genre d’erreurs en amont des travaux, cela évite de devoir réaménager, déconstruire par la suite. On gagne du temps et de l’argent », avise le conseiller en prévention.
Et même avec un projet bien pensé, d’autres problèmes apparaissent une fois l’aménagement terminé. C’est pour cette raison que la dernière phase intervient après l’emménagement. Pour Réart Vallée, se fut notamment l’absence de système d’évacuation de l’eau. Un oubli important qui a pu être réparé grâce aux aménagements et agrandissements de couloirs réalisés pour faciliter la circulation.
Un projet collectif
« Tout ce travail nous a énormément apporté au niveau des flux de circulation, de l’aménagement des postes, de l’ergonomie en tant que telle, note Chantal Bolfa. Et grâce à eux, nous avons aussi impliqué les équipes. On a réfléchi ensemble, et c’est vraiment devenu le projet de tout le monde. Cela peut paraître évident pour beaucoup de gens, mais dans le monde agricole, nous sommes encore en retard sur ces considérations. »
Pour compléter ce suivi global, la MSA leur propose également une formation en kinésithérapie de six mois, prévue dans le contrat de prévention, afin de lutter contre les troubles musculosquelettiques.
Convaincus, ils refont naturellement appel à la MSA et l’ergonome lorsqu’en 2022, une nouvelle opportunité se présente de racheter l’emplacement voisin. Ils passent alors à 12 000 m2 et doivent revoir une nouvelle fois tous les flux de circulation. En intégrant le bien-être des salariés au cœur de leur stratégie, Réart Vallée prouve que productivité et prévention peuvent parfaitement aller de pair.


Des tables élévatrices contre les douleurs
Dans le secteur des fruits et légumes, les manutentions manuelles engendrent des troubles musculosquelettiques dans le haut du corps. La MSA Grand Sud a accompagné des entreprises dans l’installation de tables élévatrices. Un système ingénieux qui a convaincu tout le monde.
Comme ici, à la station de conditionnement des fruits des Vergers bio de Véronique, à Rivesaltes.

Pour en savoir plus : grandsud.msa.fr