« Impulsées par le monde agricole, les Sentinelles désignent une série d’acteurs volontaires (élus, associations, pairs, organisations professionnelles, coopératives d’agriculteurs…). Ils permettent, en étant en contact quotidien avec des agriculteurs, de détecter des situations de détresse ou de mal-être. Par leur proximité, ces Sentinelles sont essentielles pour repérer les signes précurseurs de mal-être et intervenir en amont. Elles constituent un relais entre l’agriculteur ou le salarié en difficulté et les structures spécialisées (en soins, aide sociale et économique) ».

Plus de 5 000 Sentinelles

Cette définition est issue de la feuille de route pour la Prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté du 23 novembre 2021. Elle cadre clairement le rôle et l’objectif des Sentinelles. De fait, elle met en avant le rôle crucial de ces volontaires dans la détection précoce des signes de détresse ainsi que leur rôle de relais vers les structures spécialisées pour apporter soutien et assistance.

Un rôle initié dès 2012 à la MSA où l’on commence à mettre en place un réseau de veilleurs. C’est à dire un dispositif de soutien et de solidarité en faveur des personnes en situation de fragilité. Douze ans plus tard, forte de son implication et de son expérience dans la prévention du mal-être agricole, elle a la charge de déployer le réseau des Sentinelles en agriculture. Une mission qui lui a été confiée en 2021 dans le cadre du Plan interministériel de prévention et d’accompagnement des agriculteurs en difficulté.

Et le 18 juin 2024, lors de la journée mal-être en agriculture organisée par le Conseil de l’agriculture française à Paris, à la question : « Concernant le dispositif Sentinelles, les objectifs sont-ils atteints ? », Frédérique Jacquet-Libaude, responsable du département instance et pilotage à la direction déléguée à la protection sociale de la CCMSA, répond : « Nous sommes tous fiers de pouvoir comptabiliser, au 31 décembre 2023, plus de 5 000 Sentinelles et force est de constater que la mobilisation continue sur le terrain. »

Derrière les chiffres, l’humain

« C’est le terrain qui a les solutions en main », rappelle Magalie Rascle, directrice déléguée aux politiques sociales de la caisse centrale de la MSA. Il ne s’agit donc pas de se contenter d’atteindre un objectif mais d’assurer le bon déroulement et le bon fonctionnement de ce déploiement. Après deux ans de « mise en service », une étude évaluative MSA/BVA menée en février auprès de Sentinelles et de formateurs permet ainsi de faire le point en interrogeant les acteurs eux-mêmes. « Nous voulions voir ce qui fonctionne, là où il y avait des freins, et savoir quelles actions mettre en place pour aller plus loin », explique Frédérique Jacquet-Libaude.

Le plan d’actions MSA 2024

Pour proposer concrètement des solutions, la Caisse centrale de la MSA a élaboré un plan d’actions pour l’année 2024. Ses objectifs sont de renforcer le pilotage de l’ensemble du dispositif Sentinelles, l’animation de réseau et le déploiement de formations à la détection complémentaires. Un redéploiement des moyens humains est opéré avec la création d’un pôle dédié. Des moyens financiers complémentaires vont être réaffectés : redéploiement de près de 3 millions d’euros sur le Fonds national d’action sanitaire et sociale pour l‘aide au répit, soutien aux formations Sentinelles et à l’animation de réseau doublé par rapport à 2023. Et une aide ponctuelle au répit administratif va être créée. ​

Si les formations Sentinelles, l’animation du réseau et l’intérêt marqué des formateurs externes sont au nombre des réussites, le déploiement se heurte à quelques difficultés. En premier lieu, son hétérogénéité. Tous les territoires ne sont pas égaux en ce qui concerne le recrutement des formateurs et des Sentinelles. Parfois, l’engagement qu’implique ce rôle effraie. Cela n’a pas été le cas d’Henry Jouve, président de la MSA Ardèche Drôme Loire. « La formation Sentinelle se termine par un engagement. Et je pense que dans nos vies de responsables, de militants, cet engagement il faut le signer. Ne pas avoir peur. »

Sentinelles, un rôle spécifique

Il est ainsi essentiel d’insister sur le rôle spécifique des Sentinelles. « L’ambition n’est pas de former des psychologues en deux jours mais de donner des clés, une posture et la limite des compétences », précise Sandra Cutaia, elle-même psychologue et formatrice. Être Sentinelle relève bien de l’engagement, pas du sacerdoce. Maire de commune rurale, élu, salarié du monde agricole ou agriculteur, chacun peut devenir une vigie formée à la prévention du suicide.

Concernant la détection des signes précurseurs du mal-être, Sandra Cutaia anime une formation de deux jours à destination des élus. Elle « vise à outiller les volontaires pour repérer et orienter les agriculteurs en difficulté. Le travail d’écoute est primordial », précise-t-elle. Ce que confirme Henry Jouve : « Il faut de la bienveillance, de l’empathie, s’écarter du jugement. On juge beaucoup trop dans nos campagnes. Quand on est Sentinelle, il faut savoir écouter. Et savoir écouter, c’est savoir se taire ».

Répit administratif

La MSA étend à une trentaine de caisses un nouveau dispositif qui permet aux agriculteurs débordés de se remettre à jour dans leurs obligations administratives. Ce répit administratif permet de prévenir l’épuisement professionnel et le « burn-out administratif ». Rodolphe Dumoulin, directeur du développement sanitaire et social de la MSA, souligne l’importance de cette initiative : « Nous rencontrons des agriculteurs qui affrontent un véritable burn-out administratif. Les membres élus du Conseil d’administration de la MSA, eux-mêmes agriculteurs ou salariés agricoles, ont voulu et voté cette expérimentation pour proposer une solution d’aide à nos adhérents qui en ont le plus besoin. »

Les travailleurs sociaux de la MSA identifieront les exploitations en détresse. Puis ils délégueront un assistant administratif chargé de trier et prioriser les tâches les plus urgentes. Déjà opérationnelle sur le territoire de la caisse de la MSA Alpes du Nord, cette initiative sera étendue grâce à un budget spécifique d’un million d’euros cette année. Ce qui reflète un engagement accru envers le bien-être des professionnels du secteur.