D’où vient l’idée d’avoir des porte-paroles sur les phytosanitaires au sein de la MSA ?
L’existence de porte-parole phytosanitaires dans chaque région remonte à 2017. L’initiative vient du fait que la MSA est très mal comprise. Les associations de victimes et de protection de l’environnement ont souvent présumé qu’elle était pro-phytosanitaires et faisait partie du lobby militant en faveur de ces produits. Il y a toujours eu un procès d’intention fait à la MSA.
Or la position de l’institution ne doit être ni déni ni dénigrement. Il y a un vrai risque. Ce sont des produits chimiques, ce n’est pas innocent. Ces molécules produisent un effet pour agir contre des maladies ou des insectes qui mangent les plantes. Ce n’est pas rien. Il ne s’agit pas d’avoir un déni. Il s’agit d’amener le risque à sa réalité, pas au fantasme, à bien le connaître et à être bien informé. C’est sur ce point que la MSA peut agir.
Les agriculteurs en sont conscients ?
C’est extrême de dire que les agricultures font n’importe quoi. Quand ils mettent un phyto dans une parcelle de plantes, c’est une dépense pour eux. Ils sont tous conscients que ce n’est pas une molécule innocente. S’ils le font, c’est parce qu’il y a une nécessité.
La MSA s’engage à accompagner le changement de l’agriculture. Avec les services de prévention, nous avons pour principe fondamental de toujours remplacer ce qui est dangereux par ce qui l’est moins. Par exemple, éliminer les produits cancérigènes mutagène et les remplacer par des produits qui ne le sont pas, ou remplacer un herbicide par un travail du sol, la mise en place d’un enherbement, à savoir à implanter une couverture végétale entre les rangées de vignes ou de cultures.
C’est une nouvelle orientation ?
Il n’y a pas deux planètes, une pour les agriculteurs et l’autre pour les consommateurs. Les agriculteurs sont aussi des consommateurs. Notre société dans son entièreté est en train d’évoluer et la MSA est au premier titre à bord de ce changement.
Elle remplit un triple rôle : de prévention, via ses services de santé et sécurité au travail, éventuellement de réparation quand il y a des maladies professionnelles ou des accidents du travail, ainsi que d’accompagnement lorsqu’on remplace une technique par une autre. Il faut alors anticiper également les risques émergents liés à cette nouvelle manière de faire. Je dis « ni déni ni dénigrement » car les agriculteurs et les salariés peuvent se sentir dans la ligne de mire de la société alors qu’en fait, ils sont à bord du bateau.
Comment voyez-vous les pratiques aujourd’hui ?
Je vis dans un vignoble et je suis professeur de viticulture. Tout le monde est dans le changement. Les pratiques ont évolué, mais tout le monde n’évolue pas à la même vitesse. Lorsque j’ai commencé à travailler dans les années 1980, une vigne bien entretenue, c’était une vigne où il n’y avait pas un brin d’herbe. On appelait ça « une vigne propre ». Le vigneron qui avait une vigne propre était considéré comme un bon vigneron. Aujourd’hui, celui qui a de la mauvaise herbe est soigneux. L’herbe, vue comme une ennemie autrefois, est désormais perçue comme une amie. Quand il n’y en a pas, on peut être amené à la semer, à choisir celles qui vont accompagner la vigne en vue d’améliorer la matière organique, de séquestrer le carbone dans les sols.
La vision de l’agronomie a évolué dans le bon sens. On veut tous laisser une planète correcte (et des parcelles fertiles) à nos enfants. Certains le disent fort, d’autres beaucoup moins. Mais tout le monde partage cette préoccupation.
L’agronomie est donc un levier important dans le métier ?
Une grande partie de la prévention des risques phytosanitaires vise à faire connaître la vie organique, les plantes, etc. Nous pouvons nous servir de cette connaissance de la nature pour chasser les nuisibles. Quand j’ai commencé à enseigner en 1986, mes étudiants n’avaient à connaître qu’une seule plante : la vigne. Aujourd’hui, ils doivent aussi être capables de choisir la plante qu’ils vont mettre dans leurs haies pour favoriser la biodiversité : feuillus à feuilles caduques ou persistantes, plantes à fruit ou pas etc.
On ne cultive pas seulement la vigne, on cultive aussi autour et on enherbe entre les rangs. On demande ainsi à nos agriculteurs de plus grandes connaissances. Ce changement est immense, ça se déroule sur quarante ans. C’est une vraie révolution.
C’est aussi de l’écologie, il s’agit de connaître les agrosystèmes. Quand on dit à nos étudiants qu’une chauve-souris peut manger 2 000 insectes en une nuit, ils comprennent très vite son importance dans l’écosystème. Et pour avoir des chauves-souris, il faut des arbres creux, donc des arbres morts, autour des vignes, ou bien installer des refuges. C’est cette connaissance écologique qui permet de trouver des pratiques innovantes pour réduire les phytosanitaires. S’en passer, s’épargner la facture qui va avec, et se rapprocher du consommateur : on est gagnant sur toute la ligne.
Les paysans possédaient-ils déjà ces savoirs ?
Non pas comme ça. Enfant, je passais des heures avec mon père agriculteur. Mon voisin était aussi agriculteur. Tous possédaient une très bonne connaissance de la nature, les noms de tous les oiseaux. Dans les Landes, ils les chassaient. Mais être conscients que grâce aux oiseaux qui mangent les chenilles, ils auraient moins d’attaques sur leur culture et qu’il fallait donc agir pour les préserver, cette analyse, je ne l’ai jamais entendue.
Pourtant, cette connaissance existait déjà mais elle n’instillait pas beaucoup au niveau de l’agriculture. Dans les années 1960 à 1970, on vivait sous le coup de la révolution industrielle. La traction animale disparaît au profit des tracteurs. On y installait un pulvérisateur et le problème était réglé. J’ai vu mon père mélanger les produits sans aucune protection et les intrants utilisés à l’époque étaient bien plus dangereux que ceux autorisés d’aujourd’hui.
Vous menez des actions sur ces questions dans les établissements scolaires ?
On a des approches dans les maisons familiales rurales (MFR) et les lycées professionnels comme celui de Derval car la prévention n’a pas d’âge. C’est tout au long de la vie. On les forme à l’école parce que c’est à la racine de la science qu’ils vont pratiquer. Mais il ne faut pas que seuls des conseillers en prévention interviennent dans les établissements, les professeurs doivent prendre le relais. Nous participons donc à leur formation, en particulier pour ceux qui vont enseigner le Certiphyto [formation certifiant l’aptitude à utiliser, vendre ou acheter des pesticides].
De fils d’agriculteur à œnologue et délégué MSA
« J’ai grandi dans une exploitation agricole. Je revenais de l’école et je prenais le tracteur comme beaucoup d’enfants à cette époque-là. J’ai intégré un lycée agricole comme élève en brevet technicien. Comme j’avais de bonnes notes, on m’a poussé à faire une école d’ingénieur. Je suis devenu ingénieur, et œnologue.
Je me suis engagé à la MSA car j’étais intéressé par ses action en prévention. L’institution fait le lien entre l’aspect professionnel, en tant qu’organisation professionnelle, l’aspect santé, la santé au travail, la retraite, la famille. La MSA relie tout. Elle est vraiment légitime à parler du phytosanitaire. »