Productrice-cueilleuse de plantes en agriculture biologique à Vérosvres, commune située à 30 minutes de Mâcon, celle qui a tout plaqué pour être « dans le concret » propose des produits à base de plantes aux amateurs de produits sains. « Je vends ici directement à la ferme, dans deux Amap et sur des marchés ponctuels et aussi à des magasins bio et quelques restaurateurs. » La jeune femme de 35 ans avoue pour l’instant en vivre un peu chichement.
Le logo de sa marque aux lignes simples et coquettes : « Des fleurs plein les poches », lui ressemble. Son histoire l’a conduite à travailler dans le développement durable et de la biodiversité dans un parc régional et pour une entreprise d’insertion. Un parcours qui donne déjà une idée de la quête de sens professionnelle de cette néo-agricultrice. « Je voulais avoir les mains dans la terre », souligne-t-elle. La voilà servie. Son enfance à Nantua dans l’Ain, avec la forêt au bout du jardin de la maison familiale, y est sans doute pour quelque chose.
Avant de s’embarquer dans l’aventure, elle a suivi une formation en production biologique de plantes aromatiques. Grâce aux Semeurs du possible, elle a rencontré Éric Privat, qui lui met à disposition 5 000 m2 de terre depuis février 2017. L’agriculteur de 53 ans élève des laitières et transforme sur place une grande partie des 30 000 litres de lait que produisent ses vaches tous les ans. Chez lui, on peut acheter crème, beurre, crèmes dessert, fromage frais vendus en direct ou par le biais de plusieurs Amap. En bio depuis 2003, il a également une activité de poules pondeuses.
La ferme d’Eric est un vrai lieu de vie
« C’est bien de travailler seul mais en solo, on ne peut pas tout faire. » L’idée de faire un peu de place à Lorette s’est imposée naturellement à ce grand barbu, au physique d’ours gentil et adepte de la ferme ouverte. Celle-ci est un vrai lieu de vie qui accueille pièce de théâtre ou artiste lyrique. Plutôt inattendu à quelques mètres seulement des cochons qui gambadent. Au sein des Semeurs, il est le tuteur de Lorette. « Mon rôle consiste à l’accompagner et à être à son écoute. » Entre les deux, le courant passe. « Pour moi, ce dispositif est une vraie sécurité, ajoute Lorette. Être hébergée ici, c’est aussi bénéficier du réseau d’Éric, pas seulement pour la commercialisation. Avec son regard extérieur sur ma technique professionnelle, je gagne un temps précieux. »
« Qui dit test, dit réversibilité sans trop de pots cassés…
…C’est l’essence même des Semeurs du possible », explique Lionel Badot, chargé de projets économiques et sociaux à la MSA Bourgogne, initiateur du projet. L’association est membre du réseau national des espaces tests agricoles (Reneta). L’espace-test permet de démarrer progressivement une activité de production sur un terrain mis à disposition (par une collectivité, un agriculteur, une association…) dans le cadre juridique, fiscal et comptable d’une couveuse, pour une période d’un à trois ans. Dans un contexte de diminution du nombre d’actifs agricoles, le test d’activité participe au renouvellement des générations.
« On ne vise pas 100 % d’installation au sortir du test, prévient Élodie Patrice, l’unique salariée de l’association. Sur les 32 entrepreneurs (âgés de 25 à 55 ans) qui se sont lancés avec les Semeurs, environ 60 % se sont installés. »
Sur le tiers restant, une partie choisit le salariat agricole ou se dirige vers une formation. Mais certains se rendent compte qu’ils ne suivent pas physiquement, qu’ils n’ont pas trouvé le bon équilibre entre vie privée et professionnelle ou encore qu’ils ne sont simplement pas faits pour cela. L’agriculture est un révélateur de personnalité. Elle pousse dans ses retranchements, jusqu’à ses limites physiques. »
« On ne révolutionne pas le monde, constate Lionel Badot, mais on permet un parcours d’installation progressif en minimisant les risques pour le candidat. Quand on mobilise localement, les réflexes paysans d’entraide du voisin et de lien social ressurgissent. Chaque projet est aussi l’occasion de mettre autour de la table des gens qui ne se parlent pas forcément, comme le monde agricole traditionnel et alternatif, les élus et les citoyens. On ne fait pas l’apologie du bio ou du non bio, on prend les projets comme ils viennent, du moment qu’ils tiennent la route. De ce point de vue, avec sa neutralité, la MSA a réussi à s’imposer. »
Le succès de cette initiative bourguignonne est essentiellement dû à l’implication et à la coordination d’un grand ensemble d’acteurs : la MSA Bourgogne, les chambres départementales d’agriculture (21, 58 et 71), Terre de liens, Bio Bourgogne, ville de Nevers, départements de la Nièvre et de Côte-d’Or, la Capen 71, Accueil paysan Bourgogne, syndicat mixte du Chalonnais, le Grand Autunois Morvan, PETR Mâconnais Sud Bourgogne, CFPPA du Morvan, CFPPA de Charolles, réseau Coopérés, des agriculteurs et des particuliers.
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