La distance plutôt que l’absence

En octobre 2020, entre deux confinements, un groupe est constitué et une session planifiée. Quelque temps plus tard, de nouvelles restrictions sanitaires la remettent en cause. Mais à la MSA Picardie, si on n’a pas de présentiel, on a des idées. On a surtout Mylène Duval et Marion Sigaut, un binôme de travailleuses sociales qui n’ont pas hésité à réinventer leur façon de fonctionner. « Nous nous sommes posé 15 000 questions avant de proposer cette session d’Avenir en Soi à distance. Nous savions que les gens étaient motivés. C’était le moment opportun et nous craignions qu’ils ne soient plus mobilisés ultérieurement. »

La première démarche de notre duo est alors de contacter les participants pour voir avec eux leur ressenti, leurs réticences, et connaître l’équipement dont ils disposent. Le manque de connexion fiable à Internet est la cause principale des quelques désistements. Toutefois, un noyau de six personnes se constitue et la session d’Avenir en soi 2.0 est lancée. Initialement, les séances se déroulent sur des journées entières, chose impossible via écran interposé. « Nous nous sommes servies de notre expérience professionnelle. Nous avons voulu leur éviter les réunions interminables et avons proposé des séances de 3 heures. »

Travail de déclinaison

Reste pour Mylène et Marion à trouver les solutions pour décliner ce qui se fait habituellement en face à face : « Avenir en soi est un programme qui fonctionne grâce aux échanges. Les gens se renvoient les choses les uns aux autres, précise Mylène. Dans le cadre d’un changement, d’une réorientation de personnes qui se sont un peu perdues, qui ne savent plus trop comment avancer dans leur vie, un gros travail est effectué sur les émotions. Il fallait que l’on arrive à retranscrire cette dynamique de groupe, que l’info ne soit pas uniquement descendante. Les participants doivent être acteurs de leur démarche. »

En présentiel, nos travailleuses sociales n’ont aucun problème pour fédérer un groupe. À travers l’écran d’un ordinateur, la donne est différente :
« On s’est creusé la  tête. Nous avons essayé de construire de petites animations comme une carte du territoire sur laquelle nous placions des post-it pour les situer les uns par rapport aux autres. Pour la présentation, nous avons utilisé le portrait chinois. Ils se sont aperçus qu’ils avaient plein de points en commun. Ça leur a permis d’échanger dès le début sur leur activité professionnelle, notamment sur leur volonté de changement, sur les projets qu’ils avaient en tête. Grâce à cela, nous avons réussi à créer cette relation de groupe tout en bienveillance.»

Elles les incitent à s’aménager un espace de travail, à s’approprier ce moment et en faire un temps de réflexion sur leur changement. Pour cela, elles sont à leur écoute et interviennent en fonction de leur disponibilité afin qu’ils ne soient pas accaparés par leur quotidien.
À écouter Édith, l’une des six participants, le but est atteint : « C’est un rendez-vous que j’attends chaque semaine. Je me mets dans ma petite bulle à la maison et je sais que c’est un temps pour moi. Je retrouve le sourire des autres et je repars pleine d’énergie pour poursuivre mon projet. C’est une vraie découverte de soi et je ne m’attendais pas à ce que ça puisse me faire autant de bien. »

Un écran, pas total

Si Mylène et Marion pensaient que l’écran pouvait être un frein à leur démarche, elles se sont rendu compte qu’il aide au contraire certaines personnes à prendre confiance en elles.
Ce que confirme Sébastien : « Je suis assez timide, j’ai du mal à parler en public. Passer par l’ordinateur m’arrange. Ça crée une barrière qui en fait tomber d’autres comme l’aspect émotionnel. »
Pour Édith, le constat est identique : « Il n’y a pas le même regard. Quand nous sommes tous ensemble, on n’est pas forcément à l’aise, nos émotions sont très présentes. Chez moi, je suis dans un cocon et, en même temps, ça me permet de sortir de ma bulle pour aller vers l’autre. »
L’écran paraît également générer une meilleure écoute selon Sébastien :
« On ne se coupe pas la parole, on attend que l’autre ait terminé et on est concentré sur ce qu’il dit, rien ne vient nous perturber. »

Si, par moments, ces séances de trois heures semblent trop courtes, le fait de ne pas avoir de temps de déplacement, ni de devoir bloquer une journée entière est apprécié.
« Pour beaucoup, la journée commence tôt en allant voir les animaux, explique Marion. Quand ils rentrent d’une journée d’Avenir en soi, ils retournent voir leurs bêtes. Là, en fin de séance, on les sent moins angoissés, moins stressés à l’idée du retour et de ce qu’il reste à faire. Et puis sur trois heures, ils sont dynamiques du début à la fin, il n’y a pas de coup de mou. Ils sont vraiment concentrés sur l’exercice qu’ils font et sont très à l’écoute les uns des autres. »

Besoin de présence

Cette formule demande davantage de travail au binôme. « C’est chronophage car tout est à déblayer. Nous sommes vraiment dans la reconstruction, nous devons en permanence nous adapter. Au début, la gestion du temps a été difficile à évaluer mais, après une dizaine de séances, le groupe est rodé et l’organisation plus fluide. »
Pour autant, Mylène et Marion reconnaissent qu’il y a beaucoup de points positifs à retirer de cette expérience. Elles entrevoient même de futures applications : « Ça peut être bien notamment pour les personnes ayant des soucis de santé et qui ne peuvent pas se déplacer. »

Malgré tout, le besoin de se retrouver se fait sentir et ces sessions ne peuvent se suffire à elles-mêmes : « Il serait quand même bien d’allier le présentiel et le distanciel. Les gens n’ont qu’une envie, c’est de boire un café ensemble, confie Mylène. Dès que l’on pourra les regrouper, on le fera. Ils nous le réclament vraiment. » Ce que confirme Édith lorsqu’on l’interroge sur le sujet : « Revoir les autres, pour moi c’est une nécessité. »
Et en ce qui concerne l’intérêt du programme, nous lui laisserons le mot de la fin : « Quand on voit toutes les personnes en détresse dans l’agriculture, toutes celles qui ont besoin de se retrouver, de se rappeler qui elles sont, quelles sont leurs valeurs, de se rendre compte qu’elles ont un beau chemin de vie, je trouve qu’Avenir en soi est une démarche essentielle. »

Les autres programmes de la MSA

Afin d’aider les personnes en difficulté, la MSA met en place différents programmes d’accompagnement à découvrir dans l’article Se reconstruire après un arrêt de travail.