Comment s’est noué le partenariat avec la MSA ?
La MSA nous a envoyé un projet pour savoir si une opération de collecte de jouets et de denrées non périssables auprès de ses salariés, ses délégués et ses adhérents, pouvait intéresser notre association. J’ai répondu oui. Nous sommes en pleine action des Pères Noël verts. Cela fait plus de vingt-cinq ans que tous les hivers nous mettons en place cette campagne. Elle vient en aide aux personnes que nous accueillons, qui viennent chercher de l’aide chez nous au moment des fêtes, pour passer dignement cette période. Nous permettons aux parents de pouvoir choisir des jouets neufs pour mettre sous le sapin comme tout le monde, quand ils n’ont pas les moyens de les acheter. Ils ont à leur disposition des mets festifs qu’ils n’ont pas l’habitude de consommer pour passer un moment convivial autour des fêtes. Et nous leur en offrons en quantité suffisante pour qu’ils aient de quoi inviter la famille, les amis, de façon à créer un temps de fête comme chacun peut le vivre en fin d’année.
Que représente ce Noël que vous souhaitez offrir aux personnes ?
C’est leur permettre de ne pas subir une forme d’exclusion supplémentaire, en leur donnant les moyens de faire la fête comme tout le monde s’y prépare le soir du 24 au pied du sapin, le 25 ou le soir de la Saint-Sylvestre. Quand on est dans la précarité, ces temps festifs qui nécessitent d’avoir des moyens pour pouvoir y participer, ils en sont privés. Donc il est important de penser à elles, d’être solidaire et d’essayer de faire en sorte que même si ce n’est pas ce dont elles auraient rêvé, au moins auront-elles un moment convivial, s’extrayant un temps de la précarité. Tout ça contribue à redonner leur place aux personnes, avec une forme de dignité. C’est ce qu’on essaie de faire dans l’accompagnement qu’on leur apporte. C’est pour cette raison qu’on ne fait pas d’arbre de Noël parce que cela voudrait dire que le Père Noël vert serait celui des pauvres et le rouge celui de ceux qui en ont les moyens. Vous, moi, chacun peut faire une action de solidarité et devenir pour l’occasion le Père Noël vert. On peut donner de son temps, de l’argent, un cadeau, un mets festif, une place de spectacle. Grâce aux bonnes volontés, le rouge pourra faire correctement son travail et aller dans tous les foyers. C’est l’occasion de montrer la générosité et d’apporter du bonheur aux personnes.
Y a-t-il une hausse de la pauvreté ?
Ce n’est pas le Covid en tant que tel qui en est la cause. C’est la crise économique générée par cette pandémie. Aujourd’hui tous les saisonniers ne touchent plus rien. Les étudiants ont perdu leurs petits boulots. Ils ne peuvent pas payer leur logement et leurs études. Si les parents ne sont pas capables d’assurer derrière, ils se retrouvent très vite en difficulté. Le logement est souvent assuré par les Crous mais au-delà il faut se nourrir. Il y a d’autres formes de précarité également graves. Certains ne sont pas équipés informatiquement et doivent aujourd’hui suivre leurs cours par correspondance. Comment font-ils ? Ils ne font pas. Ils se débrouillent.
De tas de causes collatérales au coronavirus mettent des centaines de personnes dans la précarité. Elles viennent chez nous car si elles ont réussi à se priver de tout, elles ont besoin de se nourrir.
Comment travaille votre association ?
Nous sommes une association non gouvernementale. Cela a tout son sens. On va d’abord s’assurer que les personnes ont usé de tous les recours possibles dont elles disposent avant de déclencher une aide chez nous. On n’est pas là pour se substituer à l’Etat. On est là pour répondre à des situations pour lesquelles rien n’est prévu. Ce que nous faisons en tant qu’association c’est une aide inconditionnelle. On a des bénévoles formés qui reçoivent les familles, qui étudient avec elles leur situation. Un travailleur pauvre qui est dans notre association n’est pas forcément dans d’autres associations où il est aidé par l’État : pourquoi ? Parce l’État fonctionne avec des barèmes de minima sociaux. Une personne peut toucher 1 000 euros par mois et ne pas bénéficier d’aide. Et le minimum social pour percevoir certains droits est de 500 ou 600 euros. Pour autant la personne ne peut pas s’en sortir. C’est pour ça qu’il est important qu’il y ait des associations comme la nôtre qui puissent aider les personnes de façon inconditionnelle et que cet appui se fasse sur l’appréciation de la situation de la personne. Nous préférons nous soutenir quelqu’un aujourd’hui sur quelques mois ou quelques jours pour lui permettre de se maintenir dans une situation correcte que d’attendre qu’il tombe au niveau des minima sociaux car une fois atteint ce stade, la situation est encore plus terrible pour lui. C’est la raison laquelle nous faisons de l’aide inconditionnelle. On étudie chaque cas ; on regarde les situations, il peut y avoir des accidents de parcours pour lesquels on a besoin d’un soutien. Exemple avec les inondations, dans ces cas-là, nous aidons toutes les victimes ; on ne va pas chercher si elles ont des moyens ou pas. Dans la crise, elles ont toutes subi. On est en train d’aider en ce moment la vallée de la Roya, sinistrée par les inondations. Nous soutenons les familles qui ont besoin de pouvoir continuer à se nourrir et se vêtir en attendant de retrouver un logement autant celui qui a besoin de pouvoir regagner son logement et qui n’a pas les moyens de se racheter un lit ou une gazinière que le commerçant artisan qui mal couvert par son assurance risque de ne pas pouvoir reprendre une activité. C’est ça notre aide inconditionnelle. C’est être à l’écoute de la situation qui fait que les gens se retrouvent à un temps donné dans une situation de précarité. Nous sommes des généralistes de la solidarité. Nous agissons envers toutes les personnes qui vivent une situation de précarité quelles que soient la religion, les opinions politiques…
Vous avez toutes les qualités pour vous rapprocher de la MSA ?
C’est bien que deux organismes comme les nôtres voient ensemble comment répondre encore plus aux situations de précarité. En discutant avec cette institution, nous nous sommes rendu compte qu’il y avait plein d’actions envisageables à mettre en place en partenariat. Nous allons travailler en ce sens. L’aide alimentaire est pour nous une passerelle pour d’autres formes d’accompagnement. Derrière nous effectuons de la prévention santé. Nous avons des permanences dédiées. Des médecins bénévoles y exercent et orientent les gens vers les endroits où ils peuvent être soignés. Sur cet aspect nous pourrions collaborer avec la MSA. Aujourd’hui la pauvreté gagne beaucoup les territoires ruraux. Depuis dix ans nous intervenons dans les zones blanches, là où il y a de l’isolement, où les habitants n’ont pas accès à des aides. Nous essayons de voir comment y aller. Nous avons mis en place des SolidariBus, des véhicules qui vont à la rencontre des gens vivant dans les campagnes. Nous voulons voir comment nous pouvons les aider, même si l’accompagnement permet juste de parler et de sortir de l’isolement. Depuis dix ans, cette précarité grandit dans les milieux ruraux. Quand je dis « grandir », pour faire simple, il y a une vingtaine d’années le problème de l’alimentaire ne se posait pas à la campagne. Aujourd’hui ce soutien-là s’impose aussi dans les zones rurales. Les retraités agricoles qui perçoivent de très petites pensions sont souvent victimes aussi de ne pouvoir se nourrir correctement.
Vous connaissiez la MSA ?
Nous connaissons déjà la MSA. Cette opération est mise en lumière parce qu’il s’agit d’un accord national. Mais il y a plein d’actions déjà faites localement entre caisses MSA et nos structures. Nous pourrions aller plus loin dans la solidarité que l’on apporte. Un exemple : on a depuis le début du confinement choisi de travailler sur la solidarité qui permet de pouvoir aider des personnes pas encore tombées en situation de précarité. Je fais référence aux circuits courts avec les producteurs de fruits et de légumes. En même temps, nous avons des publics dans nos permanences d’accueil qui ne verraient jamais un fruit ou un légume dans leur assiette si nous ne leur en achetions pas. L’intérêt est de voir aujourd’hui comment avec ces producteurs on trouve un accord pour permettre à ce public-là d’avoir des fruits et des légumes et les aider à dégager des ressources suffisantes de la vente de leur production pour pouvoir ne pas être dans une solidarité. Nous travaillons sur tous ces points. Et nous souhaitons nous appuyer sur nos partenaires. La MSA peut nous aider dans la mise en relations avec toutes les entreprises agricoles. Comment faire pour favoriser cette solidarité ? Je crois qu’on a vraiment un rôle sociétal à travers ces actions de solidarité.