Il est 9 heures aux Lucioles.
Quelques parents pressés passent déposer leur bambin avant de commencer leur journée de travail, mais la majorité des petits aventuriers, explorateurs et inventeurs, du nom des trois sections de la crèche, occupent déjà toute l’attention des super professionnelles.

Les allées et venues ne sont toutefois pas complètement terminées puisque d’autres enfants pourront arriver plus tard. Cette souplesse est la marque de fabrique de la structure, qui propose également des formules à temps partiel afin d’accueillir toutes les situations familiales.


Accompagnement personnalisé des familles

« Nous avons développé l’accueil occasionnel depuis 2016 grâce à notre partenariat avec la mission locale, explique Claire Girard, directrice des Lucioles. En 2014, la création du service enfance jeunesse de la communauté de communes et, deux ans plus tard, du guichet unique du relais petite enfance [qui facilite les démarches en un seul et même endroit] ont beaucoup aidé. L’organisation se met en place petit à petit, avec un travail d’équipe extrêmement important, notamment sur les notions d’adaptabilité car c’est une manière d’accueillir assez différente. Si les choses sont calées dès le départ avec la famille et qu’il y a une bonne communication, ça se passe bien. »

Créée en 1977, la crèche Les lucioles accueille des petits de deux mois et demi jusqu’à leur entrée à l’école. L’équipe de 25 personnes comprend 19 professionnels de la petite-enfance dont deux éducatrices de jeunes enfants à temps plein. Ateliers parents-enfants, temps intersections, mois thématiques, cuisine locale et bio sur place… le projet pédagogique tient une place importante, dans le respect du rythme de chaque enfant.

« Nous insistons beaucoup sur l’anticipation avec les parents et les conseillers en insertion, ajoute Cléophée Peyronnet, éducatrice et référente du label Avip à la crèche. Et nous continuons pendant toute la durée de l’accueil. Il peut être compliqué pour des personnes en parcours d’insertion de se projeter dans le temps, mais ça évite des déconvenues. Et c’est là tout l’intérêt d’avoir une référente, pour creuser un peu plus les situations et leur évolution. » Les deux professionnelles forment un duo très investi pour accompagner les familles de bout en bout. Une expérience positive qu’elles ont voulu étendre.

Candidate idéale, la crèche est labellisée Avip début 2022. Ce dispositif, lancé en 2016 dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, s’organise au niveau départemental, au plus près du terrain. Il s’adapte à chaque situation de territoire afin de lever ce frein au retour à l’emploi. En effet, seuls 12 % des parents au chômage obtiennent une place en crèche. Et il leur est difficile d’assurer le coût des assistants maternels, dont le nombre est par ailleurs en diminution.

Objectif du label : réserver 20 % de places ou accueillir la même proportion d’enfants dont les parents sont engagés dans un parcours d’insertion. Une personne référente est nommée pour assurer l’accompagnement individualisé des familles et la coordination avec les partenaires qui les suivent. En juin 2021, on dénombrait 262 crèches labellisées dans 33 départements.

Claire Girard, directrice des Lucioles, et Cléophée Peyronnet, référente Avip.

Lors du premier rendez-vous avec la famille, nous cherchons à savoir par qui ils sont suivis et à bien comprendre leurs besoins, leurs problèmes d’horaires, de mobilité, de logement, financiers ou familiaux… L’idée n’est pas d’être intrusives, mais que l’accueil se fasse sur une bonne base pour un meilleur accompagnement, et que le parent soit acteur de son parcours, de l’organisation. Le but est d’éviter des décrochages.

Même si le projet d’insertion est encore lointain, venir ici est déjà un progrès social. Cela permet de discuter, d’avoir du temps de répit… et que l’enfant vive autre chose. Les professionnels de la petite enfance sont là pour accompagner l’enfant mais aussi la famille, et c’est tout un projet d’accueil et une pratique que nous travaillons en équipe. Un « enfant Avip » peut arriver en accueil occasionnel à toute heure de la journée, le contrat peut être occasionnel, puis régulier, puis repasser en occasionnel… c’est toute une gymnastique.

Le label Avip officialise ce que nous faisions déjà depuis 2016, et, grâce à la nomination d’une référente, le temps que nous prenons est valorisé. Cela concrétise tout notre travail et nous ouvre la porte pour pouvoir aller plus loin avec les familles et avec d’autres partenaires. Le faire connaître est également important pour des personnes qui n’y auraient pas pensé, familles ou partenaires. »


À Parthenay-Gâtine, ce partenariat est désormais effectif avec la CAF, la MSA, le Département, la Maison de l’emploi (comprenant la Mission locale et le plan local pour l’insertion et l’emploi, Plie, de Gâtine), Pôle emploi et la communauté de communes, signataires de la charte Avip, ainsi qu’avec le centre d’accueil pour demandeurs d’asile et l’association Clé. « C’est une première pour nous, mais il y a une vraie mobilisation des partenaires. Et ça permet de toucher de nombreuses problématiques, se félicite Mélanie Carvalho, conseillère technique enfance jeunesse à la CAF des Deux-Sèvres, pilote du projet. Porter ce dispositif n’est pas facile. L’équipe des Lucioles est très mobilisée, c’est vraiment leur projet. »

Accueil régulier ou occasionnel

Entre janvier et octobre, la crèche a accompagné 14 familles, dont cinq mamans seules. Le dispositif bénéficie tout particulièrement à ces femmes, qui représentent 82 % des familles monoparentales en France. « L’un des objectifs est l’autonomie économique des mères isolées. C’est un véritable levier pour accéder à l’égalité réelle », confirme Sandra Gérard, déléguée départementale aux droits des femmes et à l’égalité.

Parthenay recense 72 places dans les deux
structures de la ville, pour 130 demandes.

La structure, qui compte 50 places, accueille au total 80 à 100 familles par an en régulier et en occasionnel. La première formule peut varier d’un à cinq jours prédéfinis, avec des horaires fixes, via un contrat mensuel qui peut être réajusté ; l’occasionnel est lui proposé selon les créneaux disponibles, pour environ 10 heures ou moins par semaine.

L’équipe demande une visibilité sur le mois si possible, mais les parents peuvent aussi la solliciter lors de contraintes ponctuelles. 17 enfants ont été accueillis aux Lucioles via le dispositif Avip entre janvier et octobre.

Un fonctionnement qui intéresse beaucoup la MSA. Il répond en effet aux besoins des familles agricoles, dont la part sur le territoire est 10 % plus importante que dans le reste du département.


Investie via son offre Grandir en milieu rural, la MSA Poitou souhaite ainsi contribuer au renforcement de l’offre d’accueil en ruralité. Et cela tombe bien car la demande en salariés agricoles explose, alors que les solutions ne suivent pas. « Depuis cinq ans que j’exerce sur ce territoire, je n’ai jamais eu autant de difficultés pour répondre aux demandes des familles, confirme Karine Géron conseillère sociale de territoire à la MSA. Beaucoup sont contraintes de prendre un congé parental. » Prochaine étape : réfléchir à des horaires atypiques afin d’adapter le dispositif aux attentes plus spécifiques des saisonniers, et de l’étendre pour se rapprocher des plus concernés.

Karine Géron, conseillère sociale de territoire à la MSA Poitou.

Le territoire de la Gâtine, en plein centre du département, dispose d’une grande diversité de paysages et d’activités agricoles : céréales, élevage, arboriculture… Il y a un besoin important de salariés, notamment de saisonniers agricoles dans les exploitations qui grossissent et qui n’arrivent pas à recruter. Dans ce contexte, participer à cette dynamique Avip est une aubaine car on ouvre le champ des possibles pour les familles MSA qui ont des horaires atypiques.

La deuxième étape sera de permettre à la crèche Les lucioles d’ouvrir sur des amplitudes plus larges. À long terme, cela facilitera le retour à l’emploi pour certains parents qui étaient obligés de prendre un congé parental. Travailler sur ce dispositif est une belle occasion de rendre les choses plus pérennes en termes d’insertion. C’est complètement innovant, et de nombreux acteurs avec une connaissance fine des divers publics se sont mis autour de la table pour se lancer. À nous professionnels de travailler en amont avec les familles afin d’anticiper au mieux leur mode de garde. À la MSA, on a l’avantage d’avoir le rendez-vous naissance pour détecter ces situations. Nous sollicitons toutes les futures mamans et, lors de cet échange nous abordons ce sujet, nous recensons leurs difficultés, car elles sont de plus en plus nombreuses à ne pas trouver de solution adaptée. »

10 h 30, il est temps pour les inventeurs, les plus grands, de profiter du soleil et du bel espace extérieur. Avec le temps humide de la veille, tout le monde enfile son pantalon de pluie et son anorak avant de faire quelques glissades sur le toboggan.

« C’est très intéressant de pouvoir y aller progressivement, de travailler cette séparation parfois difficile à vivre et qui peut entraîner un échec, souligne Patricia Rastocle, cheffe de bureau protection maternelle et infantile au conseil départemental. C’est bénéfique autant pour l’enfant que pour les parents. »

Photos : © Marie Molinario/le Bimsa