Et si la technique des petits pas était la bonne méthode pour apporter une réponse aux problèmes des déserts médicaux et de la raréfaction des médecins de campagne ? L’association Médecins solidaires en a fait son mantra afin de combattre à son échelle et à son rythme le grand mal qui ronge les territoires ruraux : les difficultés d’accès aux soins.
« Nous, nous exprimons notre indignation par l’action, assène son président Martial Jardel, attaché au serment d’Hippocrate. Notre conviction, c’est que la preuve de l’efficacité est le meilleur de nos arguments. On installe des centres de santé dans ces zones oubliées, silencieusement mais avec beaucoup de détermination. »
Création de centres de soin dans les villages
Depuis 2022, année de la création de l’association, les preuves s’accumulent. Déjà sept centres ont ouvert leurs portes en Centre-Val de Loire, Bourgogne-Franche-Comté ainsi que dans la Creuse et la Haute-Vienne. Un 8e vient de voir le jour le 24 février dernier dans le Lot-et-Garonne au cœur du Mas-d’Agenais, un village de 1 500 habitants qui n’a plus vu de généralistes depuis 2021. « On vient combler un manque chez les gens délaissés à qui on n’a pas proposé de solutions acceptables. »
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« une famille de médecins, plutôt qu’un médecin de famille »
L’ambition est de lancer au moins 20 établissements en France ; c’est la condition requise pour rendre le projet viable sur le plan économique. Chaque centre naît grâce à la constitution d’un collectif qui va de l’engagement des médecins volontaires pour exercer dans ces centres à raison d’une semaine ou plus, au maire qui fournit les locaux et prend en charge les frais de fonctionnement passant par la région également mise à contribution.
Coût d’une structure : 160 000 euros. Le salaire du médecin est de 1 000 euros par semaine.
Le rêve d’un suivi médical
C’est à ce prix que le remède administré contre les déserts médicaux produit ses effets. L’ouverture d’un cabinet médical s’accompagne d’un afflux de personnes ayant renoncé à se soigner.

L’émotion règne dans la salle d’attente et lors des consultations. La maman d’un nourrisson ne comptait plus que sur les urgences et les médecins de garde pour s’occuper de son petit en cas de maladie. Elle déplore le manque de pédiatres, et plus globalement de spécialistes aux alentours.
La joie se lit sur les visages. Nombreux sont ceux qui ont les yeux qui pétillent devant le médecin volontaire qui les ausculte. Ils sont heureux d’obtenir un suivi médical comme s’ils avaient décroché le Graal. C’est le cas des plus fragiles d’entre eux contraints de vivre jusque-là en silence avec leur douleur. Henri ne le cache pas. « Je suis content d’avoir trouvé cette maison médicale. Ma santé s’améliore. Grâce aux praticiens, ma vie a changé. »
Les médecins tiennent lieu de tout : généraliste, dermatologue, psychologue, gynécologue. « Je n’ai pas une journée qui ressemble à une autre, confie le Dr Didier. Les gens me déposent leur dossier. Ils laissent là leur vie. Si je peux les aider, je le fais. Il y a tellement de souffrance. » Il est à la retraite et a choisi de reprendre du service parce qu’il croit en ce projet. « Je dis à ceux qui doutent de nous : nous tentons cette expérience. Il ne faut pas vouloir aller trop vite. Nous allons y arriver, petit pas par petit pas. »
Se recentrer sur le métier
Avec ces maisons médicales se met en place un nouveau modèle de médecine qui diffère de celui du médecin de famille. À la place de la continuité des soins, le patient bénéficie du regard croisé de plusieurs praticiens. Le service médical sur place, composé de deux coordinatrices, assure le suivi des malades, crée les dossiers et gère la transmission. Délesté de la partie administrative, le généraliste se concentre sur ses consultations. Le Dr Martial Jardel signale : « En 1980, tu prenais un bloc d’ordonnances, un stylo et tu pouvais exercer la médecine. Aujourd’hui il te faut un ordinateur, un lecteur de carte vitale, un logiciel labellisé Ségur, un serveur informatique. À un moment donné cette complexité doit être absorbé par quelqu’un. Le jeune médecin qui a juste envie d’exercer la médecine qui n’a pas de nécessité à être un entrepreneur parce que ce n’est pas sa formation peut baisser les bras. » Le temps accordé au malade fait partie du sens que certains viennent retrouver dans leur métier.