À des milliers de kilomètres de l’Hexagone, derrière les décors de cartes postales, les territoires ultramarins rencontrent des fragilités sociales, sanitaires et foncières. L’agriculture y repose majoritairement sur de très petites exploitations de type vivrier et familial. Dans un contexte insulaire où les habitants peuvent se retrouver isolés, l’accès aux droits s’égare parfois le long des pistes de terre.

Justice sociale

Afin de garantir une protection sociale adaptée, la MSA a souhaité renforcer son action auprès des populations agricoles des cinq départements et régions d’Outre-mer (DROM) et de la collectivité de Saint-Barthélemy, territoires où le régime est également présent.

En janvier 2024, une mission nationale dédiée au pilotage des caisses générales de sécurité sociale (CGSS) et à la coordination de l’intervention des MSA référentes, dont relèvent uniquement les non-salariés, a ainsi été confiée à la MSA Poitou et à Régine Laurence, directrice en charge de cette mission. « Notre ambition est d’apporter le même service aux exploitants agricoles de ces territoires, adapté à leurs problématiques et à leurs enjeux. C’est une question de justice sociale. »

Un diagnostic socio-économique et d’organisation a été réalisé, avant la mise en place de comités opérationnels pour travailler sur l’action sociale, la santé au travail, les moyens, l’appui à la mise en œuvre de la législation…

Visites de terrain

Un renforcement de la coopération complété par des visites de terrain, afin de mieux comprendre les réalités locales. « Cela a notamment attiré notre attention sur les évolutions législatives, qui nécessitent un accompagnement particulier, note Régine Laurence. La réforme des 25 meilleures années, qui concerne le calcul de la retraite des exploitants agricoles, doit être différée en Outre-mer afin d’être déclinée en même temps que celle envisagée sur la base de calcul des cotisations, qui repose encore sur la surface et non sur les revenus. La CCMSA travaille sur ce sujet avec le ministère de l’Agriculture.

« De même que pour la réforme du statut de conjoint collaborateur. La petite taille des exploitations, qui sont très importantes pour alimenter les marchés locaux, est en effet à prendre en compte. Nous devons adapter la communication afin de ne pas prendre le risque d’une perte de statut. Passer à deux exploitants ou un chef d’exploitation avec un salarié sur quatre hectares ou moins, selon les productions, peut ne pas être viable. » Ce morcellement des terres agricoles a été accentué au fil des ans et des successions. Sur l’île de La Réunion, on constate toutefois une augmentation des moyennes et grandes exploitations ces dernières années.

Prévention santé, accès aux droits

La justice sociale passe également par des actions de sensibilisation à l’accès aux droits, à la prévention santé ou de lutte contre le mal-être, mais également par la formation des conseillers et la sensibilisation de l’ensemble des acteurs et représentants de la profession.

« En Guyane, nous avons rencontré des personnes qui ne savaient pas qu’elles avaient droit à des indemnités journalières maladie depuis 2014. Il y a un important travail d’information à faire, dans des régions parfois difficiles d’accès », précise la coordinatrice. À Mayotte, la MSA d’Armorique, qui gère directement la protection sociale des agriculteurs depuis 2015, mène plusieurs fois par an des actions de sensibilisation aux droits et des Rendez-vous santé.

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Les équipes de la MSA d’Armorique parcourent Mayotte trois fois par an pour informer et accompagner les agriculteurs, répondre à leurs questions sur les droits et cotisations, et proposer des bilans de santé.

Participer au maintien des exploitations agricoles

Depuis la mise en place de la mission nationale de coordination, les effets positifs se font déjà sentir. Les représentants de la profession sont mieux alertés des problématiques et les actions de sensibilisation mises en place auprès des populations sont mieux relayées.

« À travers son ingénierie sociale, la MSA participe au maintien des exploitations, qui est un enjeu de sécurité alimentaire. À Mayotte par exemple, il est ressorti au moment du passage du cyclone Chido, que 30 % de la population vit grâce à l’agriculture vivrière, qui permet d’alimenter les marchés locaux. La Guyane, de son côté, est confrontée à la concurrence du Suriname voisin et ses normes différentes et engagée dans un processus de développement des exploitations agricoles. »

Prendre soin du monde agricole des territoires ultramarins relève de la responsabilité collective et constitue un enjeu majeur, alors que le nombre de chefs d’exploitation ne cesse de diminuer sur l’ensemble du territoire.

La protection sociale des territoires ultramarins

Dans les territoires ultramarins, la réglementation en matière de sécurité sociale peut être différente.

Carte de l'outre-mer français :
La France d’Outre-mer dénombre 2,7 millions d’habitants répartis sur 115 000 km2 (Source : Institut national d’études démographiques)

Les exploitants agricoles des départements et régions d’outre-mer (DROM) – Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion, Mayotte – relèvent pour leurs prestations maladie-­maternité, vieillesse, recouvrement, accidents du travail et maladies professionnelles mais aussi pour l’action sanitaire et sociale, des branches agricoles des Caisses générales de sécurité Sociale (CGSS). Les habitants de Saint-Martin, collectivité d’outre-mer (COM) sont rattachés à la CGSS de la Guadeloupe. Les prestations familiales pour l’ensemble de la population sont gérées par des caisses d’allocations familiales.

Au sein des CGSS, une direction accompagne spécifiquement les exploitants agricoles, en lien avec une caisse de MSA référente en métropole. La MSA Midi-Pyrénées Sud est ainsi en appui de la CGSS de La Réunion, la MSA Poitou de celles de la Martinique et de la Guadeloupe ; La Guyane, elle, a signé une convention avec sa caisse référente, la MSA d’Armorique, afin de déléguer la gestion d’une grande partie de l’activité.

À Mayotte, une caisse de sécurité sociale intègre toutes les branches et les populations, à l’exception des exploitants agricoles, qui sont, eux, affiliés à la MSA et gérés directement par la caisse d’Armorique depuis la départementalisation de l’île en 2015.

À Saint-Barthélemy, collectivité d’outre-mer, l’État a confié à la MSA Poitou la gestion de la caisse de protection sociale pour toute la population de l’île de 21 km2 (sauf exceptions), soit plus de 10 000 personnes.

Du côté des COM, la Polynésie française et Saint-Pierre-et-Miquelon sont autonomes en matière de protection sociale, portée par leur Caisse de prévoyance sociale (CPS). Le régime calédonien, quant à lui, sous statut spécial de collectivité sui generis, est géré par la Caisse de compensation des prestations familiales, des accidents du travail et de prévoyance des travailleurs de Nouvelle-Calédonie (Cafat). La France a signé des décrets de coordination pour ces trois territoires. À Wallis-et-Futuna, l’Agence de santé de Wallis-et-Futuna assure la prise en charge des plus de 11 000 habitants.

Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), réunies sous statut de territoire d’outre-mer, et l’Île Clipperton, propriété domaniale de l’État, ne comptent pas d’habitants permanents.