Ce rendez-vous en visio du 8 mars, elles ne pouvaient pas le manquer. Coralie, Ingrid, Françoise, Régine et Sophie arborent un accessoire bleu (thème du jour) et discutent du livre Divorcée et joyeuse ! Ou comment survivre au divorce, autobiographie optimiste d’Anne Roumanoff qui dédramatise la séparation. L’humoriste a voulu partager son histoire, c’est un peu ce que font nos cinq Axonaises, mais sans public.
Créer du lien en dehors de l’exploitation
Elles sont membres du groupe Histoires de femmes de Thiérache, territoire rural à la frontière de la Belgique, initié par la MSA de Picardie. Depuis 2019, elles sont une quinzaine à se retrouver régulièrement, quand elles le peuvent, avec un seul but : prendre du temps pour elles. Quand on est agricultrice, ce n’est pas une mince affaire. « Ça permet de s’ouvrir et de prendre confiance en soi, témoigne Ingrid, exploitante en polyculture-élevage. Et de faire des activités que je n’aurais jamais entreprises autrement ! On sort de nos salles de traite, on se vide la tête pendant une heure. » « J’avais besoin de voir du monde, d’avoir un lien social, confirme Françoise, salariée sur l’exploitation de vaches laitières de son mari. Notre sortie principale, c’est la randonnée, on peut facilement se promener par chez nous, et c’est gratuit. On voit du paysage et on discute, comme j’aime beaucoup parler… ! »
Outre les balades dans le bocage verdoyant de la Thiérache, cette équipe très soudée a pu participer à nombreuses animations : visite d’une chèvrerie, fabrication de produits naturels, de couronnes de Noël, initiation au crochet, à la coiffure, la sophrologie, massage assis… « J’ai voulu mettre en place ce groupe car j’ai pu constater ce besoin de créer du lien en dehors de l’exploitation, explique Yasmine Patat, travailleur social qui les accompagne depuis deux ans. Elles sont exploitantes, conjointes-collaboratrices, salariées, femmes de salarié ou d’exploitant, retraitées… »
Sorties, ateliers manuels, bien-être…
Se permettre un peu de légèreté
« C’est ouvert et chacune vient avec son histoire, continue Yasmine Patat. L’objectif est aussi d’améliorer leurs conditions de vie, leur bien-être, leur place. Malgré la crise on rebondit car c’est un groupe dynamique et le besoin est là. C’est pour cela que j’ai proposé de faire des visios. Elles ont répondu présentes et apprécient de garder le lien, de partager leur ressenti. Ça leur manquait. Elles fourmillent d’idées et sont toujours partantes, rien ne les arrête ! »
« Je vois des femmes travailleuses, investies, ça me donne du punch de voir leur dynamisme ! » Jeune retraitée, Régine est également élue MSA, ce qui lui permet de faire le lien avec les actions de la MSA, auprès des seniors par exemple. « Ces réunions m’apportent un grand bien, ça nous permet aussi d’affirmer notre statut, car si on n’est pas exploitante on est moins reconnue. Ici on se sent toutes dans le même bateau, c’est important pour valoriser de notre travail. »
La bienveillance est le maître-mot de ces superwomen de l’ombre : « Pendant un moment, on peut se permettre un peu de légèreté, ajoute Sophie qui a été conjointe collaboratrice pendant vingt-cinq ans. Et on échange sans tabou ; le jour où l’une d’entre nous en a marre, elle sait qu’avec nous elle peut se lâcher, on est à l’écoute, sans jugement. C’est hyper important d’avoir un endroit où on peut lâcher les émotions. » Coralie, exploitante en polyculture élevage bio, en atteste : « On quitte le statut d’agricultrice, de femme d’exploitant, de maman… On ne pense qu’à nous, pour une fois. On recharge nos batteries pour mieux rebondir ensuite. »
Un Bol d’air
L’idée de créer du lien social sur le territoire s’est concrétisée depuis cinq ans avec la création du groupe Bol d’air, où plusieurs membres d’Histoire de femmes se sont rencontrées. Une réflexion engagée avec des participants d’un atelier Avenir en soi, afin de lancer des actions autour du répit. Ouvert à tous, Bol d’air organise notamment chaque année une sortie en groupe de 30 à 40 personnes : visite du Marquenterre, d’une brasserie ou encore rencontre avec le fabricant des délices de Cambrai. Tous les deux mois, les habitants se retrouvent également pour un bowling, afin de passer un bon moment et recharger, là aussi, leur batteries pour quelques heures.
Quant à Histoires de femmes, d’autres territoires de la MSA de Picardie le mettent en place, comme dans la Somme et prochainement dans l’Oise. Chaque groupe est accompagné pendant trois ans par la MSA, avant de voler de ses propres ailes.