Jeudi 2 avril. 9h30. Journée de confinement n°17. Il faut montrer patte blanche et revêtir un masque chirurgical pour pénétrer dans les locaux de la MSA Marne Ardennes Meuse installés dans le quartier Croix-Rouge à Reims.
Les couloirs de l’immeuble qui bruissent habituellement des voix de collaborateurs affairés sont désespérément calmes. Depuis les ordres gouvernementaux de confinement, presque tous les services sont passés en mode télétravail pour assurer depuis chez eux la continuité du service. Tous ? Non.
Chaque mot pesé avec soins
Au 2e étage du bâtiment vitré, le vaste centre de contacts de la caisse raisonne des voix de Cynthia, Sonia, Sandrine, Cindy, Aurore, Romain, Cécile, Grégory, Boris, Christelle et Laïla. L’ambiance est calme et sereine mais l’activité intense. Le ton rassurant et bienveillant, chaque mot pesé avec soins. À l’autre bout du fil, les gens un peu plus stressés qu’à l’accoutumée.
On se sent encore plus utile que d’habitude. »
Dans la salle, ils sont tous volontaires. Malgré la tempête Covid, omniprésente dans leurs vies comme dans celles de tous les Français depuis trois semaines, ces conseillers sont à leur poste pour répondre tous les jours aux sollicitations des usagers de la MSA Marne Ardennes Meuse de 9 heures à 12h30.
Laïla, 39 ans, a laissé son fils de 4 ans avec son papa à la maison. « C’est important pour moi d’être là. On a une mission de service public. On doit assurer. » Pour se rendre sur son lieu de travail, elle passe tous les jours devant le CHU de Reims, dont le calme trompeur est interrompu régulièrement par les décollages et les atterrissages de l’hélicoptère et les sirènes des ambulances apportant leur cortège de malades. Pour circuler, elle est toujours munie de l’attestation de son employeur, le sésame pour venir travailler. « Je n’ai été contrôlée qu’une seule fois mais on voit que les gens ont compris car les rues sont vides. »
Priorité aux urgences sociales
La majorité des appels qu’elle traite concerne des urgences sociales. L’un d’eux l’a touchée au cœur. « Une dame âgée a appelé hier, inquiète, car elle attendait un remboursement de 70 euros. Elle a raccroché pratiquement en pleurs car pour elle il s’agissait d’une grosse somme dont elle a besoin pour vivre. J’ai fait ce que j’ai pu pour l’aider. » C’est ce genre d’appels qui lui donne la force de venir travailler chaque matin. « On se sent encore plus utile que d’habitude. Si les usagers ont un problème important, ils ne doivent pas hésiter à nous appeler mais s’ils n’ont pas de demande urgente, mieux vaut privilégier le canal numérique, en particulier leur espace personnel sur le site Internet. Il fonctionne très bien. On peut même dorénavant y déposer ses arrêts maladie. » Une solution massivement utilisée par les adhérents de la MSA. « Depuis le début de la crise sanitaire, les sollicitations pour l’ouverture d’espace personnel sur le site Internet sont passées de 300 à 1 200 par jour », explique Sonia Haigneré, responsable du département de la relation de service, elle-même à son poste tous les matins.
« Cette crise nous fait tous flipper mais l’ambiance du service et notre mission me donnent envie de revenir le lendemain, assure Laïla. Même si on ne se serre plus la main. Entre collègues, on se serre les coudes. Parfois, je me lève le matin en me disant que j’ai rêvé tout ça, que c’est un cauchemar. Mais non, c’est bien devenu notre nouvelle réalité. Une amie a attrapé cette vacherie. Elle m’a dit qu’elle a même du mal à tenir son téléphone car elle est trop affaiblie. On apprend que d’autres sont hospitalisés. Ce n’est pas qu’à la télé. Tout cela est devenu bien trop concret. » Ses mots forts tranchent avec son sourire rassurant. Au téléphone, les personnes en colère sont rares, explique Laïla, confondante de bienveillance.
« Avec le temps, on s’aperçoit que les gens qui sont vraiment dans le besoin ne sont pas agressifs et qu’ils s’excusent même d’appeler. Ce qui a vraiment changé depuis le début de la crise, c’est qu’on nous dit beaucoup plus souvent merci d’être là pour nous. Des mots qui nous font vraiment chaud au cœur. »