LGBT, quatre lettres pour désigner les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres. Un raccourci sémantique pour parler de réalités beaucoup plus diverses.
Exprimer sa différence
Noah, Cassandra, Apolline ont marqué l’édition nationale 2023 de l’APJ par leur joie de vivre, leur charisme, leur détermination et leur engagement. La remise des prix a été organisée comme chaque année en mars, à la veille de la clôture du salon de l’agriculture. Après trois éditions assombries par la pandémie du Covid, l’événement majeur de la fierté agricole a retrouvé cette année des couleurs à l’image des tenues portées par les gagnants de la catégorie 18-22 ans. Loin du bleu marine et du vert bouteille des vestes de chasse qui dominent traditionnellement dans les allées du salon, ils ont osé le rose bonbon et le jaune canari. Ils ont surtout su créer un moment de grâce et d’émotion qui a déclenché des sourires mais aussi quelques larmes sur les visages d’un public conquis par leur sincérité.
Leurs témoignages, à un âge – l’adolescence – où exprimer une quelconque différence est toujours un risque de rejet, d’autant plus dans un milieu rural où tout le monde se connait, ont renvoyé certains spectateurs à leurs propres parcours de vie ou celui de l’une ou l’un de leurs proches. « Nous avons été agréablement surpris par l’accueil du public, car nous pensions le monde agricole plutôt conservateur sur le sujet », témoigne Cassandra, 19 ans, actuellement engagée en service civique au centre des impôts de son département. « Eh oui, il ne faut pas croire, les préjugés, ça marche dans les deux sens », sourit Noah, élève de première au lycée Thomas Masaryk de Vouziers.
Du haut de ses 17 ans, en montant sur la scène du parc des expositions de Paris, porte de Versailles, il a, comme ses deux camarades, forcément eu une pensée pour Lucas, ce collégien d’Épinal qui s’est donné la mort à l’âge de 13 ans en janvier dernier, victime de harcèlement scolaire et d’homophobie, ainsi que pour tous ces anonymes abîmés par les insultes, les coups et la bêtise ordinaire.
Semaine des fiertés
Leur projet porte sur l’organisation d’une semaine des fiertés dans leur territoire rural, premier du genre à être primé par le jury national de l’APJ, après l’avoir été au niveau local lors de la finale organisée par la MSA Marne Ardennes Meuse en 2022.
Au programme : un micro-trottoir effectué dans les rues de leur commune pour nourrir un théâtre forum organisé devant 260 lycéens de Vouziers, un escape game sur le thème de la sexualité organisé avec le planning familial et un forum des associations qui a accueilli les structures locales en pointe sur les sujets de discriminations.
« Des jeunes subissent des comportements ou agressions homophobes dans la rue ou au sein de leur famille, un phénomène accru au moment du confinement. »
La fierté peut également se lire sur le visage de Jimmy Joly, le directeur jeunesse du centre social FJEPCS-La Passerelle, l’acteur majeur de l’animation socioculturelle en Argonne Ardennaise. La structure rayonne sur un espace rural enclavé dépourvu de gare ou de route nationale, situé à quelques dizaines de kilomètres de la frontière belge et qui compte seulement 14 habitants au km2. « Des jeunes qui fréquentent notre structure subissent des comportements ou des agressions homophobes dans la rue ou au sein de leur famille, un phénomène qui s’est accru au moment du confinement, souligne Jimmy Joly. Le problème est qu’ici, comme dans la majorité des espaces ruraux, les gens ne peuvent pas bénéficier de l’anonymat des grandes villes pour faire leurs apprentissages. »
« Mon travail est de répondre aux besoins du territoire, explique Gina Laplace, agent de développement social local à la MSA Marne Ardennes Meuse. Dès l’instant qu’une problématique est identifiée, en l’occurrence le rejet et les agressions des personnes LGBT, et que des personnes sont prêtes à s’engager, – ici un groupe de jeunes et le centre social de Vouziers – on les aide à répondre à ce besoin. »
L’aventure de Noah, Cassandra, Apolline continue. Ils sont invités à la mairie de Paris le 17 mai pour fêter les 10 ans du mariage pour tous, qui a ouvert la possibilité à deux personnes du même sexe de se marier. Ils y présenteront leur projet qu’ils cherchent actuellement à pérenniser grâce au prix de 2 500 euros qu’ils ont emporté. Il a été remarqué et jugé exemplaire par Jean-Luc Romero-Michel, adjoint à la maire de Paris en charge des droits humains, de l’intégration et de la lutte contre les discriminations.
« LGBT. Si quelqu’un ne se reconnait pas dans ce sigle, il peut l’agrandir. Il est extensible à l’infini, prévient Apolline. Mais le plus important est de dire à ceux qui souffrent en silence car ils vivent isolés dans un petit village, c’est qu’ils ne sont pas seuls.