Avec 69 200 actifs non salariés agricoles, 75 500 salariés et 23 900 établissements employeurs de main-d’oeuvre, l’agriculture est un pilier de l’économie de la région Occitanie. Une journée lui a été dédiée en décembre 2019 à Aigues-Mortes. Une commune du Gard où se prépare d’ailleurs « la 2e édition d’un forum de l’emploi agricole, très présent sur ce territoire : viticulture, maraîchage, élevage… », indique Pierre Mauméjean, maire, en accueillant les participants.
La rencontre est orchestrée par l’association régionale des MSA d’Occitanie (Grand Sud, Languedoc, Midi-Pyrénées Nord et Midi-Pyrénées Sud) et rassemble quelques grands témoins du monde agricole autour de préoccupations communes : comment continuer à avoir une agriculture vivante, agir ensemble pour l’emploi et soutenir le secteur, dans un contexte de crise, de fragilité, d’aléas climatiques récents et d’inquiétudes sur l’avenir.
Pour planter le décor, Denis Carretier, président de la chambre régionale d’agriculture d’Occitanie et viticulteur, brosse le portrait de la région en rappelant sa diversité : « 45 % du territoire occitan se situe en zone de montagne » et son palmarès : « première région viticole et ovine, cinquième pour les grandes cultures, deuxième pour la production de semences, première pour les productions apicole et fruitière ». Avec toutefois un niveau de revenu par actif non salarié très largement inférieur à la moyenne nationale.
« Le contexte mondial n’est pas très rassurant, avec plusieurs incertitudes : la taxe viticole Trump qui impacte le territoire, le Brexit, un ralentissement économique frappant particulièrement l’Allemagne. Tout cela a des conséquences directes sur notre activité », note Alain Dumort, chef de la représentation régionale de la Commission européenne, venu évoquer les enjeux et perspectives de la réforme de la politique agricole commune (PAC). Un nouveau cycle budgétaire sera en effet enclenché pour sept ans à partir de 2021. Il rappelle deux sources de mécontentement qui impactent les réflexions : « Les agriculteurs peinent à vivre de leur travail, l’écart est grand entre le revenu moyen et le Smic, le revenu dépendant de subventions publiques. Le citoyen et le consommateur sont insatisfaits, ayant perdu la confiance dans la qualité et la traçabilité des produits. »
Des évolutions qui doivent entrer en ligne de compte pour avancer sur les questions de solidarité, d’emploi et d’économie agricoles. « Jusqu’alors, la question fondamentale posée à l’agriculture était de produire assez. Aujourd’hui, c’est différent. La faim dans le monde n’est pas un problème de production, mais un problème géopolitique, de redistribution. Sur terre, il y a plus de gens qui vont mourir de trop mal manger que de mourir de faim, observe lors d’une table ronde Marie Meunier-Polge, conseillère régionale déléguée à l’économie sociale et solidaire. Nous sommes à la croisée des chemins : la planète change, l’image des agriculteurs change vite et beaucoup. Il y a des questions qu’on doit se poser tous ensemble. La proximité, le territoire nous amènent à réfléchir différemment l’agriculture qu’on veut pour demain et rassembler nos forces locales, régionales, favorisant une économie de proximité et ses valeurs. »
Proximité et détection
Si des divergences de vue s’expriment entre les participants sur les orientations économiques ou les attentes par rapport à la PAC, tous se retrouvent sur les problématiques du soutien aux filières et du développement de l’emploi. Durement frappés par des épisodes climatiques récents qui affectent exploitants et salariés, marqués par des difficultés économiques, confrontés à la question du renouvellement des générations, préoccupés par la situation précaire de la main-d’oeuvre, les différents intervenants mettent en lumière les solutions construites ensemble afin d’épauler la filière.
Maîtres-mots : « proximité et détection », souligne Jérôme Despey, président de la chambre d’agriculture de l’Hérault, secrétaire général de la FNSEA, en présentant le dispositif Agir ensemble, créé en 2006 dans l’Hérault avec la MSA et la chambre d’agriculture, et étendu aux départements du Gard et de la Lozère. Une action de soutien aux agriculteurs en difficulté qui leur permet d’échanger avec un technicien ou un intervenant social pour envisager des solutions. Autre aide : les « points passerelle » exposés par Dominique Demouy, président du Crédit agricole du Gard, destinés à « accompagner les clients fragiles qui le souhaitent et les prendre en main avec le concours de bénévoles, en l’occurrence des élus et d’anciens collaborateurs retraités ». Là aussi, en fonction de la situation, un soutien bancaire, financier, humain, social est activé grâce à une synergie entre l’ensemble des partenaires, dont la MSA du Languedoc. Une initiative doublée d’une « volonté de prévention avec des actions d’éducation budgétaire menées dans les maisons familiales rurales : en deux ans, nous avons rencontré 700 personnes, essentiellement des jeunes ». Un point est aussi fait par Guilhem Vigroux de la fédération Groupama, sur les solutions assurantielles.
Des images fortes et émouvantes tournées pour le film Oser pour aller mieux ont été introduites par Laurence d’Aldeguier, administratrice de la MSA Midi-Pyrénées Sud, coprésidente du comité paritaire d’action sanitaire et sociale. Ce document donne à voir des témoignages d’exploitants de l’Ariège et l’éventail de solutions que la MSA propose pour accompagner les ressortissants en situation de mal-être. « Depuis plus d’un an, nous présentons ce film, suivi d’un débat, aux agriculteurs et aux salariés ainsi qu’aux organismes professionnels avec lesquels nous travaillons, au conseil départemental… En parler permet de se sentir moins seul et de casser la glace. »
Autre type de soutien marqué, cette fois-ci en termes d’emploi : « C’est un enjeu car il se situe au coeur de l’affiliation au régime agricole, souligne Thierry Manten, premier vice-président de la MSA. L’agrandissement des exploitations fait émerger un besoin de main-d’oeuvre plus important. On manque de personnel qualifié, ce qui induit une surcharge de travail, du stress pour les exploitants. Pour les salariés, souvent en contrats courts et saisonniers, la précarité, la mobilité géographique et l’hébergement constituent des difficultés. » La MSA intervient dans ce cadre pour accompagner employeurs et salariés en matière de santé-sécurité au travail, favoriser l’insertion, apporter des aides à la mobilité et au logement…
Faciliter le recrutement
Sophie Bonnery, administratrice de la MSA Grand Sud, explique que, « pour faire face aux contraintes d’emploi dans l’Aude, deux groupements d’employeurs ont été créés en 2017 avec l’ingénierie de MSA Services Grand Sud et le service de remplacement, l’un purement agricole (Agri 11), l’autre multisectoriel (Gem 11) afin d’élargir le champ de l’offre aux coopératives, collectivités, Cuma… » Un moyen de faciliter le recrutement et d’imaginer un parcours complet, donc plus attractif, pour les salariés. Là encore, la carte du partenariat est jouée à plein, avec la chambre d’agriculture, les fédérations professionnelles agricoles (viticole, Cuma, caves coopératives) et l’association de la Direccte aux réflexions préalables.
Un volet particulier est consacré à l’accompagnement des personnes handicapées. Jean-Louis Bonnet, président de Boissor – un domaine qui regroupe dans le Lot un institut médico-éducatif, un Esat et une petite unité de vie pour personnes handicapées retraitées – s’arrête sur « la valeur fondatrice du lieu : la solidarité, et son objectif majeur : la recherche d’une place pour chacun dans la vie sociale ou professionnelle, quel que soit le handicap porté ». Autre éclairage avec Ameria, entreprise adaptée, installée à Montauban, spécialisée dans la location de salles, le service traiteur, et la restauration. Au total, 24 travailleurs handicapés y travaillent entourés de six professionnels de la restauration.
Un vaste tour d’horizon qui conforte l’importance d’un accompagnement multiforme pour ne laisser personne au bord du chemin.
L’Occitanie fait la taille de la Belgique. Elle regroupe 13 départements.
Et 13 réalités en termes d’emploi.
L’association régionale des caisses de MSA Occitanie est notamment chargée d’assurer la représentation de nos intérêts communs auprès des différents interlocuteurs régionaux, en particulier sur le champ de la santé mais aussi dans tout autre domaine relevant des missions qui sont confiées à la MSA. Sur les problématiques d’emploi, nous avons intérêt à discuter avec la région et à travailler avec les organisations professionnelles agricoles, également à l’échelon régional. Les enjeux sont de taille : le renouvellement des générations, la formation, la lutte contre la précarité. À titre d’exemple, une convention régionale de partenariat a été reconduite en septembre dernier par la MSA, la Draaf et la Direccte pour renforcer l’intégration de la santé-sécurité au travail dans la formation initiale des futurs professionnels. L’agriculture régionale ne peut pas perdurer si elle ne dispose pas de main-d’œuvre qualifiée. La formation doit être adaptée aux besoins ; pour cela, nous avons la volonté d’agir avec les établissements d’enseignement agricole. Nous planchons aussi avec nos partenaires sur le travail détaché, la pérennisation de l’emploi, la qualification, l’accompagnement des agriculteurs et des salariés en difficulté…
Nous parvenons à aborder les problèmes de manière commune, cette rencontre en est une illustration.
Nos caisses de MSA, nous pouvons en être fiers.
Je considère la MSA comme une
organisation professionnelle agricole dont nous sommes des gestionnaires efficaces. Nous avons réussi à mettre en place le guichet unique, avec un seul interlocuteur pour l’ensemble des champs de notre protection sociale. C’est très précieux. Nous sommes enviés et il faut veiller à préserver la proximité avec les 15 000 délégués cantonaux. Ils sont la garantie d’une animation locale qui dynamise nos campagnes, et on en a besoin ! Comment être en réactivité au quotidien aux côtés du monde agricole, si cette proximité n’est pas là. À chaque fois qu’il y a eu crise, des mesures adaptées et complémentaires ont été mises en place. Le réseau MSA développe aussi une offre de services pour le milieu rural afin de porter toute l’attention nécessaire aux populations qui en ont besoin. On a besoin d’un régime spécifique. Notre vote signe notre qualité à faire valoir nos spécificités, notre engagement et notre responsabilité. Cela signifie garder la gouvernance, même si ce n’est pas facile, et conserver notre capacité d’expression. Et c’est comme cela qu’on pourra se prévaloir d’une grande réussite collective.