Des articulations rouillées, des jambes lourdes et le t-shirt qui tire au niveau des coutures. Le télétravail, l’overdose de séries sur les plateformes de télé à la demande accompagnées du triptyque chips/Pepito/coca, fatal au Summer body tant vanté par les magazines en papier glacé, et plus globalement la sédentarité, ont laissé des traces sur les corps.
Ce samedi 26 juin, à l’ouverture du premier village santé du pays de Valençay-en-Berry organisé à Châtillon-sur-Indre, tous les visiteurs sont pris d’une envie aussi soudaine qu’irrépressible de bouger, courir, sauter, jouer la comédie, pédaler, nager, danser mais surtout de se retrouver et de sourire à la vie. « Il faut bien que le corps exulte », rappelait Jacques Brel dans La Chanson des vieux amants. Avec plus d’un an de confinement, c’est encore plus vrai.
Presque sans masque
« Après une longue période de frustration, on peut enfin se retrouver, déambuler librement presque sans masque et redécouvrir des choses simples au premier rang desquelles la convivialité qui nous a manqué », lance au micro Jean Aufrère, maire d’Écueillé et président du Pays de Valençay-en-Berry qui regroupe 48 communes et plus de 30 500 habitants dans le nord de l’Indre. Un art de vivre à la berrichonne fait d’éclats de rire, d’activités en plein-air, de gastronomie, de musique, de danse mais aussi de sport. « Ce village santé premier du genre est un moment fort pour les actions du Pays menées dans le cadre du contrat local de santé. On sait que le sport, adapté ou non, est un atout. Sa pratique quotidienne pendant 15 minutes augmente l’espérance de vie de trois ans. Il est aussi créateur de lien social à tout âge et, pour nos jeunes durement touchés par la crise sanitaire, un élément essentiel à la construction de leur personnalité. »
L’observatoire régional de santé du Centre-Val de Loire met en évidence une mortalité plus forte dans l’Indre, liée à d’importants cas de cancers, maladies cardiovasculaires, diabètes et autres pathologies chroniques. Cette mortalité prématurée présente un taux supérieur de sept points en comparaison avec les autres territoires de la région qui, à leur niveau, enregistrent une surmortalité significative de plus 4,4 % par rapport au niveau national. De son côté, la direction régionale et départementale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale relève dans son diagnostic territorial de la pratique sportive que le nord du département présente un taux de pratiques sportives fédérales faible, en particulier chez les plus de 60 ans et chez les moins de 20 ans, comparé à la moyenne régionale.
Devant ce double constat, le Pays de Valençay-en-Berry, la commune de Châtillon-sur-Indre et la MSA Berry-Touraine ont travaillé main dans la main pour construire un village santé fonctionnant comme une belle vitrine pour le tissu associatif local, surprenant de dynamisme et de diversité. Les structures sportives et culturelles ont toutes répondu présent : gym volontaire, Pilates, sophrologie, théâtre, Qi Gong, aquagym, randonnée, cyclisme, fanfare et même l’inattendu club de danse écossaise. L’Ufolep, Siel Bleu et l’association pour le développement de l’emploi sportif et de loisirs dans l’Indre (Adesli) ont également permis au public de découvrir l’Omnikin et le Tchoukball, de nouvelles activités adaptées. « Cet événement représente six mois de travail. On a fait le pari que les mesures sanitaires allaient s’assouplir. Les faits nous ont donné raison », se félicite Sandra Beccavin, chargée de mission santé et alimentation au syndicat mixte du Pays de Valençay-en-Berry et céréalière à Lye, une commune située à 40 km de là.
« C’est sur nos territoires que tout se construit et se coconstruit. C’est important de pouvoir mettre en synergie tous les partenaires d’un Pays, souligne Patricia Keller, présidente de l’échelon local Brenne Val d’Anglin-Mézières-en-Brenne-Tournon-Saint-Martin de la MSA Berry-Touraine et représentante du conseil d’administration de Mutualia Grand-Ouest. Les gens n’ont pas forcément conscience des ressources et du potentiel associatif qui existent à deux pas de chez eux. J’espère qu’ils le seront un peu plus à la fin de cette journée. »
Première sortie après le déconfinement
C’est en voisin, avec ses deux casquettes de président de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole et de la MSA Berry-Touraine, que Pascal Cormery a inauguré l’événement en rappelant l’importance de la prévention, d’une alimentation saine et variée et de l’activité physique tout au long de la vie. « J’essaie moi-même de suivre ces principes. Depuis six ans que je suis président de la caisse centrale, je n’ai pas pris un seul kilo », explique l’éleveur bovin et producteur de viande de porc à Neuvy-le-Roi, commune située à une heure de route. C’est ma première sortie sur une animation depuis ma réélection. Je suis là pour encourager les délégués MSA et les administrateurs élus l’année dernière et qui ont eu peu d’occasions de se retrouver à cause des conditions sanitaires. Je leur demande de reprendre les initiatives locales et de faire passer le message que nos délégués, tous bénévoles, peuvent réaliser des choses formidables qui ne coûtent rien à la collectivité en travaillant en réseau avec les partenaires locaux. »
En écho, Marie-Thérèse, Françoise, Christine, Jean-Louis, Jean et les autres, tous élus MSA cantonaux, ont retroussé leurs manches pour que la journée soit une réussite. « Notre dernière réunion en présentiel date d’octobre 2020. On s’est revu le 26 mai. Deux fois en neuf mois, c’est trop peu alors que d’habitude on se réunit trois fois par mois, expliquent-ils. Beaucoup de délégués, pas toujours les plus âgés, sont allergiques au numérique et ont carrément zappé les réunions en distanciel. En plus, en attendant la fibre qui arrive bientôt dans l’Indre, le réseau Internet fonctionne mal, ce qui n’a pas facilité nos rencontres virtuelles. »
« L’enjeu est d’abord la mobilisation, explique Étienne Buchmann, chargé d’animation pour l’Indre au sein de la MSA Berry-Touraine. Notre priorité est que les délégués se revoient pour construire de nouveaux projets. Sur les 21 du territoire, neuf se sont mobilisés sur cette action. »
Bénévolat en crise
Tous en conviennent. Si on n’y prend pas garde, le Covid-19 pourrait faire une autre victime, moins attendue : le bénévolat. Claude Doucet, cinq mandats de maire de Valencay à son actif et autant en tant qu’élu MSA, tire la sonnette d’alarme. « Aujourd’hui, la difficulté va être de faire revenir les gens qui ont déserté les associations, mais ce constat vaut aussi pour nos délégués. C’est l’ensemble du monde associatif qui est en crise. Ce qui me fait peur, c’est de voir ceux qui étaient très investis jusque-là se démobiliser. Ma commune vient de perdre une association de 30 personnes qui cherchait à remplacer son président démissionnaire. Ils sont venus me dire : “On a réglé le problème.” Ils avaient en fait décidé de dissoudre. C’est un vrai choc. »
« On a perdu huit jeunes pendant le confinement », soupire Jacques du vélo club châtillonnais. Pourtant Enzo, 8 ans, équipé de la tête aux pieds comme un champion, se donne du mal sur le parcours installé pour l’occasion. Il faut dire qu’on est à la veille du passage du Tour de France sur les routes de l’Indre. Sa motivation est totale.
Un peu plus loin, on gigote ses gambettes au rythme de la cornemuse. « La danse écossaise est un sport complet qui fait bouger la tête et les jambes », explique Mariette Bossut, présidente du club local. Elle a beau refaire ses comptes, 40 % des danseurs manquent à l’appel dans son association. « Sur un groupe de 25, nous ne sommes plus que 14. On espère en retrouver une partie à la rentrée mais on n’est sûr de rien. »
Félicie Angenault, monitrice d’équitation au Lingé poney club, est venue accompagnée de deux armes de séduction massive : Génépi et Holcus, des shetlands de 4 et 5 ans.
« On n’a pas eu le droit d’enseigner pendant toute cette période. Nous avons été les tristes témoins d’une coupure totale du lien enfant poney pendant le confinement qui a été un crève-cœur pour nos petits cavaliers très attachés à leurs petits équidés. Heureusement, ils vont pouvoir les retrouver cet été avec le retour des stages. »
Au même moment, dans la piscine intercommunale du Châtillonnais, juste en face du Pré au foire où le village santé est installé, on s’éclabousse en musique et dans la bonne humeur. « Genou, poitrine, talon, fesse ! » Mildred, Savannah, Alice, Jennie et Marie-France ont sorti leur maillot de bain et remuent leur popotin en suivant le rythme soutenu de Catherine, la prof d’aquagym. « C’est un sport adapté par nature car il n’utilise pas le poids du corps, il y a beaucoup moins de risque de blessure. »
L’activité physique adaptée, Francine Benarton connaît bien. Cette animatrice sports et loisirs exerce uniquement dans la campagne de l’Indre. « Pendant le confinement, les gens étaient avides de me voir arriver, d’avoir une présence et de rompre leur isolement, explique-t-elle. Dans le monde rural, le sport ne fait pas partie de notre culture. Notre vie est presque totalement tournée vers le travail. Je suis moi-même cardiaque, le sport adapté m’a sauvé la vie. Il m’a permis de retravailler et de réapprendre à vivre tout simplement. Il n’y a aucune obligation de résultat. L’important est de se sentir bien dans une activité corporelle qui améliore son état général. »
Fanfare, groupe de folk, accordéoniste et chanteuse, la journée prend à certains moments des airs de guinguette, ce qui permet aux visiteurs de se laisser aller à quelques pas de danse. Jusqu’à un émouvant Danser encore de HK, repris par tout le public et dont les paroles parlent au cœur et au corps de ces Berrichons empêchés de faire la fête et du sport ensemble pendant des mois. « Nous on veut continuer à danser encore… »
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