« On a semé hier », annonce fièrement Angélique Delahaye, présidente de Solaal, agricultrice retraitée et ancienne maire de cette commune de 3 200 habitants. La pluie soutenue de mai qui a suivi les semis est de bon augure pour la suite. Toujours profondément enracinée dans le monde agricole, elle n’a jamais vraiment quitté la terre. Avec d’anciens collègues et le soutien du maire actuel, elle relance la culture de butternuts sur une parcelle communale jusque-là non exploitée.

Le dispositif des parcelles solidaires de Solaal, lancé cette année, mobilise des terres agricoles temporairement inutilisées pour fournir de l’aide alimentaire. Il s’inscrit dans une logique de lutte contre le gaspillage et de soutien aux personnes en situation de précarité. À Saint-Martin-le-Beau, les légumes destinés aux associations locales seront produits sans intrants chimiques, sans irrigation, en misant uniquement sur la nature… et l’engagement collectif.

Le principe est simple, presque évident : utiliser des terrains en friche ou en attente de projet pour cultiver des légumes destinés aux plus vulnérables. « Ce sont des terres qui ne servent à rien au moins pendant un temps donné. Et durant cette période, des gens ne mangent pas à leur faim », déplore l’ancienne maraîchère. La parcelle disponible s’étend sur deux hectares, mais 500 m² suffisent à lancer cette expérimentation. Les graines sont offertes, les agriculteurs prêtent main-forte et les jeunes du conseil municipal participeront à la récolte.

Un modèle qui germe partout en France

À Saclay, en Île-de-France, des potimarrons ont été cultivés avec des étudiants. En Bretagne, la culture de sarrasin a permis de financer l’achat de viande locale, où des élèves en formation agricole de la Maison familiale rurale d’Elliant, située entre Quimper et Concarneau, ont prêté main-forte lors des plantations. Des conventions avec l’Association des maires de France et la fédération nationale des Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) pourraient encore faciliter l’essaimage de ces projets, en simplifiant l’accès à des terres temporairement inoccupées. « Il y en a partout. Autant leur redonner une utilité sociale et nourricière », confirme Angélique Delahaye.

Fondée en 2013 par Jean-Michel Lemétayer, ancien président de la FNSEA, Solaal est aujourd’hui active dans l’ensemble des régions métropolitaines. Au-delà du simple don agricole, l’association, qui a remis au goût du jour le glanage solidaire, a progressivement élargi son champ d’action, notamment avec le lancement des achats solidaires en 2024.

Fidèle à sa mission, Solaal œuvre pour faire de l’agriculture un véritable levier de lien social. Loin de se limiter à des opérations de collecte, ses actions deviennent des temps de partage, d’échange et de reconstruction personnelle. Grâce à elles, des personnes en situation de précarité retrouvent un cadre, un rôle dans la société, et parfois même une voie vers l’emploi. « Sur mon exploitation, nous avions mis en place un glanage hebdomadaire. Cela a permis à certains de reprendre pied. La moitié a décroché un petit contrat de travail », témoigne Angélique Delahaye.

Café solidaire

Le café solidaire proposé après les récoltes renforce aussi ces liens. « L’accès à une alimentation de qualité peut devenir un levier de réinsertion, de santé, d’estime de soi », insiste-t-elle. Fonctionnant principalement grâce au bénévolat, au mécénat (MSA, Crédit Agricole, fondations privées) et à quelques aides publiques, Solaal avance, selon les mots de la présidente, « avec des bouts de ficelle ». Mais les résultats sont là : l’association nourrit, relie, insère… et redonne du sens à l’acte agricole.

Redonner du sens à la terre : ici, les légumes cultivés iront directement à ceux qui en ont besoin.
Redonner du sens à la terre : ici, les légumes cultivés iront directement à ceux qui en ont besoin.

🥕 Soutenir les agriculteurs en difficulté

L’idée est née lorsqu’une maraîchère de l’Essonne était en mauvaise posture, faute de clients. Grâce à l’intervention de Solaal, deux associations lui achètent désormais une tonne de légumes par semaine.
L’association loi 1901 reconnue d’intérêt général joue le rôle d’intermédiaire et facilite la mise en relation, contre une commission modeste qui contribue à financer un poste de coordination.
Un modèle souple, peu coûteux et à fort impact, facilement duplicable.

Copyright photos : Solaal.