Des vagues de 10 mètres de haut qui entraînent tout sur leur passage : les maisons, les routes, les ponts, les commerces, les canalisations d’eau, les poteaux électriques, les réseaux téléphoniques, les fermes, les terres agricoles mais aussi les hommes et les animaux. Des pluies torrentielles s’abattent en un temps record et emportent avec elles des vies et de nombreuses certitudes sur la façon d’envisager l’avenir dans ces villages à la beauté à couper le souffle, plantés à flanc de montagne.

Le long de la frontière italienne, dans le parc naturel du Mercantour, ce vendredi 2 octobre, rien n’a résisté à ce tsunami venu des hauteurs des vallées de la Roya, de la Tinée et de la Vésubie. Les corps sans vie d’habitants repêchés plusieurs jours après, à proximité de l’aéroport de Nice et sur les plages de San Remo en Italie, témoignent du déchaînement de la nature. Les dégâts causés par la tempête Alex se comptent en milliards d’euros; le temps nécessaire pour panser les plaies et reconstruire ces vallées meurtries, en années.

« La sirène a retenti à 10 h 30, se souvient Joseph Rey, oléiculteur, producteur des fameuses olives de Nice, à Breil-sur-Roya, et président du comité local de la MSA. Elle a été suivie des messages d’alerte des pompiers lancés avec leurs haut-parleurs, qui ont tourné dans le village pour prévenir la population du danger. Le camping a été évacué, tout comme la plupart des maisons situées en bordure de la rivière. Vers 12 h 30, il s’est mis à pleuvoir. À 14 heures, le vent a commencé à faire voler les tuiles et les antennes des toits. Pour nous, jusqu’à 2 heures du matin, c’était la fin du monde. Et le lendemain, quand le jour s’est levé, il y avait ce ciel bleu magnifique, le calme et partout la dévastation. Pendant la tempête, la rivière s’est transformée en fleuve. Quand j’ai vu l’ampleur des destructions, les bras m’en sont tombés. Équipements municipaux, commerces, maisons, tout a été inondé sur 500 mètres autour de la Roya qui traverse le village, même l’église a été ébranlée par les flots. »

« La MSA Provence Azur propose, outre une prise de contact systématique avec chaque sinistré par notre service d’action sanitaire et sociale et un accompagnement social si nécessaire, des aides aux particuliers, salariés et non-salariés, actifs et inactifs en fonction des leurs besoins. »

Marie-France Delmas, directrice adjointe en charge de l’action sanitaire et sociale à la caisse azuréenne.

Sur la place centrale, au cœur de sa commune dévastée, Joseph Rey, incrédule, a marché sur le toit des voitures. À cet endroit, l’eau est montée à 2,5 m de haut. Tout naturellement et comme des centaines d’anonymes, l’élu cantonal de la MSA de 59 ans s’est tout de suite mis à disposition des sinistrés les plus isolés en portant du ravitaillement et des médicaments à l’aide de son 4X4, ou à pied avec son sac à dos, quand les routes et les chemins étaient impraticables même pour l’engin tout-terrain. « Deux mois après, je n’ai pas encore bien réalisé, j’ai agi dans le feu de l’action. De toute façon, il fallait répondre à l’urgence. Dès le lundi au gymnase, on a travaillé du soir au matin à distribuer les denrées de première nécessité qui étaient centralisées à Breil-sur-Roya pour toute la vallée. Certains ont tout perdu. »

Après un petit flottement bien compréhensible au début, la mobilisation a été générale. Un pont aérien a été mis en place pour ravitailler l’ensemble des communes ravagées. « On pouvait entendre les pales des hélicoptères de la protection civile et de l’armée de 8 heures du matin à la nuit tombée », témoigne Joseph Rey. Un son entêtant mais rassurant. La preuve que la mobilisation a été massive et que les pouvoirs publics et les corps intermédiaires ont déployé les grands moyens. La gare est devenue un enjeu majeur de survie pour toute la vallée. Le maintien en fonctionnement de cette ligne de vie a permis de désenclaver les communes aux alentours alors que les routes, ayant été détruites, sont devenues impraticables.

La cellule de crise mobilisée

Dès le lundi matin, une cellule de crise a été activée au sein de la MSA Provence Azur afin de recevoir les signalements et pouvoir apporter des solutions et des aides financières aux personnes sinistrées. Celle-ci s’est coordonnée quotidiennement avec les différents partenaires (conseil départemental, chambre d’agriculture, syndicats agricoles…). Elle a aussi mis à contribution le précieux réseau d’élus MSA, composé de femmes et d’hommes comme Joseph qui résident sur ces territoires isolés, et qui sont capables de détecter les ressortissants agricoles dans le besoin. Un lien d’autant plus vital avec le terrain lorsque les moyens de communication traditionnels et les routes sont coupés.

« La MSA Provence Azur est pleinement mobilisée et propose, outre une prise de contact systématique avec chaque sinistré par notre service d’action sanitaire et sociale et un accompagnement social si nécessaire, des aides aux particuliers, salariés et non-salariés, actifs et inactifs en fonction des besoins exprimés », explique Marie-France Delmas, directrice adjointe en charge de l’action sanitaire et sociale à la caisse azuréenne. Derrière le numéro de téléphone, une équipe spécialisée dans l’action sociale mobilisée pour répondre à l’urgence.

« Il y a eu beaucoup de spontanéité dans la solidarité. L’aide est venue de partout, du monde associatif, du département, de la région, des syndicats agricoles, de l’armée et même de simples particuliers, comme cette institutrice venue de Nantes qui a pris de la disponibilité pour venir nous aider. Nous avons même reçu un camion rempli d’eau minérale en provenance de Seine-Saint-Denis. D’autant bienvenu que l’eau potable était coupée chez nous », se souvient Joseph Rey avec émotion.

Des éleveurs héliportés

Comme la Roya, une soixantaine de communes ont été reconnues en état de catastrophe naturelle par arrêté du 8 octobre 2020. Plus de 15 000 foyers ont été privés d’électricité et de réseau téléphonique pendant plusieurs jours. Le bilan humain s’élève à cinq morts et sept disparus. Au niveau agricole, de nombreux exploitants ont été très durement touchés avec des pertes de matériel, de production, de stocks, de cheptel jusqu’à hauteur de 100 %. Au moins un éleveur a perdu la vie, emporté avec son troupeau de brebis dans une coulée de boue.

D’autres, comme cet agriculteur qui prévoyait de prendre sa retraite dans quelques mois, sont sains et saufs mais ont tout perdu. « Toute une vie de travail emportée par une nuit de tempête. Autour de son exploitation, une partie des bâtiments et presque la totalité du terrain a disparu. Il ne peut pas reconstruire, car il n’y a plus rien, juste le lit du vallon de la rivière et des cailloux », soupire Joseph Rey.

Tempête Alex
Aux côtés des sinistrés
Deux mois après le passage de la tempête Alex, qui a ravagé plusieurs des plus belles vallées de l’arrière-pays niçois, la cellule de crise de la MSA Provence Azur mise en place en 48 heures est toujours à pied d’oeuvre pour recevoir les signalements et fournir des solutions aux personnes sinistrées. Elle tente d’apporter aide financière et réconfort à ceux qui le 2 octobre dernier ont vécu l’enfer et essaient doucement de se reconstruire. Les élus cantonaux de la MSA ont une nouvelle fois été mis à contribution.

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Bovins, chevaux, ânes, c’est un bestiaire hétéroclite qui a franchi la frontière italienne par les chemins de montagne jusqu’aux camions chargés de les rapatrier dans la vallée.

« Quand c’est arrivé, la plupart des troupeaux étaient encore en estive. Certains éleveurs comme moi ont été héliportés pour atteindre leurs bêtes. Tous les accès étaient coupés, nous ne pouvions pas les redescendre vers la vallée par les chemins habituels. On a été obligé de les ressortir par le Piémont », explique Julia Bonnet, éleveuse à Breil-sur-Roya et conseillère municipale en charge du développement agricole dans cette commune de 2 200 habitants. Bovins, chevaux, ânes, c’est un bestiaire hétéroclite qui a franchi la frontière italienne par les chemins de montagne jusqu’aux camions chargés de les rapatrier dans la vallée. Transcendant les nationalités et les langues, tous touchés par la même tempête, Français et Italiens ont fait la transhumance en commun. « Ce week-end-là, je me trouvais en bas sur mon exploitation, mon compagnon était en altitude avec les vaches, poursuit l’éleveuse. Pendant trois jours, on n’a pas eu de nouvelles jusqu’au lundi soir où on a fini par retrouver un peu de réseau. Malheureusement, beaucoup d’animaux ont été emportés par les coulées ou sont simplement morts de froid car la tempête a été suivie d’une soudaine et intense baisse des températures. Même deux mois après, il y a des jours où l’on craque. On a un métier sujet à beaucoup d’aléas. Ce n’est pas une vie facile déjà à la base mais le plus dur pour nous en ce moment, c’est l’absence de perspectives d’avenir, en particulier pour ceux qui ont tout perdu. »

Dans ces vallées où la pudeur et la fierté sont des valeurs cardinales, il n’est pas aisé de déceler la souffrance de ces professionnels de l’agriculture de montagne qui travaillent souvent en solitaire. « Quelqu’un qui n’a plus de bâtiment, dont la moitié du cheptel disparu, est capable de vous dire : « ça va ». Pour eux, un accompagnement à long terme avec des professionnels va être nécessaire », estime Julia Bonnet, qui tient à tirer un coup de chapeau aux bénévoles venus au secours de la Roya comme de tout l’arrière-pays niçois meurtri. « C’est grâce à eux qu’on a pu nourrir nos bêtes et qu’on peut aujourd’hui commencer à sortir la tête de l’eau. »

Pour signaler une situation difficile

Les demandes sont centralisées et traitées par le service action sanitaire et sociale de la MSA Provence Azur
Tél. : 04 94 60 39 32 ou courriel à intemperies.blf@provence-azur.msa.fr.