En 2003, Charlie Point, lavandiculteur, céréalier et éleveur ovin dans les Alpes-de-Haute-Provence, est victime d’un accident du travail tragique. Bourrage de l’oscilleuse. L’agriculteur intervient au niveau des rouleaux d’entraînement sans arrêter la machine.
« J’avais l’habitude de le faire, alors je ne faisais pas trop attention. »
En s’approchant du mécanisme, il se fait happer et déchiqueter le bras droit.
Après une phase de rémission, il prend la décision de continuer son exploitation seul, malgré son handicap. Il doit cependant se séparer de son élevage de brebis car le soin des animaux est devenu impossible. Il vend son cheptel et externalise la récolte des fourrages et de l’aromate.
Le statut de travailleur handicapé, qu’il obtient en 2006, lui ouvre des perspectives. Il entre en contact avec un médecin du travail, le service de prévention de la MSA et l’Agefiph qui fait réaliser une étude d’ergonomie sur son exploitation. « L’objectif était d’identifier les situations invalidantes qu’il vivait au quotidien dans son activité professionnelle, afin d’envisager des aménagements de poste », explique Nicolas Prat, conseiller en prévention des risques professionnels à la MSA Alpes Vaucluse.
S’adapter au handicap
L’absence d’un bras pose de nombreux problèmes de préhension, d’accessibilité et de manutention. S’ajoutent des contraintes posturales de compensation lorsque l’agriculteur effectue des tâches comme la conduite ou l’utilisation d’outils. Plusieurs aménagements ont donc été réalisés pour lui permettre de continuer le travail sur son exploitation.
D’abord, sur les commandes de son tracteur, situées à droite, qui le forcent à se tourner dans sa cabine pour les atteindre : « J’arrivais à me débrouiller mais ce n’était vraiment pas pratique et j’avais mal au dos à force de me contorsionner. Il me fallait une solution qui me permette d’avoir tout à portée de main gauche », raconte l’agriculteur.
La question se pose alors de transposer les commandes à gauche sur son tracteur d’origine ou d’acquérir un nouveau véhicule déjà aménagé. Il opte pour la deuxième solution, qui s’avère moins onéreuse. « Pour l’épareuse, [bras faucheur], nous avons fait installer des commandes manuelles à gauche par joystick pour remplacer celles d’origine, situées au niveau de la roue arrière droite, explique Nicolas Prat. De même, une pédale d’orientation a été ajoutée sur le sol de la cabine et reliée au volant. »
Autre situation problématique : le chargement des big bags. Ces sacs de 350 à 400 kilos contiennent les semences et l’engrais qui sont ensuite vidés dans le semoir. « C’est très compliqué, avec un seul bras, à accrocher sur les fourches avant du tracteur. Nous avons fait installer un système d’accrochage, un timon articulé, sur l’avant du tracteur pour saisir et maintenir le big bag sans risque de décrochage. »
Investir pour l’avenir
Pour financer ces aménagements, Charlie Point a bénéficié d’aides de l’Agefiph et de la MSA, qu’il a complétées avec ses fonds propres. « Ce n’est pas évident, ça fait beaucoup d’investissements car ce genre de matériel coûte très cher… Mais il fallait que je continue à travailler. Je n’avais pas le choix. »
L’exploitant déclare à la même période une allergie au cobalt et au chrome, des éléments chimiques présents dans les pesticides. Il passe alors en exploitation 100 % biologique en réponse à ce deuxième handicap. Il concède avoir beaucoup réduit sa production de fourrage et de lavande depuis son accident et la découverte de son allergie. « Mais mes produits sont de qualité et meilleurs pour la santé, donc je peux les vendre plus chers. »
Aujourd’hui, l’exploitant ne regrette en rien d’avoir choisi de poursuivre son travail à la ferme. « De toute façon, après un accident, il faut continuer à s’occuper, sinon après c’est la tête qui ne va pas bien. Alors, autant faire quelque chose que l’on aime. »