Événement d’envergure pour l’enseignement agricole, le Trophée prévention jeunes (TPJ) associe conseillers en prévention, élèves et professeurs des établissements d’Occitanie, pour réfléchir ensemble à la prévention des risques professionnels. Ce concours récompense le travail d’une année. Pour cette édition, 27 équipes d’élèves venant d’établissements scolaires agricoles, ont conçu un projet visant à améliorer la santé et la sécurité au travail.

Déprime de l’éleveur, nettoyage d’une fosse à lisier en toute sécurité, prévention du mal-être au travail dans le secteur de la petite enfance ou des dangers du soleil pour les éleveurs d’huîtres, les thèmes dont se sont emparés les étudiants calquent les préoccupations de leurs futurs quotidiens professionnels.

La trouvaille de Luca et Dylan

Luca et Dylan défendent « leur bébé » avec méthode et détermination devant les membres du jury, composé de professionnels de la santé-sécurité au travail et d’élus MSA. – Photos : © Alexandre Roger/le Bimsa

« Notre tablier est plus qu’un vêtement, c’est un véritable outil de travail. » Luca et Dylan, de l’équipe du centre de formation d’apprentis agricoles en maréchalerie de Marvejols, en Lozère, portent leur invention au-dessus de leurs jeans à la manière des professionnels qu’ils sont appelés à devenir. Leur création : un tablier de maréchal-ferrant repensé pour offrir plus de sécurité. Sur la scène de l’auditorium du Pont du Gard, les gagnants du 24e TPJ, organisé par les MSA Languedoc et Grand Sud, captent dès le départ l’attention du public et ne la lâcheront pas jusqu’à la fin de leur exposé.

Ils commencent par marquer les esprits par le récit d’un accident qui fait froid dans le dos. L’histoire vraie d’un professionnel en train de ferrer, traîné sur deux mètres par un cheval dont le sabot s’est coincé dans son tablier. Résultat : un genou broyé et la frayeur de sa vie pour le malchanceux maréchal-ferrant. Mais ça c’était avant… . Avec leur tablier, un tel accident devient presque impossible. « Les points d’accroches, principale faiblesse des équipements actuellement sur le marché, sont considérablement réduits. » Luca et Dylan défendent « leur bébé » avec méthode et détermination, pas désarmés un seul instant par les interrogations des membres du jury, composé de professionnels de la santé-sécurité au travail et d’élus MSA qui les bombardent de questions. Au contraire, ils impressionnent par leurs voix posées, leur aisance sur scène et la confiance qu’ils portent à leur produit. « Comment est né le projet ? », interroge un membre du jury.

Du culot à revendre

« Nous avons réfléchi à ce qui, à nos yeux, était les points faibles de ces tabliers indispensables dans le métier de maréchal-ferrant. On en a trouvé quelques-unes… » Luca et Dylan ont juste ce qu’il faut de culot pour plaire aux professionnels chargés de départager les meilleurs projets. Leur fougue, leur humour et leurs réparties embarquent également le public qui a investi en nombre la salle du grand auditorium du Pont du Gard. Comme de jeunes startupers, décontractés mais sûrs d’eux, ils expliquent avec quelle ingéniosité ils ont créé leur prototype, en utilisant du silicone — le même que pour les fenêtres — pour les coutures. 

« On a contacté trois fournisseurs qui nous ont montré des marques d’intérêt et des conseils sur les points d’amélioration possibles », précise Luca. Avec un prix annoncé de 98,65 euros TTC, en plus d’être inventifs, les deux apprentis ont le sens du commerce et savent vendre leur produit. Le chèque de 1 500 euros, somme remise à l’établissement de l’équipe victorieuse, avec lequel ils sont repartis ce jour-là, devrait leur permettre d’envisager une commercialisation. Pour le reste, ils n’en diront pas plus. Secret industriel.

Sauver des vies

Les élèves de bac pro production aquacole au lycée de la Canourgue, en Lozère, veulent réduire le nombre de chutes autour des bassins d’aquaculture.

« Chez nous, on a au moins un stagiaire qui tombe par semaine. » Jordan, Bastien, Guillaume, Alexis, Mathias, Lois, Maxime et Grégory, en seconde bac pro production aquacole au lycée d’enseignement général et technologique agricole de la Canourgue, en Lozère, savent de quoi ils parlent. Souvenirs de bleus aux fesses ou d’accidents plus graves en témoignent. Âgés de 15 à 17 ans, les élèves ont une belle ambition en présentant leur projet : faire baisser le nombre de chutes autour des bassins d’aquaculture. Le moyen : une margelle escamotable en bois imputrescible que les professionnels peuvent installer pour élargir le passage lors de la nutrition des poissons.

Résultat : des bordures qui, en passant de 25 à 45 centimètres, deviennent beaucoup plus sûres pour ceux qui les empruntent au quotidien, qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige. « Nous avons interrogé les professionnels de l’aquaculture qui ont énoncé un certain nombre de préconisations : pour être commercialisable, notre margelle ne doit pas gêner la vue des bordures, ni la fixation des grilles de séparation et surtout ne pas être trop chère. » Ils ont été entendus, puisque les jeunes Lozériens proposent une solution à 33 euros le mètre linéaire. Leur intervention très pro a également été très remarquée par le jury. « Dans la pisciculture, 60 % des accidents sont des chutes autour des bassins », prévient l’un des futurs pisciculteurs. Parions que leur invention fera baisser ce chiffre drastiquement. Arrivée deuxième du concours, leur margelle améliorée a été récompensée par la jolie somme de 1 000 euros.

Les bac pro forêt et aménagements paysagers de Javols présentent un ingénieux un protège-cou.

Sami, Jérémy, Frédéric, Robin, Théo, Noé, Rémi, Victor et Mathis, en première bac pro forêt et aménagements paysagers à Javols, ont également du concret à présenter au jury : un protège-cou. Un genre de super cache-nez ultra-résistant qui monte jusqu’aux oreilles et qui peut sauver des vies. « On s’est aperçu dans notre métier que le cou reste le seul endroit du corps non protégé. Et qu’en cas de rebond de la tronçonneuse, il est directement visé. Le rebond qui est l’ennemi de l’élagueur peut se définir comme un retour violent de la tronçonneuse vers le visage ou le cou. » Ce protège-cou a tout pour être homologué puisqu’il est aux normes des pantalons anti-coupure. 

« Cet objet est conçu pour les élagueurs, les bûcherons et les paysagistes qui utilisent la tronçonneuse », indique l’un des jeunes en enfilant le protège-cou. « Pourquoi ne pas intégrer ce protège-cou à un blouson de sécurité ? », interroge un membre du jury. Réponse du tac au tac de l’un des jeunes Javolais : « Dans la pratique, la plupart du temps, surtout dans nos régions chaudes, on tronçonne en t-shirt avec pour seul équipement de sécurité une paire de gants. » À partir de maintenant, ce sera gants et cache-cou. Arrivée troisième du concours, leur invention a rapporté 800 euros.

20 000 fauteuils roulants jetés chaque année

Grâce aux CAP services aux personnes et vente en espace rural du lycée privé agricole de Gignac, des fauteuils qui devaient partir pour la décharge roulent à nouveau.

« Notre but est de récupérer une partie des 20 000 fauteuils roulants en état de marche qui partent à la décharge chaque année. On les récupère, on les répare et on les remet en service. » Grâce à Chloé, Marie-Anne, Cléo, Nabila, Loubna, Safae, Latifa, Jérôme, Alicia, Maé et Maëva, du CAP services aux personnes et vente en espace rural au lycée privé agricole de Gignac, des fauteuils qui devaient partir pour la décharge roulent à nouveau. « On a déjà récupéré une vingtaine de fauteuils et ce n’est qu’un début », prévient Jérôme, qui a lui-même un proche qui se déplace en fauteuil. « Notre priorité, ce sont les mal-marchants, des gens qui sont moins bien pris en charge par la collectivité. » 

Soutenus par l’association Grandir et Vieillir ensemble, les jeunes ont déjà mis des fauteuils roulants à disposition des mal-marchants dans des supermarchés de la région afin de « permettre à des personnes qui n’osaient plus faire leurs courses de ressortir de chez elles et de les utiliser si elles en ressentent le besoin ». Leur slogan, « Si tu marches mal, on roule ensemble », est un beau message de solidarité qui touche au cœur le jury qui a récompensé de 200 euros ce projet solidairement, socialement et écologiquement responsable, arrivé en quatrième place du concours.

« Le soleil, l’huître et la mer » : le projet des élèves du LEPAP Maurice-Clavel de Frontignan vise à prévenir les professionnels de la mer des dangers du soleil dans leur pratique professionnelle.

Le palmarès

1er prix : 1 500 euros
CFAA Lozère, Marvejols (48) – Création d’un chaps (tablier) de maréchalerie à la sécurité et au confort renforcés

2e prix : 1 000 euro
LEGTPA Louis-Pasteur, La Canourgue (48) – Création d’une margelle améliorée pour les bassins de pisciculture

 3e prix : 800 euros
MFR Javols (48) – Création d’un cachecou anti-coupures pour élagueurs et paysagistes

4e prix : 200 euros
LAP Gignac (34) – Prévention en fauteuil roulant : risques et bons gestes à adopter