L’intitulé de cette journée organisée au lycée AgriCampus Laval, anciennement lycée agricole de Laval, qui a mis à disposition lieux et équipements, trouve tout son sens lorsque l’on sait que la filière équine (centres équestres, activités sportives, élevages) arrive à la deuxième place des secteurs d’activité accidentogènes, en termes de taux de fréquence (1 669 accidents de travail avec et sans arrêt de travail en France pour l’année 2018). 

Elle a d’autant plus de sens qu’elle s’adresse à des élèves de la seconde à la terminale en bac pro conduite et gestion de l’entreprise hippique, qui seront les futurs professionnels du secteur. Mieux vaut donc les sensibiliser au plus tôt aux bonnes pratiques et aux risques des métiers qu’ils exerceront. En parcourant les différents stands sur la santé-sécurité au travail (SST) disséminés à travers le campus que la MSA Mayenne Orne Sarthe a mis en place, on peut se rendre compte qu’en effet, le danger est partout. Et si la peur n’évite pas celui-ci, les bons gestes peuvent au moins réduire le nombre de blessures voire d’accidents.

Dans ce secteur, l’apprentissage se fait souvent « à l’ancienne », comme le soulignent certains élèves. Porter des seaux pleins, nettoyer les box, les écuries sont des tâches physiques et répétitives qui mettent à mal le corps et ce dès le début de carrière. C’est ce qui ressort clairement de l’atelier Chasse aux risques. Placés devant un dessin représentant leur lieu d’apprentissage et les tâches qu’ils ont l’habitude d’accomplir quotidiennement, les élèves ne semblent pas toujours se rendre compte des risques qu’ils prennent à court, moyen et long terme. Quand le formateur du service SST de la MSA leur demande par exemple d’indiquer ce qui cloche dans la posture du palefrenier représenté en train de porter des récipients remplis, la réponse ne fuse pas. « Il faut bien les porter ! » est la seule réaction dans l’assistance. Quand il demande : « ici, qui a mal au dos ? », plus de la moitié des mains se lèvent.

Ils ont à peine 18 ans. Lorsque l’animateur, en guise de recommandation, leur soumet l’hypothèse de demander des brouettes au patron, voire des brouettes électriques, pour accomplir cette tâche, l’assemblée s’esclaffe…
Il semble en effet admis que l’apprentissage se fait à la dure. Paradoxalement, un des encadrants, en aparté, explique qu’il y a un vrai décalage entre l’idée que se font les jeunes du métier et sa réalité. « Beaucoup ne voient que le côté prestigieux de ce monde. Devenir palefrenier est loin de leur vision de la chose. C’est pourtant vers ce type de métier que la plupart s’orienteront. Bien peu parviendront à gagner leur vie comme cavalier ou jockey. Il faut dire aussi que c’est une formation exigeante, physique. Tous ne s’en rendent pas compte quand ils s’y engagent. Les déceptions peuvent être grandes. » Cela explique un fort taux d’abandon et les réorientations, une fois arrivés au bac, notamment chez les filles.

Mais revenons à la prévention. Lorsqu’il s’agit de monter à cheval, casque et gilet sont bien évidemment obligatoires et doivent être fournis par l’employeur. S’il arrive, selon les élèves, que ce ne soit pas toujours le cas ou que les équipements ne soient pas adaptés, la suite de la discussion met également en lumière un souci d’esthétisme juvénile qui remet en cause la sécurité. « Il vaut mieux se casser la gueule avec classe ! », lance l’un d’eux. Le formateur lui rétorque que si, en effet, les gilets fins offrent davantage de confort qu’un gilet épais, cela se fait au détriment de la protection. Il rappelle également à ceux, nombreux, qui disposent de leur propre équipement, qu’il est impératif de le remplacer après une chute ou au bout d’un certain nombre d’années à cause de l’usure. Mais en raison du coût assez élevé de ce matériel, cette mesure de sécurité indispensable n’est pas toujours appliquée.

Sensibilisation au risque de chutes

« On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans », écrivait Rimbaud. C’est ce que prouve également l’atelier suivant, consacré aux effets de l’alcool et des drogues douces. L’animatrice met en lumière un nombre croissant d’accidents liés à leur consommation. Lunettes reproduisant les perceptions visuelles après leur consommation, sur le nez, l’ensemble des élèves feignent pourtant la découverte de ces sensations. S’ils en prennent, c’est toujours avec modération bien sûr ! 

Il suffit pourtant de se diriger vers le manège où trône l’équichute pour se rendre compte des dangers auxquels s’exposent les cavaliers. Le groupe participant à cet atelier n’aura pas eu l’occasion de découvrir les autres activités. Car pour monter et tomber du simulateur inventé par Bertrand Triguer (dresseur et cascadeur), une journée entière de formation est nécessaire, nous explique son fils, Nicolas, qui a repris le flambeau des démonstrations. Mise en jambe, étirements et roulades pour acquérir le bon geste de la chute sont le préambule incontournable pour chevaucher la monture qui simule un panache. Ici, les élèves apprennent à bien chuter et c’est impressionnant. 

Aussi impressionnant que les accidents et les blessures dont il est question dans la salle de classe transformée pour l’occasion en atelier premiers secours. Cheval retombant sur son cavalier, fracture ouverte, fracture du bassin, coma… si le sujet est sérieux, les élèves ne manquent ni de connaissances ni d’humour. La formatrice : « Qu’est-ce que l’on met sur une fracture ? » Un élève : « Des petits pois ! Enfin, congelés, hein ! » Formés durant deux jours aux gestes de premiers secours lors de leur année de première, les élèves connaissent les bases. Le 15 (Samu) et le 18 (pompiers) sont les premiers numéros qu’ils composeront en cas d’accident. Pour le 114, c’est plus compliqué. La formatrice le rappelle : « C’est le numéro pour les sourds et les malentendants. Vous savez comment ça se passe ? » Réponse du même élève : « Il faut mimer ? »

Si l’expression « être en PLS » ressort souvent de leur bouche, sa véritable signification (position latérale de sécurité) n’est pas toujours connue ; mais ce qu’elle implique, éviter que la personne ne s’étouffe en vomissant, oui. C’est rassurant !

Dans les box, où se déroule l’atelier Préparation physique et mentale des cavaliers en sécurité, l’humour est bien moins perceptible. « Ce n’est pas un objet comme une moto, vous êtes face à un être vivant qui a ses réactions et qui est bien plus puissant que vous. Vous ne pouvez pas procéder comme bon vous semble. Vous devez prendre en compte les réactions du cheval. Il a des craintes, des peurs et parfois ses humeurs. Que ce soit pour le soigner, le brosser ou le faire sortir du box, il y a des gestes et des comportements précis que vous devez assimiler, adopter et impérativement mettre en œuvre », explique Alexandre Deval, animalier, en joignant toujours le geste à la parole. Face à l’animal de près de mille kilos et ce qu’il inspire, le message n’a pas besoin d’être répété deux fois. 

Au cours de cette journée, chaque groupe a participé aux différents ateliers, comprenant également les démonstrations avec un simulateur équestre d’Éric Bonnot et la visite d’une écurie active avec Claire Dufeu.  

Et si le soleil et l’ambiance incitaient à la détente, le message de prévention est bien passé et semble avoir marqué les esprits de ces élèves qui n’en sont qu’au début de leur carrière dans ce secteur. Reste désormais à faire de même avec les professionnels, les patrons, les éleveurs : « On a parfois du mal à les impliquer dans ce genre de démarche, explique l’un des formateurs. L’objectif pour les prochaines journées de prévention est de parvenir à les faire venir eux aussi pour les sensibiliser. Le véritable changement ne peut passer que par eux. Mais dans ce milieu, les habitudes et les comportements sont bien ancrés. Pour beaucoup, l’apprentissage se fait à la dure… Heureusement, les mentalités tendent à changer. »

Photos : © Frédéric Fromentin/Le Bimsa