Atelier 5, mes 5 sens en éveil, du Pac résidents
« On va commencer par un tour de table sur ce que vous avez retenu de l’actualité ? », demande Sandrine Beurguet, animatrice au sein de MSA Services Sèvres-Vienne (Interview à lire ci-dessous), le 28 mai dernier, en ouverture de l’atelier 5, Mes 5 sens en éveil, du Pac résidents nouvelle version, heureuse de retrouver son groupe de 11 retraités de la résidence Géraud-de-Pierredon, qui se trouve dans le village de Gençay, tout près de Poitiers.
Arrivée vers 9 h 30, comme chaque mardi depuis 5 semaines déjà, elle a préparé la salle, disposé les chaises, mis en place l’écran, le projecteur et sorti un sac d’accessoires. À l’arrivée des premiers participants, tout est fin prêt pour les accueillir. « Il y a eu un attentat. Il y a eu le vote pour les élections européennes », font certains. D’autres précisent : « Ils l’ont ramassé. »
C’est l’un des effets voulus par le Pac. Les ateliers, répartis sur dix semaines consécutives, sont en effet attendus. Marina Bigot, animatrice à l’Asept PC, le confirme : « Les participants s’attendent à être sollicités. Ils savent qu’on va leur poser la question. »
Consultation de l’humeur du jour
Puis, la météo est évoquée. Sandrine questionne : « Quel temps fait-il dehors? » Ce matin-là, le temps est maussade, avec un ciel très nuageux. « Il fait frais », répondent-ils en chœur. Certains le déplorent. «Vous savez combien il fait ? » Marie-Line tente : « 17 °C ». L’animatrice corrige : « Un peu moins. Aux alentours de 14 °C ». Puis c’est la météo intérieure. « Quelqu’un est-il en colère ? », demande-t-elle. La réponse fuse : « Pas pour le moment. » Rire de Sandrine : « Pas en colère pour le moment : j’ai de la chance. » Rire du groupe. « Quelqu’un est-il triste ? » Une voix hésitante se fait entendre. Louis murmure : « Oui, je suis assez triste. » Sandrine demande : « Louis, vous êtes triste ? » Mais ce dernier se hâte de nuancer : « C’est le temps qui est triste. Ça correspond au temps. » Ses camarades opinent de la tête. En ce mois de mai, le temps prend des allures d’automne.
« Qui se sent morose ? », demande alors Sandrine. Pas de réponse. Nouvelle question. « Qui se sent plein de soleil ? À l’intérieur de vous y a-t-il du soleil ? » Antoinette prend de vitesse tout le monde : « Non, il n’y a pas de soleil. » Sandrine reprend : « Non. Vous ! À l’intérieur de vous y a-t-il du soleil ? » Antoinette comprend et, dans un sourire, lâche : « oui ».
Les exercices stimulent plusieurs mémoires
Après ce premier contact, Sandrine annonce le programme de la matinée. « On fait aujourd’hui 5 exercices différents. On est sur les 5 sens. Il y a un exercice pour chaque sens. » Le premier mobilise la vue à travers une galerie de personnages historiques. Il faut retrouver le nom de 10 personnages célèbres. Trois indices sont donnés à chaque fois. Ceux qui trouvent ont pour instruction de ne rien divulguer tant que les indices ne sont pas tous affichés. Il faut laisser aux camarades le plaisir de la découverte. Premier indice, un toit posé au-dessus d’une famille. Sandrine aide au décryptage : « Ça vous évoque quoi ? » Antoinette : « On voit un couple, un chien, des enfants, un grand-père, une grand-mère… » L’animatrice synthétise : « On voit une famille. Que voit-on d’autre ? » Colette répond : « Il y a la dame et l’homme qui sont des piliers de la maison. » Question de Sandrine : « Et que soutiennent-ils ? » Josette intervient : « Ils soutiennent un toit qui abrite la famille. » Sandrine résume : « On voit donc un toit… » et révèle le deuxième indice. Très vite, une proposition : « Emmaüs ». L’animatrice ne s’en contente pas : « Ça vous dit quelque chose Emmaüs ? » Marie-Josèphe : « Oui, ils ramassent tout. » Marie-Line : « Ils vendent des habits. » Quelqu’un glisse : « C’est fondé par l’abbé Pierre. » Sandrine poursuit et livre le dernier indice : « On a un toit, avec une famille, on a Emmaüs et on a la silhouette d’un personnage qu’on recherche. Qui ça peut être ? » Réponse : « L’abbé Pierre ». « Quelqu’un sait quel est son vrai nom ? », interroge Sandrine. « Je l’ai, mais je ne m’en rappelle pas », se désole Colette. Et l’animatrice donne la réponse : « Le vrai nom du personnage est Henri Grouès. Il s’agit du fondateur d’Emmaüs. »
Apprendre à associer les indices pour aider les seniors à retrouver un souvenir ou un mot
Autre célébrité à trouver : image d’un boxeur. « Un boxeur », lancent sans hésiter certains. « Un boxeur ? », fait l’animatrice, sceptique. « Un lutteur », corrige Marcel, qui intervient pour la première fois. Il a l’air de se prendre au jeu. Deuxième indice : le logo Perce-Neige. « Ça vous dit quelque chose ? », interpelle Sandrine. Antoinette : « C’est une association qui a été fondée par un acteur… » Elle ne termine pas sa phrase. Sandrine l’encourage : « Très bien Antoinette ». Elle propose le 3e indice : « Qu’est-ce que vous voyez ? » Réponse collégiale : un projecteur de cinéma. Sandrine Beurguet : « Antoinette était en train de dire que Perce-Neige est une association qui a été fondée… qui a été fondée par qui ? » Antoinette tente : « par un artiste ». Sandrine reprend : « un acteur de cinéma ». Antoinette poursuit : « Mais je ne me rappelle plus son nom parce qu’il a sa fille… » Nouveau blanc. Le souvenir ne veut pas refaire surface malgré ses efforts. Sandrine l’aide : « Il a fondé cette association effectivement parce que sa fille est handicapée. » Elle parle presque en même temps qu’Antoinette qui semble se souvenir : « Oui, sa fille est handicapée. » Sandrine la relance : « C’est un acteur qui est mort… » Antoinette se souvient : « Il y a déjà un moment qu’il est décédé. » Marie-Line demande : « C’est le beau-frère à Mitterrand ? » Réponse de Sandrine : « Ce n’est pas le beau-frère de Mitterrand. Ce n’est pas Roger Hanin. » Antoinette approuve : « non non ». Elle semble connaître le nom de l’acteur. Pour débloquer la situation, Sandrine Beurguet donne les initiales de son prénom et nom : LV. Mais toujours rien. « Le prénom comprend 4 lettres. C’est un prénom à consonance italienne », insiste-t-elle. Voyant que personne n’y arrive, elle change de méthode. « Je vais vous le faire trouver autrement. Ce n’est pas grave. Par terre, qu’y a-t-il comme revêtement ? » Tous s’écrient : « Lino Ventura ! », libérés. « Eh bien, voilà comment on y arrive », s’écrie Sandrine Beurguet. « Ça vient de loin », observe l’une des participantes. « Lino Ventura », répète Antoinette, comme se parlant à elle-même. À la fin de la séquence, Sandrine fait le point : « Bravo ! Vous avez retrouvé tous les personnages qui étaient liés à la vue. » Et face aux moues de certains, elle explique : « Vous avez quand même fait des rapprochements. Ce qui est important, c’est de pouvoir justement associer les indices. Les indices associés les uns aux autres… vous avez vu qu’au bout d’un moment, c’est ça qui fait revenir le nom de la personne. » Et opérer ce type de déclic fait partie des stratégies mises en œuvre par le Pac.
Le bien vieillir dans les lois
La loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement (ASV) entend anticiper les conséquences du vieillissement de la population sur la vie sociale et les politiques publiques. Les résidences autonomie figurent parmi les acteurs essentiels de la prévention de la perte d’autonomie.
La loi ASV a instauré le forfait autonomie qui aide les résidences autonomie et résidences services sur le plan financier à déployer les actions de prévention auprès des résidents, autour de nombreuses thématiques, ayant pour objectif de renforcer le lien social et le bien vieillir.
Le 28 juin 2017 signature d’une convention entre CNSA, la Cnav et la MSA pour développer la prévention de la perte d’autonomie.
Mars 2019 remise du rapport Dominique Libault après une vaste concertation nationale commencée en octobre 2018. La mission a été confiée par la ministre de la Santé et de la Solidarité, Agnès Buzyn qui prépare un projet Grand âge annoncée pour octobre 2019.
Importance de l’adhésion pour réussir l’animation
Maintenant à l’ouïe. Consigne : « Je vous affiche une photo de quelque chose, vous allez me dire comment on appelle le bruit. » Une photo montre un tambour. Proposition : « Boum boum ». Sandrine encourage : « Essayer de vous remémorer dans vos têtes quand on entend le tambour. » Nouvelle tentative : « battement de tambour… » Sandrine reprend : « Battement de tambour ? Pourquoi pas ? Pourtant, il y a un autre mot : le garde-champêtre quand il arrivait dans un grand mmm… de tambour… » Réponse unanime : « roulement de tambour ». Pour cet exercice, Sandrine a fait le choix de ne pas aborder le bruit par le son : « Car j’ai pas mal de personnes qui ont des soucis d’audition. On peut donc présenter l’animation de deux façons, soit par des sons, soit par du vocabulaire. L’idée, c’est de pouvoir les faire travailler d’une façon ou d’une autre. » Cette logique d’adaptation, elle l’illustre à l’instant précis où tout le monde cale sur le nom du bruit de la sonnette d’entrée. Elle improvise alors le jeu du pendu, un petit retour à l’enfance. L’astuce maintient la dynamique et le rythme de l’atelier en conservant l’adhésion des personnes et en évitant les éventuels décrochages dus à un sentiment d’échec ou à la déception de ne pas trouver.
Renouer avec le plaisir d’apprendre
Les participants continuent d’être sollicités, la révision du bruit de la sonnette se fait d’une manière ludique, et chacun a la joie de ne pas être pendu, trouvant très vite après deux propositions seulement. « Un carillon », a crié l’une des participantes à la vitesse d’une fulgurance. L’exercice suivant combine l’odorat et le toucher. Après avoir distribué une fiche, Sandrine explique : « Je vais vous donner de petits sacs. Sur chaque petit sac, vous avez un numéro. Vous allez prendre à chaque fois les sacs et toucher à l’extérieur pour deviner quel l’objet se cache dedans. Puis vous écrivez sous le n° 1 ce qui vous semble être caché. » Même procédé pour les 5 flacons d’huile essentielle à sentir. L’animatrice est consciente de la difficulté. Elle la résout en encourageant les participants à jouer les détectives. Si l’odeur n’est pas détectable, il faut essayer de la décrire : à quoi fait-elle penser ? Est-elle fruitée ? Pareil pour les objets dissimulés dans le sac : si la solution n’est pas trouvée, il faut en décrire la forme et la matière : est-ce ovale, carré ? Est-ce en plastique ? Ces critères permettent de classer et de ranger les objets ou les odeurs détectées dans des catégories, une façon de s’exercer à analyser les objets de la perception pour en faire des éléments de connaissance.
Revigorer l’appétit de vivre
Mais les sacs à malice comme les flacons d’huile essentielle donnent bien du fil à retordre au groupe. Seule Renée sort ragaillardie du jeu. À la surprise générale, elle a deviné l’objet contenu dans le sac numéro 1 : un centimètre couturière. Personne d’autre ne l’a détecté. L’expérience de la couture a parlé : comment ne pas reconnaître les yeux fermés cet accessoire quand on a tant de fois cousu ? Pour le parfum, même une fois découverte la solution, les odeurs sont restées difficilement identifiables. Sandrine Beurguet le rappelle : « On voit qu’on a une mémoire du toucher puisque des fois simplement à la forme, on arrive à déterminer de quel objet il s’agit sans même le voir. C’est plus difficile du coup la mémoire des odeurs. » Mais cela n’a pas entamé la joie de Renée, guère affectée de ne pas avoir trouvé l’odeur du melon par exemple. Et encore moins son appétit. À la fin de l’exercice, comme pour défier l’animatrice, elle glisse : « Ça ne nous empêchera pas de manger. »
Les dates-clés de la refonte du PAC résidents
– Début des années 1990 : Conception du programme d’activités cognitives (Pac) résidents par la CCMSA et la Fondation nationale de gérontologie (FNG). Des ateliers de stimulation des fonctions cognitives sont mis en place.
– 2008 : Première refonte du Pac avec la FNG.
– 2011-2012 : Mise en place de 39 groupes sur tout le territoire avec 217 participants. Le déploiement s’est fait dans les Ehpad. Constat : le dispositif n’est adapté ni aux personnes, de plus en plus âgées, ni au fonctionnement des établissements.
– Fin 2013 : La FNG cesse ses activités mais le programme Pac résidents continue.
– 2015 : Lancement de l’actualisation. L’Asept Poitou-Charentes avec MSA Services est aux manettes de la refonte, aidée d’experts régionaux. Objectif : prendre en compte le profil des résidents, créer deux animations, l’une donnée par le personnel des établissements ; l’autre faite dans le cadre d’une prestation d’animation, créer un outil au service du projet d’établissement et des résidents ; et intégrer un principe d’évaluation.
– Janvier 2016 : Première actualisation du Pac résidents. Elle est expérimentée pendant six mois auprès de 35 résidents de quatre Ehpad, couverts par l’Asept Poitou-Charentes.
– Juillet 2016 : Présentation à la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) qui prend en charge le pilotage du déploiement de la nouvelle version et demande des ajustements et des modifications. En même temps, le programme sous cette version est proposé aux établissements en Poitou-Charentes.
– 2017 : Premières expérimentations.
– 2018 : Lancement du Pac résidents.
3 questions à…
…Sandrine Beurguet, animatrice MSA Services Sèvres-Vienne, une association de la MSA Poitou
Comment êtes-vous entrée chez MSA Services ?
Au départ, je travaillais pour l’association Remue-méninges. En 1994,on a eu un partenariat avec la MSA. À cette époque, l’institution commençait à se tourner vers les seniors.
J’ai formé des conseillères sociales de territoire aux ateliers mémoire. Le partenariat a perduré. Fin 2013 à début 2014, la MSA Services m’a proposé ce poste.
Dans les années 1990, c’était nouveau de stimuler la mémoire des personnes âgées. Cela s’est imposé avec l’espérance de vie. De plus en plus de gens vivaient vieux. Et la maladie d’Alzheimer a commencé à se développer davantage. Plus les gens vieillissent, plus il y a des risques de développer des maladies. J’ai été alors formée par un neurologue, un gérontologue, un gériatre. Pendant 25 ans, j’ai fait ça, avec de l’accompagnement de fin de vie. À l’époque, il n’y avait vraiment pas de structure d’accueil pour les personnes souffrant d’Alzheimer. Je me suis battue pour qu’on puisse faire une prise en charge et qu’on soulage les familles, car c’est quelque chose qu’il faut vivre. Certains sont fugueurs. Certains développent des démences. Il y a des formes de dépression. Quand la personne voit qu’elle est en perte d’autonomie, c’est dur à vivre. Ce qui génère de l’agressivité. Au quotidien, c’est éprouvant. Et pour le patient et pour l’entourage. J’ai toujours cherché à mettre un petit peu d’humanité dans ces prises en charge parce que… pour moi cela ne se résume pas à la toilette. Quand on sollicite, on arrive à préserver. On arrive à davantage stabiliser la situation.
Avez-vous connu les versions précédentes du Pac résidents ?
J’en ai pris connaissance quand je suis arrivée à la MSA Services. Je l’ai trouvé vieillissant car cela faisait une bonne dizaine d’années qu’il existait et qu’on avait changé au niveau de l’état d’esprit. Il y avait des choses très scolaires. Et il avait moins de succès auprès des groupes. C’est ce qui a motivé aussi le fait de le réactualiser. L’objectif du Pac, c’est faire travailler sa mémoire et créer du lien. Par exemple en action de suite sur l’expérimentation, le premier établissement sur lequel je suis intervenue, un Ehpad, il en est ressorti : « C’est super on a passé un super moment, on a fait plein de choses différentes, ça nous a portés, mais ce qui est dommage, c’est qu’on se parle jamais et là on a réussi à se parler. Il faudrait que cela continue. » Derrière, l’établissement a mis en place un groupe de parole. Après les suites peuvent être multiples. Le Pac suscite d’autres ateliers et du lien. C’est le maître-mot et l’idée que les gens s’emparent de ce groupe pour continuer à faire des choses derrière.
Un neurologue vous a-t-il aidée à retravailler les séances du Pac ?
Non. C’est ma patte personnelle. J’en ai animé pendant 25 ans. On est réceptif à ce qui fonctionne chez les gens, ce qui fonctionne moins bien, ce qui passe de façon amusante ou ludique. Je tiens à ça. Je ne veux pas que ce soit trop «thérapeutique», même si derrière on sait ce qu’on fait travailler et pourquoi on le fait. Là n’est pas la question. Mais je ne veux pas que les gens le ressentent comme un test médical. L’enjeu, c’est de mettre en miroir les mécanismes de la mémoire de façon ludique et culturelle. Et le retour des personnes le montre : dans un établissement où on a fait un premier Pac résidents, les gens ont été super contents du travail. On en a fait alors un 2e. Et là, un 3e est programmé dans le même établissement.
Ce nouveau Pac leur plaît. L’un des moments forts des ateliers, c’est peut-être à chaque fois qu’on suscite des émotions quelles qu’elles soient. L’émotion, c’est toujours libérateur de quelque chose. C’est super chouette quand ça se passe.