L’année 2019 aura été difficile pour l’agriculture, marquée par des aléas climatiques, de plus en plus imprévisibles, du fait du réchauffement de la planète. Les épisodes de sécheresse au printemps et en été, les fortes pluies tout au long de l’année, le gel, la grêle… impactent les territoires en général et le monde agricole en particulier. Lorsque les variations climatiques prennent l’ampleur d’une catastrophe, la ­situation est critique pour les agriculteurs, plongés dans le plus grand désarroi par la perte de leur production et parfois de leur outil de travail. Comme si cela ne suffisait pas, le danger peut provenir du monde industriel comme l’illustre l’incendie de Lubrizol de septembre 2019. Il peut être sanitaire à l’instar de la vache folle, encore dans les mémoires, comme il peut être économique. La crise financière de 2015-2016 a mis en difficulté les secteurs du lait, de l’élevage, des céréales.

Premier effet d’une catastrophe : l’état de choc

Ces risques imprévisibles touchent toutes les filières. Isabelle Kologrecki, adjointe de la responsable du service action sanitaire et sociale de la MSA Grand Sud, décrit la situation de fragilité propre au métier d’agriculteur. « Ce qui est d’autant plus dur pour leur profession, c’est qu’ils sont soumis à ces aléas. La sérénité n’est jamais pérenne. » Mais si le risque fait partie du métier, il n’évite ni le choc ni le traumatisme. « C’est comme un accident de voiture. Ce n’est pas tous les jours que vous vous faites rentrer dedans. C’est un peu pareil », raconte Bruno Ledru, administrateur MSA Haute-Normandie du 1er collège, à la tête d’une exploitation agricole spécialisée dans la polyculture et l’élevage laitier. Il décrit avec force son sentiment après l’incendie de l’usine Lubrizol le 25 septembre, à Rouen. Après les arrêtés préfectoraux restreignant les activités agricoles, comme tous les professionnels de la région de Normandie, il a dû jeter son lait. Premier effet donc d’une catastrophe : l’état de choc.

Découvrez l’ampleur d’une catastrophe avec notre reportage L’Aude panse ses plaies sur les inondations du 15 et 16 octobre 2018. Et le témoignage d’un couple de viticulteurs vivant à Barbaira, à une dizaine de kilomètres de Carcassonne, qui a perdu 2,5 hectares de vigne.

Gestion de la crise agricole par la MSA due à une connaissance pointue des territoires

Lors de ces crises, la MSA, grâce à son maillage territorial et l’ancrage local de chacune de ses 35 caisses, ses délégués cantonaux et ses élus, marque sa présence aux côtés de ceux qui sont en situation de détresse. Elle déploie systématiquement son offre de protection sociale et d’accompagnement. Elle montre ce qu’elle a toujours su faire, un travail de proximité au plus près de ses adhérents et des territoires. La gestion de la crise agricole est identique dans le Nord comme dans le Sud, reflétant en la matière le savoir-faire et l’expertise de la MSA.

Pour commencer, elle met en place une cellule de crise, mobilisant tous les services de la caisse pour se mettre à disposition des victimes. Exemple avec la MSA Provence Azur venue au secours des ressortissants touchés par les intempéries de novembre et décembre 2019. Après les fortes pluies du 22, du 24 novembre et du 1er décembre, 82 communes du Var et 66 des Alpes-Maritimes sont reconnues en état de catastrophe naturelle. Comme le reste de la population, les agriculteurs sont touchés. Les exploitations sont sous l’eau : matériels, productions, stock et cheptels sont perdus. Sur le terrain, dès le 25 novembre, la MSA Provence Azur est à pied d’œuvre. La cellule de crise permet de recevoir le signalement des personnes sinistrées et de leur apporter des solutions immédiates ou de les orienter vers le bon interlocuteur. Elle travaille de concert avec le service recouvrement des cotisations, le service d’action sanitaire et sociale. Tout cela en ­collaboration avec les chambres d’agriculture, les OPA, la région et le conseil départemental. Lors de cette phase d’intervention s’effectue un partage de signalement des personnes en difficulté. Un appel à destination du réseau des délégués cantonaux et des administrateurs des communes concernées est lancé pour amplifier le travail de repérage des adhérents sinistrés et diffuser l’information sur les dispositifs d’urgence disponibles. Celle-ci est publiée sur le site Internet de la MSA Provence Azur. Un numéro de téléphone est dédié à la gestion de crise pour ceux qui le souhaitent.

L’action de la MSA se poursuit sur le volet social, grâce aux travailleurs sociaux qui contactent chaque personne ­signalée, lui rendant visite si elle le demande. Soutien et accompagnement sont proposés. Pour le volet économique, la MSA répond aux besoins exprimés par les professionnels sinistrés : échéancier de paiement des cotisations d’une durée adaptée, remise partielle ou totale des majorations, prise en charge des cotisations sociales possible après constitution d’un dossier, orientation vers les autres services pouvant apporter une aide. Tout est fait pour que les personnes sinistrées surmontent l’épreuve le mieux possible.

Au total, 224 adhérents ont été contactés par le service social et/ou le service recouvrement, 201 non-salariés ont été signalés. Près de 70 dossiers de prise en charge de cotisations ont été déposés sur l’enveloppe intempéries. L’enveloppe ­globale débloquée est de 100 000 euros. La détection des exploitations sinistrées est toujours active et des points réguliers continuent à être faits sur les besoins de prise en charge avec les chambres d’agriculture des deux départements concernés.

Mobilisation des élus

Même mobilisation des MSA Haute-Normandie et ­Picardie, confrontées le 25 septembre à l’incendie de ­Lubrizol. Le nuage de fumée, parti de l’usine chimique, à l’odeur irritan­te, a gelé l’activité agricole et condamné les ­productions à être détruites par mesure de précaution sanitaire. Sur arrêtés préfectoraux, les agriculteurs n’ont pas commercialisé leurs produits.

Sabine Hébert, directrice adjointe de la MSA Haute-Normandie, raconte les mesures déployées pour soutenir les adhérents de la région. « On a recensé toutes les exploitations concernées par les suites de l’incendie Lubrizol. On a les a identifiées et on leur a adressé un ­courrier pour leur dire que nous étions à leur disposition soit pour une aide du service social soit pour une demande d’échéanciers. 112 communes ont été touchées par cet incendie sur le département de la Seine-Maritime. On a envoyé à peu près 1 200 courriers. »

La MSA Haute-Normandie renforce son rôle de vigie auprès des agriculteurs en détresse. « Nous avons sollicité nos élus sur les territoires afin qu’ils puissent nous relayer les situations les plus critiques. Au-delà de la cellule de crise de la préfecture, le président et la directrice générale ont porté la parole des agriculteurs auprès des élus politiques de la Seine-Maritime », signale Sabine Hébert.

Le suivi sanitaire et social


L’intervention des travailleurs sociaux consiste à prendre la mesure du traumatisme chez les victimes après une calamité. Isabelle Kologrecki de la MSA Grand Sud, ancien travailleur social, le détaille : « On a un travail d’évaluation des conséquences sociales. Dans l’évaluation, s’il ressort qu’un atelier peut faire du bien, on le conseille aux personnes. On peut intervenir sur un plan individuel quand la personne nous sollicite. Nous sommes là pour recevoir la demande. Nous pouvons également mettre en place une action collective pour un groupe. » L’écoute permet d’identifier les besoins, les difficultés, les fragilités et d’y répondre par des opérations appropriées. La caisse Grand Sud l’a bien compris lorsqu’un trimestre de pluie tombe la nuit du 14 au 15 octobre 2018 et dévaste 204 communes du département. Les travailleurs sociaux devinent alors l’importance pour les personnes de se changer les idées et leur proposent un séjour Partir pour rebondir dans un village de l’association de vacances de la mutualité agricole. « Ce départ a permis aux victimes de penser à autre chose, de se vider un peu la tête et de s’éloigner du lieu de l’événement », affirme Isabelle Kologrecki. Le dispositif de soutien est complété ensuite par un travail de veille. Motif ? Isabelle Kologrecki l’expose : « Souvent il y a un contrecoup après. Des réactions surviennent des mois plus tard. » La disponibilité des services sanitaires et sociaux est adossée au besoin des personnes. « On est là, justifie-t-elle, tant qu’il y a besoin d’accompagnement par rapport à l’événement qu’on appelle événement de rupture. »

Le niveau de vigilance est le même à la MSA de Picardie. Éric Aernoudts, ­directeur adjoint, a coordonné l’accompagnement des 780 exploitants potentiellement touchés. Il en précise les temps forts : « La première action, était d’être présent. Notre présence administrative et politique dans les cellules de crise pilotées par les chambres d’agriculture en lien avec les directions régionales de l’alimentation et de l’agriculture et de la forêt (Draaf) marquait toute l’importance de la MSA en tant que relais. La seconde action, dans la phase de la montée en charge des impacts de l’incendie, a été d’aller vers les situations difficiles pour proposer un accompagnement. La troisième, arrivée plus tardivement, a été de prendre en compte la trésorerie des exploitations. La production non vendue et sous-consommée représente des baisses de revenus professionnels. » Il rappelle l’importance de cette présence : « On a montré une capacité à passer de l’écoute à l’action de manière réactive sur les trois départements : Somme, Aisne, Oise. » Cela donne lieu, explique-t-il, à « un renforcement de l’image de la MSA dans les trois préfectures dans sa ­capacité à réagir politiquement et administrativement, à gérer la crise sociale, à aller vers les plus fragiles ou les filières les moins organisées. La réactivité est aussi la capacité de s’interroger sur ce qui est possible de faire réglementairement quand vous devez réclamer des cotisations dans un contexte où les rentrées d’argent sont moindres. »

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